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29/12/2023 | FRANCE | N°488288

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 29 décembre 2023, 488288


Vu la procédure suivante :



Par un jugement avant dire droit n° 2300126 du 12 septembre 2023, enregistré le 14 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de la Polynésie française a demandé au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article 179 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, d'examiner la conformité des alinéas 2 à 5 de l'article LP. 28 de la " loi du pays " n° 2009-21 du 7 décembre 2009 aux principes de liberté d'accès à la commande publique,

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Vu la procédure suivante :

Par un jugement avant dire droit n° 2300126 du 12 septembre 2023, enregistré le 14 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de la Polynésie française a demandé au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article 179 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, d'examiner la conformité des alinéas 2 à 5 de l'article LP. 28 de la " loi du pays " n° 2009-21 du 7 décembre 2009 aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures applicables en matière de commande publique, ainsi qu'à l'article 28-1 de la loi organique du 27 février 2004.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Doumic-Seiller, avocat de la Présidence de la Polynésie française et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office des Postes et Télécommunications de Polynésie Française ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 179 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que " Lorsque, à l'occasion d'un litige devant une juridiction, une partie invoque par un moyen sérieux la contrariété d'un acte prévu à l'article 140 dénommé "loi du pays" avec la Constitution, les lois organiques, les engagements internationaux, ou les principes généraux du droit, et que cette question commande l'issue du litige, la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites, la juridiction transmet sans délai la question au Conseil d'Etat, par une décision qui n'est pas susceptible de recours. Le Conseil d'Etat statue dans les trois mois. Lorsqu'elle transmet la question au Conseil d'Etat, la juridiction sursoit à statuer (...) ".

2. Aux termes de l'article 28-1 de la même loi organique : " La Polynésie française fixe les règles applicables à la commande publique de la Polynésie française et de ses établissements publics dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics ".

3. Le deuxième alinéa de l'article LP. 28 de la " loi du pays " du 7 décembre 2009 relative au cadre réglementaire des délégations de service public de la Polynésie prévoit que les dispositions des articles LP. 1er à LP. 27 de la même " loi du pays ", qui fixent notamment les règles de publicité et de mise en concurrence des délégations de service public, ne s'appliquent pas lorsqu'un établissement public confie la gestion d'un service public dont il a la responsabilité à une société filiale au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce, c'est-à-dire une société dont il possède plus de la moitié du capital. Les alinéas 3 à 5 du même article définissent les conditions d'application de cette dérogation.

4. Sur le fondement des dispositions de l'article 179 de la loi organique du 27 février 2004, le tribunal administratif de la Polynésie française, saisi d'un litige relatif au refus du président de la Polynésie française de procéder à l'abrogation des alinéas 2 à 5 de l'article LP. 28 de la " loi du pays " du 7 décembre 2009, a transmis au Conseil d'Etat la question de savoir si ces dispositions sont conformes aux principes généraux de la commande publique et à l'article 28-1 de la loi organique du 27 février 2004.

5. Les dispositions de l'article LP. 28 de la " loi du pays " du 7 décembre 2009 ont pour effet de dispenser de toute obligation de publicité et de mise en concurrence la conclusion des délégations de service public entre un établissement public et une société dont il possède plus de la moitié du capital. La Polynésie française fait valoir que cette dérogation se justifie par la configuration particulière du territoire, qui, selon elle, nécessiterait que les établissements publics polynésiens gardent la maîtrise, par l'intermédiaire de leurs filiales, des services publics assurant l'" interconnexion " entre les îles de l'archipel et rendrait la gestion de ces services publics insuffisamment rentable pour des opérateurs privés. Toutefois, de telles affirmations très générales, et au demeurant peu étayées, ne sont pas de nature à établir que, par les spécificités de leur statut, seules les filiales des établissements publics pourraient assurer la gestion déléguée des services publics dont ces derniers ont la charge, quelle que soit l'activité en cause. Par suite, en dispensant par principe de toute obligation de publicité et de mise en concurrence la conclusion des délégations de service public entre les établissements publics de la Polynésie française et leurs filiales, les dispositions litigieuses méconnaissent les exigences constitutionnelles de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats, rappelées à l'article 28-1 de la loi organique du 27 février 2004.

6. La présente décision se borne à statuer sur la question, transmise par une juridiction sur le fondement des dispositions de l'article 179 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, de la conformité des dispositions d'une " loi du pays " au bloc de légalité défini par cet article. Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont donc, en tout état de cause, irrecevables au stade de la décision statuant sur cette seule question.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que les alinéas 2 à 5 de l'article LP. 28 de la " loi du pays " n° 2009-21 du 7 décembre 2009 relative au cadre réglementaire des délégations de service public de la Polynésie sont contraires aux exigences constitutionnelles de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Pacific Mobile Telecom, à la Polynésie française et au président du tribunal administratif de la Polynésie française.

Copie en sera adressée à l'Office des postes et des télécommunications de Polynésie française.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488288
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 29 déc. 2023, n° 488288
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: Mme Esther de Moustier
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:488288.20231229
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