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15/04/2024 | FRANCE | N°493193

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 avril 2024, 493193


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, de suspendre l'exécution de la décision de mise en œuvre de son éloignement à destination du Togo prise sur le fondement de l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a ordonné sa reconduite à la frontière. Par une ordonnance n° 2401992 du 26 mars 202

4, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa ...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, de suspendre l'exécution de la décision de mise en œuvre de son éloignement à destination du Togo prise sur le fondement de l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a ordonné sa reconduite à la frontière. Par une ordonnance n° 2401992 du 26 mars 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision de mise en œuvre de son éloignement à destination du Togo prise sur le fondement de l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a ordonné sa reconduite à la frontière ;

3°) d'ordonner son rapatriement sans délai à la charge de l'Etat ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Meaude, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, l'exécution de la mesure d'éloignement à son encontre est imminente et, d'autre part, il fait l'objet d'un placement dans un centre de rétention administrative depuis le 1er mars 2024 ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;

- la décision contestée méconnaît son droit d'asile dès lors que, d'une part, il est demandeur d'asile en Belgique et bénéficie à ce titre du droit de demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande et, d'autre part, son éloignement ne peut être qu'une décision de transfert aux autorités belges compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ;

- elle méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que, d'une part, il a été marié avec une ressortissante française et, d'autre part, il est père de deux enfants français, nés en 2008 et 2019, dont il contribue à l'éducation et à l'entretien ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que son éloignement le sépare de ses enfants.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. B... A... a fait l'objet le 19 novembre 2021, par la préfète de la Gironde, sur le fondement de l'article L. 615-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une décision de mise en œuvre de la décision d'éloignement prononcée par la Suisse à son encontre. M. A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la mise en œuvre de cette mesure d'éloignement. Par une ordonnance du 26 mars 2024, dont M. A... relève appel, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 615-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider de mettre en œuvre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire d'un autre État dans les cas suivants : 1° L'étranger a fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission en vertu d'une décision de refus d'entrée ou d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres États parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et se trouve irrégulièrement sur le territoire métropolitain ".

4. Pour rejeter la demande de l'intéressé, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a relevé que M. A... ne conteste ni l'existence de sa condamnation le 5 décembre 2019 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis par le tribunal de grande instance de Thonon-les Bains, puis en récidive le 24 décembre 2021, pour usage de faux document administratif et pour détention frauduleuse de faux documents administratifs, ni l'existence du signalement exécutoire aux fins de non-admission dans l'espace Schengen par une décision du 27 décembre 2014, valable jusqu'au 27 décembre 2034, des autorités suisses, au motif qu'il a dans ce pays été condamné le 10 mars 2010 à une peine de 13 ans de prison pour trafic international de cocaïne. La décision suisse motive l'arrêté préfectoral du 19 novembre 2021, pris sur le fondement des dispositions citées au point précédent et devenu définitif. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux que, pour demander la suspension de la mise en œuvre de son éloignement à destination du Togo, M. A... fait valoir qu'il aurait déposé une demande d'asile en Belgique en 2022, toujours pendante, et qu'ainsi, son éloignement vers son pays d'origine serait contraire aux stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 29 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, au titre desquelles il devrait être autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile. Toutefois, d'une part, comme l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, M. A... fait l'objet d'un signalement par les autorités suisses aux fins de non admission dans l'espace Schengen et, d'autre part, le directeur général de l'Office français de protection des apatrides a, le 14 mars 2024, rejeté sa demande d'asile présentée en rétention le 6 mars précédent au motif que " les déclarations et les documents présentés ne permettent pas de tenir les faits allégués pour établis, ni de regarder comme fondées les craintes de persécution exprimées en cas de retour dans son pays ". Dans ces conditions, il n'a été porté aucune atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile de M. A..., qui n'est pas fondé à soutenir que la décision de mise en œuvre de son éloignement méconnaîtrait les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève.

5. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, comme l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, si M. A... fait valoir qu'il a été marié avec une ressortissante française et qu'il est père de deux enfants français issus de cette relation, nés en 2008 et 2019, et qu'il participe à leur entretien et à leur éducation, il n'apporte aucun élément au soutien de cette affirmation, si ce n'est un témoignage de son ex-épouse évoquant " un père aimant et très attentionné ", et ne démontre par ailleurs pas disposer de liens personnels anciens et stables en France et n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, il n'a été porté aucune atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., qui n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision de mise en œuvre de son éloignement méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'établit pas qu'il serait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une des libertés fondamentales qu'il invoque. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sans qu'il y ait lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 15 avril 2024

Signé : Thomas Andrieu


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 493193
Date de la décision : 15/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2024, n° 493193
Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493193.20240415
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