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15/04/2024 | FRANCE | N°493234

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 15 avril 2024, 493234


Vu la procédure suivante :

Mme A... C... et M. B... D..., agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leur fils mineur, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les prendre en charge en application de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles dès la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2401984 du 8 avril 2024, le juge des référés du tribunal administrati

f a rejeté leur demande.



Par une requête et un ...

Vu la procédure suivante :

Mme A... C... et M. B... D..., agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leur fils mineur, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de les prendre en charge en application de l'article L. 345-2-2 du code de l'action sociale et des familles dès la notification de l'ordonnance à intervenir. Par une ordonnance n° 2401984 du 8 avril 2024, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 et 9 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... et M. D... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, ils sont sans solution d'hébergement avec leur enfant mineur âgé d'un an et demi et, d'autre part, M. D... est atteint d'une pathologie incompatible avec une vie sans domicile fixe, les plaçant dans une situation d'extrême vulnérabilité ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'hébergement d'urgence, à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, au droit de la famille à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants ainsi qu'au droit au respect de la dignité humaine ;

- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif a estimé que l'absence de réponse à leur demande d'hébergement d'urgence ne caractérisait pas une carence de l'Etat en dépit de leur présence à Toulouse et de leurs sollicitations répétées auprès du service intégré d'accueil et d'orientation de la Haute-Garonne.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés le 12 avril 2024, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement conclut au non-lieu à statuer. Elle soutient qu'une solution d'hébergement leur ayant été proposée de manière durable et un accompagnement social devant intervenir prochainement, leur recours a perdu son objet.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme C... et M. D... et, d'autre part, la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 12 avril 2024, à 15 heures :

- Me Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme C... et M. D... ;

- le représentant de Mme C... et M. D... ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".

2. L'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l'autorité du préfet, " un dispositif de veille sociale chargé d'accueillir les personnes sans abri ou en détresse ". Aux termes de l'article L. 345-2-2 : " Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. / Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine et garantissant la sécurité des biens et des personnes, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier. / L'hébergement d'urgence prend en compte, de la manière la plus adaptée possible, les besoins de la personne accueillie (...) ". Aux termes de l'article L. 345-2-3 : " Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ".

3. Il appartient aux autorités de l'Etat, sur le fondement des dispositions citées au point 2, de mettre en œuvre le droit à l'hébergement d'urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l'accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu'elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d'apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. Il résulte de l'instruction que Mme C..., née le 28 décembre 1993 à Oran, et M. D..., né le 26 juin 1981 à Oran, ressortissants algériens, accompagnés de leur enfant mineur, né le 19 janvier 2022 à Marseille, résidant en France en situation irrégulière, sont arrivés à Toulouse entre le 16 février et le 25 mars 2024 après avoir été logés en région parisienne dans cinq hôtels au titre de l'hébergement d'urgence successivement entre le 12 janvier et le 16 février 2024. Ils se sont trouvés, malgré des appels répétés au 115 géré par le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) de la Haute-Garonne et en l'absence même de saturation du dispositif alléguée, depuis le 25 mars 2024 et encore le 8 avril 2024, à la date de l'ordonnance attaquée, sans hébergement alors que M. D... faisait valoir, sans être contredit, un état de santé dégradé, une pathologie incompatible avec une vie sans domicile fixe, ainsi que du très jeune âge de leur fils,

5. Toutefois, il résulte de l'instruction conduite par le juge des référés du Conseil d'Etat qu'à la suite de l'ordonnance attaquée et depuis le 11 avril 2024, la famille est prise en charge au titre de l'hébergement d'urgence au sein de l'hôtel " La Palmeraie " à Cornebarrieu (Haute-Garonne). Il résulte également du dernier mémoire produit avant l'audience par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement et qui a été communiqué au début de celle-ci au conseil des requérants qui a pu en prendre connaissance et y répliquer dans le cadre de l'instruction qui s'est poursuivie à l'audience, que " cet hébergement qui a pris effet à compter du 11 avril 2024, a vocation à s'inscrire dans la durée en application du principe de continuité prévu à l'article L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles " et que " par ailleurs, ce ménage sera prochainement reçu par le SIAO de Haute-Garonne qui l'orientera vers la maison des solidarités compétente afin qu'il bénéficie d'un premier niveau d'accompagnement social ". Même s'il ne fait pas mention de pièces émanant des acteurs locaux confirmant ou précisant les indications qui y sont contenues, ce mémoire dont les termes ne sont pas sérieusement contredits, démontre la volonté affichée de l'administration d'inscrire cet hébergement dans le cadre défini par l'article L. 345-2-3 du code de l'action sociale et des familles dont les dispositions rappelées au point 2 prévoient que la personne - ici la famille - accueillie doit pouvoir bénéficier d'un accompagnement personnalisé, demeurer dans la structure d'hébergement d'urgence jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée vers une structure adaptée. Ces éléments sont, en tout état de cause, équivalents à ceux qui auraient pu être, en l'espèce, enjoints pour mettre fin à une carence caractérisée de l'Etat. Il s'ensuit que, sauf changement dans les circonstances de l'espèce, cet engagement qui s'étend à l'échelon local des administrations concernées rend sans objet la nécessité pour le juge du référé de prononcer une injonction, au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce que l'Etat accueille Mme C..., M. D... et leur fils, dans une structure d'hébergement d'urgence pour pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'ils le souhaitent, jusqu'à ce qu'une orientation leur soit proposée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que, l'ordonnance attaquée par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de Mme C... et M. D... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de les prendre en charge, avec leur enfant mineur, au titre de l'hébergement d'urgence en application du code de l'action sociale et des familles n'étant plus susceptible de produire d'effets juridiques à l'égard des intéressés, leur requête dirigée contre cette ordonnance est devenue sans objet.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par Mme C... et M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de de statuer sur les conclusions de la requête d'appel à fin d'annulation de l'ordonnance attaquée et d'injonction.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme C... et M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C... et M. B... D... ainsi qu'à la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL).

Fait à Paris, le 15 avril 2024

Signé : Olivier Yeznikian


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 493234
Date de la décision : 15/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2024, n° 493234
Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:493234.20240415
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