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23/11/2023 | FRANCE | N°22LY00228

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 novembre 2023, 22LY00228


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement nos 1900363-1900366 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des majorations de 80 % appliquées à ces impositions.



Proc

édure devant la cour



Par une requête enregistrée le 24 janvier 2022, le ministre de l'économie, des fin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1900363-1900366 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des majorations de 80 % appliquées à ces impositions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et la relance, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rétablir les majorations dans la limite du taux de 40 % applicable en cas de manquement délibéré ;

Le ministre soutient que :

- les manquements délibérés sont caractérisés par la dissimulation d'importants prélèvements sur le compte courant d'associé de l'EURL GMS Industrie et l'établissement de factures de matériel non utilisés pour l'exploitation au sein de l'entreprise dont ni la réalité ni la valeur n'ont été démontrées ;

- il y a lieu de rétablir, à hauteur de 122 270 euros, les majorations sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts qu'il y a lieu de substituer comme base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2022, M. et Mme A... concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le moyen de la requête n'est pas fondé.

Par ordonnance du 26 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mai 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benoit, représentant M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL GMS Industrie, qui exerçait une activité de chaudronnerie, tôlerie et tuyauterie dans le secteur de l'industrie et des remontées mécaniques et dont M. A... était le gérant et l'unique associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2013, 2014 et 2015 à la suite de laquelle l'administration, après avoir écarté sa comptabilité comme non probante, a réintégré dans ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés des charges non engagées dans l'intérêt de l'entreprise. M. et Mme A... ont, en conséquence de ce contrôle, été assujettis à des compléments d'impôt sur le revenu, au titre des années 2013, 2014 et 2015 résultant de l'inclusion dans leurs revenus imposables de revenus distribués que l'administration a imposés entre les mains de M. A... sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. Ces impositions supplémentaires, de même que les cotisations de contributions sociales auxquelles M. et Mme A... ont également été assujettis, ont été assorties de la majoration pour manquement délibéré de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts s'agissant des dépenses d'entretien de véhicules personnels prises en charge par la société et de la majoration pour manœuvre frauduleuse de 80 % prévue au c. du même article s'agissant des remboursements indus de frais de déplacement et des apports en compte courant non justifiés. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les demandes de M. et Mme A... tendant à la décharge de ces impositions et pénalités, a prononcé la décharge des majorations pour manœuvres frauduleuses de 80 % appliquées à ces impositions et rejeté le surplus de leurs conclusions. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement et conclut au rétablissement des majorations déchargées dans la limite du taux de 40 % applicable en cas de manquement délibéré qu'il demande de substituer à la majoration appliquée au taux de 80 %.

2. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...). ".

3. Les pénalités pour manœuvres frauduleuses dont le taux est fixé à 80 % ont pour objet de sanctionner des agissements destinés à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration. Pour établir le manquement délibéré du contribuable justifiant l'application de pénalités au taux de 40 %, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Enfin, il appartient au juge administratif de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par l'administration pour justifier des pénalités pour manœuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser la mauvaise foi du contribuable et de substituer, au besoin d'office, à la majoration de 80 % appliquée par l'administration sur le fondement du c. de l'article 1729 précité du code général des impôts la majoration de 40 % pour mauvaise foi prévue au a. du même article.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 5 août 2016 adressée à M. et Mme A..., que, pour justifier l'application de pénalités pour manœuvres frauduleuses à une fraction des compléments d'impôt sur le revenu et des contributions sociales dont ils ont été l'objet, le service s'est fondé sur l'importance du montant des revenus éludés et la réitération de l'insuffisance déclarative au cours des trois années contrôlées et sur la circonstance que M. A... avait bénéficié de revenus, dont le montant était versé sur son compte-courant d'associé, provenant de la vente de matériels à l'EURL GMS Industrie dont il n'a pas été en mesure d'établir qu'il en était le propriétaire et ce alors qu'il n'avait pas non plus déclaré exercer une activité professionnelle de vente de matériel d'occasion. Il s'est, en outre, fondée sur la circonstance que M. A... avait surévalué le remboursement de ses frais kilométriques en indiquant un nombre de kilomètres très supérieur à celui qu'il avait réellement parcouru et en appliquant un barème non reconnu par l'administration fiscale. Eu égard au caractère répété des insuffisances déclaratives et au montant des sommes en cause qui s'élèvent à 97 177 euros au titre de 2013, 210 812 euros au titre de 2014, 260 094 euros au titre de 2015, les faits relevés par le service caractérisent l'intention délibérée des contribuables d'éluder l'impôt justifiant l'application de majorations pour manquement délibéré sans que M. et Mme A... puissent utilement faire valoir, pour échapper aux pénalités, que les déclarations de frais kilométriques de M. A... étaient établies par son assistante, que le matériel, présent dans l'entreprise, identifié par des factures retranscrites en comptabilité, était soumis à amortissement ou que l'EURL GMS Industrie a obtenu la décharge des pénalités pour manœuvres frauduleuses appliquées aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, aucune de ces considérations n'ayant d'incidence sur l'appréciation du bien-fondé des majorations encourues. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a jugé que les pénalités pour manquement délibéré n'étaient pas applicables en l'espèce.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander le rétablissement des majorations appliquées aux compléments d'impôt sur le revenu et aux cotisations de contributions sociales établis au titre des années 2013, 2014 et 2015, déchargées par le tribunal administratif, dans la limite du taux de 40 % applicable en cas de manquement délibéré du contribuable à ses obligations déclaratives.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les majorations appliquées aux compléments d'impôt sur le revenu et aux cotisations de contributions sociales auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015, déchargées par le tribunal administratif, sont rétablies dans la limite du taux de 40 % applicable en cas de manquement délibéré.

Article 2 : Le jugement n° 1900363-1900366 du tribunal administratif de Grenoble du 15 octobre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 novembre 2023.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous les commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00228
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;22ly00228 ?
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