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23/11/2023 | FRANCE | N°23VE00354

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 23 novembre 2023, 23VE00354


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.



Par un jugement n° 2300889 du 30 janvier 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Ponto

ise a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 2300889 du 30 janvier 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2023, M. E..., représenté par Me Savignat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, ou à tout préfet compétent, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- le délai de sept jours pour la convocation à l'audience prévu à l'article R. 711-2 du code de justice administrative n'a pas été respecté ;

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire dès lors que le mémoire en défense, arrivé quelques minutes avant le début de l'audience, lui a été communiqué après le début de l'audience et la clôture des débats prononcée à l'issue des observations des parties, de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure d'y répliquer utilement ;

- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

S'agissant du bien-fondé du jugement :

- la décision a été signée par une autorité incompétente ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas justifié de l'existence d'un rapport médical établi par un médecin de l'OFII conformément à l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que l'avis n'a pas renseigné les informations relatives à la disponibilité des traitements dans son pays d'origine ainsi que la durée des soins nécessaires ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet s'est fondé sur un risque hypothétique tiré du fait que le défaut de prise en charge " ne devrait pas " entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il vit en concubinage depuis 2015 avec la mère de son enfant, né en 2016 et qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, qu'il a quitté en 1996, à l'âge de 12 ans, pour immigrer en Grèce avec sa famille ; que son frère vit également en France et son père et sa mère sont décédés ; il est par ailleurs associé dans le capital de la SARL MPFE depuis 2013, société constituée à l'origine par son frère et sa belle-sœur ;

- la décision fixant l'Arménie comme pays de destination est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de ce qui a été dit précédemment.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florent a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., ressortissant arménien né le 14 février 1984 à Erevan (Arménie), est entré sur le territoire français le 10 janvier 2015. Il a sollicité, le 20 septembre 2022, un titre de séjour pour soins. Par un arrêté du 21 décembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office. Par ailleurs, par un arrêté du même jour, le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné l'assignation à résidence de M. E... pour une durée de 45 jours. Par la présente requête, M. E... relève appel du jugement du 30 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, M. E... soutenait notamment que l'arrêté contesté avait été signé par une autorité incompétente. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ayant trait à la régularité du jugement, ce dernier doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. D... A..., sous-préfet d'Antony et de Boulogne-Billancourt, qui bénéficiait, en vertu de l'arrêté PCI n° 2022-100 du

5 décembre 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 7 décembre suivant, d'une délégation du préfet des Hauts-de-Seine à l'effet de signer les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il résulte des mentions portées sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 8 novembre 2022 que le collège a rendu son avis au vu du rapport du médecin rapporteur, le Dr C..., qui a convoqué le requérant pour un examen médical au cours duquel l'intéressé a justifié de son identité. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que rien ne permet d'établir au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII que le rapport médical aurait été établi par un médecin de l'OFII ni les conditions dans lesquelles ce médecin aurait rendu son avis, conformément aux dispositions de l'article R. 425-11 et R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, M. E... fait valoir que l'avis du 8 novembre 2022 précité ne respecte pas les prescriptions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis, en ce que cet avis ne se prononce ni sur l'offre de prise en charge médicale du requérant en Arménie au regard de son état de santé ni sur la durée des soins que cet état nécessite. Toutefois, il est constant que le collège des médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 8 novembre 2022 que le défaut de prise en charge médicale du requérant ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Le collège n'avait ainsi pas l'obligation de se prononcer sur la qualité de l'offre de soins en Arménie pour la prise en charge médicale du requérant ni sur la durée des soins nécessités par son état de santé, de sorte que l'avis précité comporte l'ensemble des mentions exigées par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précité.

En ce qui concerne la légalité interne :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) "

8. Contrairement à ce que soutient M. E..., l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage, au vu de l'avis du collège de médecins, de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger malade doit simplement établir, selon les termes mêmes de l'article L. 425-9 précité, que le défaut de prise en charge médicale " pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ". Par suite, l'avis du 8 novembre 2022 n'est pas entaché d'erreur de droit au motif qu'il serait fondé sur la probabilité et non la certitude que le défaut de traitement du requérant ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces médicales fournies par M. E..., hospitalisé plusieurs fois entre novembre 2021 et janvier 2022 en raison d'une méningite à pneumocoque lui ayant laissé pour séquelles des troubles auditifs pour lesquels il a bénéficié de la pose d'implants cochléaires en janvier 2022, que le défaut de prise en charge médicale du requérant serait susceptible d'entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à supposer qu'il ait été soulevé, doit être écarté.

9. En deuxième lieu, M. E... fait valoir qu'il est entré en France 2015 avec sa mère pour y rejoindre son frère, arrivé trois années plus tôt, après avoir vécu pendant près de vingt ans en Grèce où ses parents avaient immigrés en 1995-1996 et où il a effectué toute sa scolarité. Le requérant fait valoir également qu'il est bien inséré socialement et professionnellement en France, où il est associé à 50% de l'entreprise de menuiserie créée par son frère et sa belle-sœur, qu'il vit chez son frère, en situation régulière, avec une compatriote avec laquelle il a eu un enfant né en France en mai 2016, scolarisé en CP. M. E... fait valoir enfin qu'il n'a plus d'attaches en Arménie qu'il a quitté à l'âge de 12 ans dès lors que ses parents sont décédés, son père en 2008 en Grèce et sa mère en 2018 en France des suites d'un cancer, et que son unique frère vit en France. D'une part toutefois, bien que ses allégations soient plausibles, M. E..., qui ne verse au dossier notamment aucun certificat de scolarité, n'établit pas devant la cour avoir vécu durant vingt ans en Grèce, sans être retourné en Arménie, en se bornant à produire un billet de car de 1996, un document que le requérant présente comme un titre de séjour grec, datant de 1998, non traduit, et une attestation circonstanciée de son frère. D'autre part, le requérant, qui n'est entré en France qu'à l'âge de 31 ans, ne produit aucune preuve de son insertion professionnelle, hormis une attestation de son frère qui ne saurait être suffisante à défaut d'être corroborée par des bulletins de paie ou à tout le moins des encaissements bancaires réguliers. En outre, il est constant que la compagne de M. E... est également en situation irrégulière et possède la même nationalité que le requérant de sorte qu'il n'existe pas d'obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Arménie où le requérant ne soutient pas notamment que sa compagne serait dépourvue d'attaches. Enfin, si le requérant souffre de problèmes d'audition à la suite de sa méningite à pneumocoque, il n'est pas établi, ni même allégué, que la présence de son frère à ses côtés serait indispensable. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation et en adoptant la mesure d'éloignement litigieuse ou bien encore en fixant l'Arménie, seul pays où le requérant est légalement admissible, comme pays de renvoi.

10. Il s'ensuit que les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine doivent par suite être rejetées, de même, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 30 janvier 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Albertini, président,

- M. Pilven, président assesseur,

- Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

La rapporteure,

J. FLORENTLe président,

P-L ALBERTINI

La greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE00354


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00354
Date de la décision : 23/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : SCP GABORIT - RUCKER - SAVIGNAT - VALENT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;23ve00354 ?
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