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24/11/2023 | FRANCE | N°22MA00531

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 24 novembre 2023, 22MA00531


Vu les autres pièces du dossier.





Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.







Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.



Une note en délibéré, enregistrée le 17 novembre 2

023, a été produite pour la SARL Provence Bastides.



Considérant ce qui suit :



1. La SARL Provence Bastides, qui exerce une activité de maçonneri...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 novembre 2023, a été produite pour la SARL Provence Bastides.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Provence Bastides, qui exerce une activité de maçonnerie générale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle elle a notamment fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Elle a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de l'intégralité de ces rappels et cotisations supplémentaires. Par un jugement du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. La SARL Provence Bastides, qui relève appel de ce jugement, demande uniquement la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La circonstance, à la supposer établie, que le jugement du tribunal administratif de Toulon serait entaché d'erreurs de droit et de faits, est, en tout état de cause, sans incidence sur sa régularité dès lors que ces erreurs n'affecteraient, si elles étaient établies, que le bienfondé du jugement et non sa régularité.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le bienfondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

3. D'une part, il résulte des dispositions du 5° du I de l'article 39 du code général des impôts qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

4. D'autre part, une entreprise ne peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, qu'à la condition que ces pertes soient subies ou ces charges soient supportées à la suite d'opérations se rattachant à la gestion normale de l'entreprise. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

5. Il résulte de l'instruction que, le 31 décembre 2019, la SARL Provence Bastides a, d'une part, constaté une provision pour risques et charges d'un montant de 1 674 000 euros et, d'autre part, inscrit le versement de la somme de 1 674 400 euros à la SARL Sud Finance, par compensation avec une dette qu'elle détenait sur cette société, ces écritures transcrivant une promesse de vente conclue le 24 décembre précédent entre ces deux sociétés. Par cet acte, la société Sud Finances, le promettant, a promis de vendre à la SARL Provence Bastides, le bénéficiaire, un ensemble immobilier pour un prix de 8 millions d'euros. Cette promesse a initialement été consentie pour un délai expirant le 28 juin 2011 à 16 heures et soumise à deux conditions suspensives. La première tient à l'obtention par le bénéficiaire d'un permis de construire avant le 30 mai 2011 autorisant l'utilisation d'une surface hors d'œuvre nette de 15 % de la superficie du terrain, et la seconde est constituée par l'absence d'obtention par le bénéficiaire d'une surface hors d'œuvre nette supérieure à 18 %. En cas d'obtention par le bénéficiaire d'une surface hors d'œuvre nette supérieure à 18 %, il est prévu que la promesse de vente serait caduque et que l'indemnité d'immobilisation versée par le bénéficiaire de cette promesse, soit 1 674 400 euros, resterait acquise au promettant, alors qu'en cas de refus de délivrance du permis de construire, elle serait restituée à la société Provence Bastides, et en cas de signature de l'acte de vente définitif, elle s'imputerait sur le prix de vente. Cet acte promet, enfin, que le bénéficiaire a versé directement au promettant la somme de 1 674 400 euros, mais que, " d'un commun accord entre les parties, ladite somme demeure compensée avec pareille somme de 1 674 400 euros formant le montant en principal de la créance détenue par la société Provence Bastides sur la société Sud Finance. Ladite créance résultant des travaux effectués par la société Provence Bastides pour le compte de la société Sud Finance. ".

6. En l'espèce, la société requérante a souscrit à la clause stipulant qu'elle s'appauvrirait de la somme de 1 640 400 euros en cas d'obtention d'un permis de construire un immeuble d'une surface hors d'œuvre nette supérieure à 18 % sans qu'il ne soit à aucun moment, ni devant l'administration, ni devant les premiers juges ni même en appel, allégué de l'intérêt qu'elle aurait eu à conclure une telle clause, tandis que, au contraire, au moment de la conclusion de cette promesse, la SARL Sud Finance et la SARL Provence Bastides étaient domiciliées à la même adresse et avaient un même associé, et qu'en outre la transcription comptable des clauses stipulées dans la promesse de vente en cause a permis à chacune de ces deux sociétés de réduire significativement leur bénéfice imposable. Il s'en suit que l'administration établit que la société requérante a accompli de la sorte un acte contraire à une gestion commerciale normale. Par ailleurs et comme l'avait jugé à juste titre le tribunal, l'entreprise requérante ne démontre aucune circonstance rendant, eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice, probable la délivrance d'un permis de construire un immeuble d'une surface hors d'œuvre nette supérieure à 18 %. En conséquence, la provision passée sur la charge qu'aurait fait naître cet acte ne pouvait être déduite du bénéfice imposable de la SARL Provence Bastides, laquelle a, au demeurant, décrit dans ses écritures de première instance cette provision comme une erreur commise par sa comptable.

7. En outre, la réintégration, faite spontanément par un contribuable dans les résultats d'un exercice déterminé, d'une provision qui à une date quelconque, même antérieure à l'ouverture de cet exercice, était devenue sans objet ou avait été irrégulièrement constituée, ne peut être regardée comme une décision erronée que l'administration serait tenue de rectifier en vue de déterminer les résultats de l'exercice. Par suite, la circonstance que la société requérante ait procédé à la reprise de la provision en litige dans ses résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et que celle-ci soit ainsi devenue sans objet demeure sans influence sur le bienfondé des impositions en litige qui ont été antérieurement mises en recouvrement le 15 avril 2015. Par ailleurs, le montant mis en recouvrement par l'administration tenait compte, contrairement à ce que soutient la société requérante, du fait qu'elle avait procédé à la réintégration d'une partie de la provision à hauteur de 100 000 euros sur les résultats de l'exercice 2011 vérifié. Il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait fait l'objet d'une double-imposition au titre d'un même résultat.

8. Enfin, il résulte de l'instruction, et notamment des " conséquences financières du contrôle " mentionnées dans la proposition de rectification en date du 1er août 2013, que l'administration a retenu comme base d'imposition le résultat imposable rectifié après réintégration de la provision susévoquée et n'a pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, retenu comme base le montant de cette provision. La société requérante n'est donc pas fondée à critiquer le calcul de sa base d'imposition auquel a procédé l'administration.

9. Par suite et comme l'a jugé à juste titre le tribunal, c'est à bon droit que l'administration a remis à sa charge les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 à raison de la réintégration de ladite provision dans sa base d'imposition.

En ce qui concerne les pénalités :

10. Aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts : " Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. (...) ".

11. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, à supposer qu'il ait été soulevé, tiré de ce que la société requérante doit être déchargée des intérêts de retard en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, la SARL Provence Bastides n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SARL Provence Bastides non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Provence Bastides est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Provence Bastides et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2023.

2

N° 22MA00531

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00531
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : MCL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;22ma00531 ?
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