La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/11/2023 | FRANCE | N°22PA02516

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 24 novembre 2023, 22PA02516


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Engie Energies Services, venant aux droits de la société Champigny Géothermie, a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le titre exécutoire n° 156 du 24 octobre 2017 émis par l'établissement public campinois de géothermie et d'être déchargée de la somme de 851 107,32 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire.



Par un jugement n° 1707221,1709895 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a, notamment, d'une par

t, annulé ce titre exécutoire, d'autre part, déchargé la société Engie Energies Services de l'obligatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Engie Energies Services, venant aux droits de la société Champigny Géothermie, a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le titre exécutoire n° 156 du 24 octobre 2017 émis par l'établissement public campinois de géothermie et d'être déchargée de la somme de 851 107,32 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire.

Par un jugement n° 1707221,1709895 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a, notamment, d'une part, annulé ce titre exécutoire, d'autre part, déchargé la société Engie Energies Services de l'obligation de payer la somme de 851 107,32 euros et, enfin, rejeté le surplus des conclusions présentées par les parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er juin 2022, le 31 mars 2023 et le 30 mai 2023, l'établissement public campinois de géothermie (EPCG), représentée par la SELARL Gaia, Me Péru, demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société Champigny Géothermie, aux droits de laquelle est venue la société Engie Energies Services ;

3°) de mettre à la charge de la société Engie Energies Services la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors notamment que le rapporteur public a soutenu une position inverse de celle retenue par la formation de jugement ;

- les dépenses de gros entretien et de renouvellement de la cogénération n'ont, en fait, entre 2008 et 2013, jamais été financées par le compte " gros entretien et renouvellement " (GER) ;

- la circonstance que dans la convention de délégation de service public, certains articles prévoient de manière commune les dépenses GER des ouvrages de géothermie et de cogénération ne signifie pas que le mode de financement de ces dépenses soit le même pour chacun des deux types d'ouvrage ;

- l'analyse du compte d'exploitation prévisionnel, qui doit traduire le nécessaire équilibre économique du contrat de délégation tel que prévu à l'article 37 de la convention, laisse transparaître que les dépenses GER de la cogénération ont été financées, entre 2008 et 2013, par le terme tarifaire " R1c ", qui correspond à la vente d'électricité cogénérée, et non par le terme tarifaire " R2gt ", qui alimente seul le compte GER aux termes de l'article 33-6 de la convention ;

- l'avenant n° 2 signé le 31 octobre 2013, rendu nécessaire du fait notamment de la renégociation des contrats de vente d'électricité avec EDF et des travaux de modernisation des ouvrages de géothermie, a modifié les modalités de financement des dépenses GER, en permettant l'intégration des dépenses GER de cogénération dans le compte GER à compter de 2014 et en modifiant les montants des tarifs " R1c " et " R2gt " ;

- l'annexe 2 relative au suivi détaillé des travaux de la cogénération contenue dans les rapports annuels du délégataire pour les années 2011 et 2012 mentionne que " Pour information : les dépenses GER de la cogénération sont financées par le R1c et la vente d'électricité à EDF ", ce qui, en cohérence avec le compte d'exploitation prévisionnel, est de nature à établir l'intention du délégataire d'exclure ces dépenses du compte GER ;

- par suite, l'argumentation de la société Engie Energie Services invoquant un financement identique des dépenses GER des deux types d'ouvrage apparaît contraire à l'intention commune des parties, révélée notamment tant par l'analyse du compte d'exploitation prévisionnel que par l'examen des rapports annuels produits par le délégataire entre 2008 et 2013, qui a été d'exclure du compte GER les dépenses GER de la cogénération ;

- l'analyse juridique et financière de la société Bérim, assistant à maîtrise d'ouvrage de l'EPCG, est de nature à démontrer que l'analyse du délégataire concernant le compte GER n'est pas cohérente ;

- l'analyse du financement des dépenses réelles GER tel qu'effectuée par la société Bérim est de nature à justifier le montant du solde du compte GER retenu par le délégant et n'est pas contestée par le délégataire ;

- les autres moyens de première instance de la société Engie Energies Services sont infondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 février 2023 et le 27 avril 2023, la société Engie Energies Services, représentée par la société Adden Avocats, Me Nahmias, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'établissement public campinois de géothermie (EPCG) la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire et suivant les autres moyens invoqués par elle en première instance, le titre exécutoire est entaché d'irrégularité du fait de l'absence de désignation précise et complète du débiteur et d'indication relative aux modalités de règlement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- les observations de Me Delarue pour l'établissement public campinois de géothermie et de Me Bénoit pour la société Engie Energies Services France.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention d'affermage signée le 12 mars 2008, la commune de Champigny-sur-Marne a confié à la société Elyo Ile-de-France-Suez Energie Services, à laquelle s'est substituée la société Champigny Géothermie, puis la société Engie Energie Services, la gestion déléguée du service public d'exploitation du réseau de chauffage urbain communal à compter du 1er septembre 2008 jusqu'au 31 août 2016, soit pour une durée de huit ans. Cette convention a fait l'objet d'un avenant n° 2 en date du 31 octobre 2013, afin notamment de modifier la description des ouvrages mis à disposition du délégataire. Au titre du solde de la délégation de service public, l'établissement public campinois de Géothermie (EPCG), venu aux droits de la commune de Champigny-sur-Marne, a notifié à la société Champigny Géothermie, en date du 11 juillet 2017, un titre exécutoire émis le 6 juillet 2017 d'un montant de 709 256,10 euros HT, soit 851 107,32 euros TTC. Le 12 juillet 2017, l'EPCG a en outre notifié à la société Champigny Géothermie une facture du 29 juin 2017 du même montant précité, accompagnée d'un document intitulé " Solde DSP-Reversement Gros entretien et renouvellement ", explicitant les bases de liquidation de ce titre exécutoire. L'EPCG, après avoir retiré ce premier titre, a notifié à la société Champigny Géothermie un second titre exécutoire émis le 24 octobre 2017 d'un montant de 851 107,32 euros TTC. L'EPCG relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé le titre exécutoire émis le 24 octobre 2017, a déchargé la société Engie Energie Services de l'obligation de payer la somme de 851 107,32 euros et a mis à la charge de l'EPCG le versement à cette société d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. D'une part, aux termes de la convention de gestion déléguée du réseau de chaleur de la commune de Champigny-sur-Marne : " Article 1-1. Le délégataire se voit confier aux termes et conditions de la présente convention : (...) l'exploitation des ouvrages constitutifs du réseau de chauffage urbain défini à l'article 7-1 (...). / Article 7-1-1. Le délégataire prend en charge l'ensemble des biens et équipements d'exploitation appartenant au délégant (...), à savoir : - les installations géothermales et géothermiques ; - l'installation de cogénération (...). / Article 22 "Conditions d'exploitation de la géothermie". Article 22-1. Le délégataire est tenu de maintenir en permanence la fourniture de chaleur géothermique (...) / Article 23 "Conditions d'exploitation de la cogénération". Article 23-1. Le délégataire s'engage à fournir une quantité d'énergie thermique produite par récupération simple dans les limites de l'installation de cogénération qu'il prend en charge (...). / Article 30. (...) Le tableau fourni en annexe 14 décrit l'ensemble du programme de gros entretien et de renouvellement (...). / Article 32-1. (...) Un compte de gros entretien et renouvellement (GER) est tenu par le délégataire (...) / Article 32-3 "Gros entretien spécifique à la géothermie" (...) / Article 32-4 "Gros entretien spécifique à la cogénération" (...). / Article 33-1 (...) Le programme des travaux de renouvellement des équipements fourni en Annexe 14 par le délégataire constitue un engagement minimum que le délégataire a pour obligation de respecter. Les dépenses supportées par le délégataire sont imputées sur le compte de gros entretien et renouvellement (...). / Article 33-6 "Dispositions applicables au compte GER". Pour faire face à ses obligations, le délégataire ouvre et tient dans sa comptabilité un compte Gros Entretien et Renouvellement. Ce compte est alimenté par le délégataire selon la fréquence et l'assiette financière suivante : - 1er décembre : 1/4 R2gt annuel, - 1er mars : 1/4 R2gt annuel, - 1er juin : 1/4 R2gt annuel, - 1er septembre : 1/4 R2gt annuel. / Dans ces conditions, tous les produits et charges financières sont affectés au compte GER ". L'annexe 14 décrit les plans prévisionnels de renouvellement et de dépenses de gros entretien concernant tant les infrastructures de géothermie (équipements de surface et puits) que la centrale de cogénération.

3. D'autre part, aux termes de l'article 37 de la convention précitée : "Economie générale de la délégation". (...) La rémunération du délégataire est exclusivement constituée des recettes liées à la fourniture des services de la délégation aux abonnés. / Ces recettes sont calculées sur la base des tarifs prévus à l'article 38 ci-après, que le délégataire est autorisé à percevoir auprès des abonnés. / Dans ces conditions, les recettes prévisionnelles tirées de l'exploitation du service public objet de la délégation sont réputées permettre au délégataire d'assurer son équilibre économique tel que déterminé aux termes du compte d'exploitation prévisionnel, établi pour la durée de la délégation, joint à la convention en annexe 15. / Le délégataire supporte l'ensemble des charges relatives à la gestion du service public délégué. (...) ". Aux termes de l'article 38-1 de la convention précitée : " "Tarifs de vente de la chaleur". (...) Ces tarifs ont été établis au vu notamment d'un compte prévisionnel de l'exploitation, établi par le délégataire sur la durée du contrat qui détaille le calcul des prix de base de l'énergie calorifique, ainsi que des recettes et des dépenses du service (...) / Chacun de ces tarifs est décomposé en trois éléments R1, R2c et R2gt (...) / Le terme R2gt est un élément fixe représentant la somme des coûts suivants : - coût des prestations de gros entretiens nécessaire pour assurer le fonctionnement des installations primaires ; - coût de renouvellement des installations. / Le terme R1 est déterminé par la formule : R1 = a*R1g + b*R1c + c*R1a. / Avec : (...) R1c : prix unitaire de l'énergie cogénérée (...) ". Aux termes de l'article 61 de la convention : " "Fin d'exploitation". Article 61-1. Douze mois avant l'expiration de la, convention de délégation de service public, les parties arrêteront et estimeront, le cas échéant après expertise, les travaux d'entretien ou de remise en bon état de fonctionnement des biens et ouvrages d'exploitation qui font partie intégrante du service et feront retour au délégant. Le délégataire sera tenu d'exécuter ces travaux avant l'expiration de la convention (...). / En outre, si, après validation de l'estimation des travaux ci-dessus : - si le solde du compte de GER est créditeur, le délégataire et le délégant se rencontreront pour décider quels travaux d'amélioration des ouvrages de la délégation peuvent être réalisés, avant la fin de la délégation, afin de porter le solde du compte de GER à 0, à défaut de quoi le reliquat du solde créditeur sera partagé à 70 % pour le délégant et 30 % pour le délégataire ; - si le solde du compte de GER est débiteur, le délégataire supportera, à ses frais, le montant du débit correspondant. En aucun cas, le délégant ne pourra contribuer au paiement de ce débit ".

4. Il résulte notamment des stipulations qui précèdent des articles 7-1-1, 22-1 et 23-1 de la convention du 12 mars 2008 que le délégataire devait gérer principalement deux types d'ouvrage, à savoir, d'une part, un ouvrage de géothermie, permettant une vente de chaleur aux usagers et, d'autre part, une centrale de cogénération, permettant une vente d'énergie électrique à EDF et une vente de chaleur aux usagers. Pour prononcer l'annulation du titre exécutoire émis par l'EPCG le 24 octobre 2017 et décharger la société Engie Energie Services de l'obligation de payer la somme de 851 107,32 euros, les premiers juges ont estimé, en premier lieu, outre que l'EPCG n'établissait pas que la société Champigny Géothermie aurait exclu, " selon une pratique constante ", les dépenses de gros entretien et de renouvellement de l'installation de cogénération du compte GER (Gros entretien et renouvellement) entre 2008 et 2013, qu'il ressortait des stipulations de la convention que les charges liées au gros entretien et au renouvellement de toutes les installations, y compris celle de cogénération, devaient dès la signature du contrat être incluses dans le compte GER. En second lieu, ils ont considéré que ces stipulations n'avaient en outre pas été modifiées par l'avenant n° 2 du 31 octobre 2013 qui, d'une part, n'avait ni le sens ni la portée que l'EPCG lui donnait et qui, d'autre part, n'avait eu pour effet ni d'ajouter aux obligations du fermier des dépenses de gros entretien et de renouvellement relatives à un nouvel ouvrage ni de modifier les modalités de financement de ces dépenses.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Engie Energie Services a présenté, dans le cadre de la mise en œuvre de l'article 61 de la convention relatif à la fin d'exploitation du service, le compte d'exploitation prévisionnel final de la délégation de service public (DSP), constituant l'annexe 15 de la convention. L'analyse de ce compte fait apparaître, sous le libellé " sous-total réseau ", dans la partie " charges P3 ", un montant total cumulé de 3 774 265 euros, correspondant au montant des dépenses dites GER (Gros entretien et renouvellement) relatives aux installations de géothermie. Le montant des dépenses propres à la cogénération est, quant à lui, arrêté à la somme de 1 163 187 euros, correspondant au libellé " sous-total cogénération ". Or il résulte du même compte d'exploitation que le montant des " recettes fermier " relatif au terme R2gt, terme représentatif, en vertu de l'article 38-1 de la convention, de la somme des coûts de prestations de gros entretien nécessaires pour assurer le fonctionnement des installations primaires et de renouvellement de ces dernières, et qui alimente, aux termes de l'article 33-6 de la convention, le compte GER, s'élève à 3 890 995 euros. Ces constatations chiffrées, qui mettent en évidence une correspondance étroite entre le montant des charges " sous-total réseau ", propres à la géothermie, et le montant des recettes " R2gt ", sont de nature à établir que ces dernières n'ont été affectées par le délégataire qu'au financement des seules dépenses GER des ouvrages de géothermie, sauf à entraîner, dès le début de l'exploitation, un déséquilibre économique contraire à l'objet du compte d'exploitation prévisionnel tel que défini à l'article 37 de la convention. Par ailleurs, il résulte du même compte que, d'une part, le montant des " recettes fermier " relatif à la cogénération, soit 589 507 euros, relève du terme R1, terme représentatif, en vertu de l'article 38-1 de la convention, du coût des combustibles ou autres sources d'énergie réputés nécessaires, qui comprend en particulier le terme R1c correspondant au prix unitaire de l'énergie cogénérée et que, d'autre part, le montant global des " recettes fermier " est alimenté à hauteur de 16 890 529 euros par les ventes d'électricité, qui relèvent également de la cogénération. Ces dernières constatations chiffrées mettent en outre en évidence que le montant des charges dites P3 relatives à la cogénération, d'un montant de 1 163 187 euros, étaient très largement couvertes par le montant des " recettes fermier " relevant de la cogénération. Il résulte ainsi de l'ensemble des éléments qui précèdent relatifs à l'analyse du compte d'exploitation prévisionnel que, d'une part, le compte GER ne pouvait financer, sans engendrer un déséquilibre manifeste dans l'exploitation du service dès le début de l'exécution du contrat, l'ensemble des dépenses de gros entretien et de renouvellement des deux types d'ouvrages exploités par le délégataire et que, d'autre part et en conséquence de ce qui précède, le financement des dépenses GER de la cogénération doit être regardé, sauf à constater le même déséquilibre, comme n'ayant pas été inclus dans le compte GER par le délégataire mais faisant l'objet d'un financement distinct.

6. En second lieu, les éléments d'analyse mentionnés au point 5 sont confirmés par le rapport d'analyse produit par l'EPCG du 11 juillet 2017 de la société Bérim, assistant à la maîtrise d'ouvrage pour la gestion des installations du réseau municipal de chaleur et le contrôle d'exploitation du service en contrat d'affermage, établissant le bilan final de l'exécution financière de la délégation de service public au titre des années 2008 à 2016. Ce rapport mentionne ainsi notamment, s'agissant de l'analyse du compte GER prévu à l'article 33-6 de la convention : " Le compte établi par le délégataire fait apparaître d'une part les recettes R2gt, versées par les abonnés depuis le début de la convention, et d'autre part les dépenses réalisées, y compris celles relatives au gros entretien de l'équipement de cogénération. / A notre avis le compte de l'article 33-6 ne peut pas prendre en charge les dépenses GER sur l'équipement de cogénération ; il apparait clairement sur la base du compte de résultat prévisionnel de la convention (annexe 15 de la convention) que les dépenses de cogénération ne sont pas financées par les abonnés (c'est-à-dire par le R2gt) mais par le produit de la vente d'électricité. / En effet au compte prévisionnel de la convention les dépenses GER hors cogénération totalisent sur la durée du contrat 3 774 265 euros ; ce montant est strictement identique au R2gt prévisionnel facturé aux abonnés, et les annexes à la convention, donnant le calcul des tarifs du service, montrent que le tarif R2gt est établi en prenant pour base de calcul uniquement les charges GER " géothermie ", c'est-à-dire le GER hors cogénération, soit précisément 3 774 265€. / Il s'ensuit que les dépenses GER sur la cogénération ne peuvent être couvertes que par la rémunération de la vente d'électricité, et en effet le compte prévisionnel de la cogénération est établi en équilibre, dépenses GER incluses, dans la convention initiale (...) ". Ces derniers éléments d'analyse résultant du rapport de la société Bérim ne sont pas contestés par la société Engie Energie Services. Ils sont en revanche confirmés par la circonstance que dans l'annexe 2 intitulée " Suivi détaillé des dépenses travaux cogénération " des rapports annuels établis par la société Champigny Géothermie, sur le fondement de l'article 45-1 de la convention et de l'article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales, au titre des années 2011 et 2012, il est indiqué, en coloration rouge, au-dessous du tableau de suivi des dépenses : " Pour information : les dépenses GER de la cogénération sont financés par le R1C et la vente d'électricité à EDF ". Si la société Engie Energie Services fait valoir que cette mention ne correspond à aucune stipulation de la convention, il résulte de ce qui a été dit au point 5 et de ce qui vient d'être dit au point 6 que cette mention est en cohérence avec l'analyse des dépenses GER de la cogénération telle qu'elle résulte tant du compte d'exploitation prévisionnel remis par le délégataire que du rapport de la société Bérim. Si la société Engie Energie Services fait également valoir, dans le dernier état de ses écritures, que cette mention résulte " d'une erreur de copier-coller repris d'un contrat différent ", cette allégation, au demeurant peu plausible, n'est établie par aucun document, alors en outre que cette mention est également en cohérence avec le compte d'exploitation prévisionnel en tant que celui-ci comprend d'une part le prix unitaire de l'énergie cogénérée, correspondant au terme R1c mentionné à l'article 38-2 de la convention et, d'autre part, une ligne propre " ventes d'électricité (cogénération) ".

7. En troisième lieu, la société Engie Energie Services fait valoir en défense que, contrairement à ce que soutient l'EPCG, les stipulations de la convention de délégation de service public prévoient bien l'inclusion des travaux d'entretien ou de renouvellement de la cogénération dans le compte GER dès lors notamment que les articles 30 à 33 qui forment le titre V "Entretien, gros entretien et renouvellement" de la convention ne prévoient aucune différenciation quant à la nature des installations, l'article 33-6 prévoyant en particulier un mécanisme de financement commun à la géothermie et à la cogénération. Toutefois, d'une part, si l'article 30 de la convention renvoie au tableau fourni en annexe 14 détaillant l'ensemble du programme de gros entretien et de renouvellement qui concerne tant les installations de géothermie que celles de cogénération, et que l'article 33-1 de la même convention indique que les dépenses supportées par le délégataire au titre du programme de travaux de renouvellement des équipements fourni en Annexe 14 " sont imputées sur le compte de gros entretien et renouvellement ", l'article 33-6 de cette convention, qui dispose spécifiquement du compte GER et de son mécanisme de financement, se borne à indiquer que " tous les produits et charges financières sont affectés au compte GER ", sans faire état de ce que les dépenses GER concernant les deux types d'ouvrages relèveraient nécessairement de ce même mécanisme. Dans ces conditions, et alors qu'il résulte des éléments mentionnés aux points 5 et 6, tirés de l'analyse du compte d'exploitation prévisionnel de la délégation et du rapport de la société Bérim, ainsi que de la mention portée sur les rapports annuels du délégataire au titre des années 2011 et 2012, que la commune intention des parties, qui pouvait être appréciée au regard de ces différents éléments, extérieurs à la convention mais pertinents pour en éclairer certaines stipulations, notamment celles de l'article 33-6, était d'exclure les dépenses GER propres à la cogénération du compte GER financé par le terme R2gt.

8. En quatrième lieu, si la société Engie Energie Services invoque en défense un courrier du 5 août 2019 par lequel la société Champigny Géothermie aurait transmis à l'EPCG un compte GER faisant état d'un solde de 86 046,74 euros HT qui aurait été élaboré " en appliquant correctement les dispositions contractuelles précitées " et qui tiendrait compte " des dépenses réalisées dans l'année suivant la fin du contrat pour remettre en état certaines installations ", elle ne produit pas ce courrier et, par suite, ne saurait s'en prévaloir aux fins de contester le titre exécutoire litigieux.

9. En cinquième lieu, la société Engie Energie Services soutient en défense qu'il ne ressort " absolument pas " de l'avenant n° 2 signé le 31 octobre 2013 qu'il ait eu pour objet de modifier la composition du compte GER. A cet égard, l'EPCG fait valoir, sans être contredit, que l'avenant n° 2 a été conclu après la réalisation d'importants travaux sur la centrale de cogénération, au demeurant prévus par l'article 10.1 de la convention, dans une situation de renégociation des contrats de vente d'électricité conclus avec EDF. Dans ce contexte, l'EPCG précise, d'une part, que le quatrième objet de l'avenant était de modifier la tarification pour tenir compte des nouvelles conditions d'achat par EDF de l'électricité produite par la cogénération et que, d'autre part, l'avenant a modifié la composition du compte GER en prévoyant notamment que la cogénération allait y être intégrée, ceci afin d'éviter une trop grande augmentation du tarif R1c résultant du nouveau contrat de vente d'électricité avec EDF. L'établissement soutient également que, du fait des travaux entrepris en 2012 sur les ouvrages de géothermie ainsi que de l'augmentation du nombre d'abonnés et de la puissance souscrite au réseau, et dans la mesure où les ouvrages de cogénération nouvellement construits ont permis une réduction sensible des dépenses GER de la cogénération, il a été proposé, d'une part, de procéder, par l'avenant n° 2, à la modification des valeurs R1c et R2gt dans le compte d'exploitation de la société Champigny Géothermie pour les années 2014 à 2016 et, d'autre part, de réintégrer les dépenses de la cogénération dans le compte GER. L'EPCG fait valoir ainsi que, contrairement à ce qui ressort du compte d'exploitation prévisionnel de début de convention, le compte GER alimenté par le R2gt prévoit bien un montant de recettes identique voire légèrement supérieur au montant total des charges " P3 ", correspondant tout à la fois au réseau géothermique et à la cogénération. Par suite, l'établissement soutient que le compte GER doit être calculé en intégrant les dépenses de cogénération à partir de l'exercice 2014, c'est-à-dire pour la période postérieure à l'avenant n° 2, mais sans les dépenses de cogénération antérieures à 2014 et à cet avenant. Il évalue ainsi le solde du compte GER, sur la base des éléments d'analyse du rapport de la société Bérim, en soustrayant du montant cumulé au 31 août 2016 des recettes réelles R2gt, soit 4 820 719 euros HT, le montant cumulé des dépenses réelles de géothermie et de cogénération à la même date, soit 3 837 322 euros HT. Le solde du compte GER s'établit ainsi, compte tenu d'un montant de dépenses rejetées de 29 827 euros, à un solde final de 1 013 223 euros HT. Dès lors et compte tenu des règles de partage du solde créditeur du compte GER prévues à l'article 61 de la convention, l'EPCG soutient que la part lui revenant est de 709 256 euros HT (1 013 223 x 70 %), soit 851 107,32 euros TTC. Si la société Engie Energie Services fait valoir que l'avenant n° 2 a conduit sur les trois dernières années de la convention à un résultat de 2,8% du chiffre d'affaires qu'elle avait accepté, et que le solde final du compte GER doit être arrêté, compte tenu des règles prévues à l'article 61 précité, à la somme de 60 233 euros HT, ce qui conduit à un résultat de

1,3 % du chiffre d'affaires, ces considérations, sans rapport direct avec l'analyse du compte GER effectuée à partir de l'avenant n° 2 et au demeurant peu explicitées, ne permet pas de contester utilement les éléments d'analyse ci-dessus invoqués par l'EPCG, et notamment le bien-fondé de l'arrêt du solde du compte GER à la somme de 851 107,32 euros TTC. Par suite, la société Engie Energie Services n'est pas fondée à soutenir que l'avenant n° 2 signé le 31 octobre 2013 n'aurait pas eu pour objet de modifier la composition du compte GER.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'EPCG est fondé à soutenir que le tribunal ne pouvait, pour annuler le titre exécutoire émis le 24 octobre 2017, se fonder sur les motifs relevés au point 4 du présent arrêt.

11. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Engie Energie Services, en première instance et en appel.

Sur l'autre moyen invoqué en première instance :

12. Aux termes de l'article 2.2 " Contenu des titres de recettes exécutoires " du chapitre 1 du titre 3 de l'instruction budgétaire et comptable M 14, applicable à l'ensemble des communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, ainsi qu'à leurs services et établissements de caractère administratif, aux centre communaux et intercommunaux d'action sociale et aux caisses des écoles : " (...) ces titres doivent obligatoirement comporter les mentions suivantes : (...) -désignation précise et complète du débiteur pour éviter toute hésitation sur son identité et faciliter la tâche du recouvrement (pour les personnes physiques : nom, prénom, adresse) ; (...) - indication relative aux modalités de règlement et aux délais et voies de recours. Ces mentions doivent obligatoirement figurer sur les volets du titre destinés au redevable et au comptable (...) ".

13. La société Champigny Géothermie, aux droits de laquelle est venue la société Engie Energie Services, invoque les dispositions qui précèdent de l'instruction budgétaire et comptable M 14. Elle soutient, en premier lieu, que le titre de recettes litigieux ne comprend pas la désignation précise et complète du débiteur dès lors qu'il ne mentionne ni le numéro SIRET de l'entreprise ni son numéro de TVA intracommunautaire et, en second lieu, que le titre de recettes ne comprend pas l'indication relative aux modalités de règlement dès lors notamment qu'il mentionne qu'une partie du titre est " à joindre au règlement dans les conditions indiquées au verso " alors que le titre ne comporte pas de verso. Toutefois, à supposer même que cette instruction budgétaire et comptable soit applicable à l'établissement public campinois de géothermie, personne morale chargée de l'exploitation d'un service public à caractère industriel et commercial, et que les dispositions précitées soient prévues à peine de nullité, il résulte de l'instruction que, d'une part, l'identification précise du débiteur ne suscitait aucun doute sérieux à la simple lecture du titre, la société Champigny Géothermie n'ayant fait d'ailleurs état d'aucune difficulté particulière à cet égard dans le cadre de sa contestation de ce titre. D'autre part, il résulte également de l'instruction que le titre contenait, outre les références bancaires de la trésorerie, un papillon à joindre pour un règlement par chèque, le cas échéant, ainsi que l'adresse précise de la trésorerie, permettant ainsi à la société d'obtenir auprès de cette dernière un complément d'informations en cas de besoin. Par suite, le moyen doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la société Engie Energie Services ne saurait davantage se prévaloir de l'instruction codificatrice n° 11-022-MO du 16 décembre 2011 de la direction générale des finances publiques, à la supposer également applicable à l'EPCG.

14. Il résulte de ce qui précède que la demande de la société Champigny Géothermie, devenue la société Engie Energie Services, doit être rejetée. Par suite, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, d'en prononcer l'annulation.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public campinois de géothermie (EPCG), qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée à ce titre par la société Engie Energie Services. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société Engie Energie Services la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'EPCG et non compris dans les dépens de la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1707221,1709895 du tribunal administratif de Melun du 5 avril 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Champigny Géothermie, devenue la société Engie Energie Services, devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : La société Engie Energie Services versera à l'établissement public campinois de géothermie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Engie Energie Services présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public campinois de géothermie et à la société Engie Energie Services.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Bruston, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2023.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. HEERS La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

2

N° 22PA02516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02516
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SELARL GAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;22pa02516 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award