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24/11/2023 | FRANCE | N°23MA00898

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 24 novembre 2023, 23MA00898


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet du Var lui a retiré sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203567 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, sous le n° 23MA00898, M. B..., représenté par Me Bochnakian, demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet du Var lui a retiré sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203567 du 3 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, sous le n° 23MA00898, M. B..., représenté par Me Bochnakian, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 avril 2023 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui restituer sa carte de résident, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en raison de la nature différente de la carte de 10 ans délivrée aux ressortissants tunisiens dans l'hypothèse d'un mariage à une ressortissante française, le préfet du Var ne disposait pas de la possibilité de retirer ladite carte de séjour, l'accord franco-tunisien ne prévoyant pas d'hypothèse de retrait de ce document de séjour ;

- le délai de retrait de 4 années à compter de la célébration du mariage étant écoulé, le préfet ne pouvait plus procéder à un retrait de la carte de résident ;

- le couple ne s'est séparé qu'au mois de juillet 2020.

La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- et les observations de Me Bochnakian, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 3 avril 1987 et de nationalité tunisienne, est entré en France le 3 avril 2019, sous couvert d'un visa de long séjour. Il a obtenu une carte de résident en qualité de conjoint de français en application des stipulations du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, valable du 15 avril 2020 au 14 avril 2030. Par l'arrêté du 24 novembre 2022, le préfet du Var lui a retiré sa carte de résident, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 24 novembre 2022.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans à condition qu'il séjourne régulièrement en France depuis trois ans et que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). Elle peut être retirée en raison de la rupture de la vie commune dans un délai maximal de quatre années à compter de la célébration du mariage (...) ".

4. La possibilité de retrait prévue à l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux cartes de résident délivrées sur le fondement de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, dès lors que l'article L. 423-6 renvoie explicitement aux seules cartes de résident délivrées sur le fondement du premier alinéa du même article, dont le régime ne peut être assimilé à celui des cartes de résident délivrées de plein droit aux conjoints tunisiens de ressortissants français mariés depuis au moins un an sur le fondement du a) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien. La circonstance que l'article 11 de l'accord franco-tunisien prévoit que ces stipulations ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points qu'il ne traite pas est ainsi sans incidence.

5. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, le préfet du Var, qui ne le conteste pas, a commis une erreur de droit en retirant la carte de résident de M. B..., ressortissant tunisien, sur le fondement de l'article L. 423-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré ". Un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait.

7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. En première instance, le préfet du Var a sollicité une substitution de motif en soutenant que M. B... a commis une fraude en s'abstenant d'indiquer à l'administration, pendant l'instruction de sa demande de carte de résident, que la rupture de la communauté de vie avec son épouse était intervenue depuis le mois de mai 2019, ainsi qu'il résulte des mentions de la convention de divorce, lequel a été prononcé en mars 2022.

9. Il ressort des pièces du dossier que la convention de divorce du 23 mars 2022 produite par le préfet du Var mentionne que M. B..., marié le 8 septembre 2018 à Mme M., a quitté le domicile conjugal depuis mai 2019, soit moins d'un an après son mariage. Puis le requérant s'est vu délivrer une carte de résident en sa qualité de conjoint de français, valable du 15 avril 2020 au 14 avril 2030. M. B... conteste la fraude invoquée par le préfet du Var en soutenant qu'il ne s'est séparé de son épouse qu'au mois de juillet 2020. Toutefois, les documents qu'il produit, constitués notamment par des factures d'électricité et d'eau des 9 mai 2019, juin 2019, 9 juillet 2019, une attestation d'assurance automobile du 30 décembre 2019, une assurance habitation du 7 janvier 2020, un avis d'impôt sur le revenu du 24 juillet 2020 mentionnant qu'il est marié, ainsi que des attestations de son ex-épouse et de connaissances ne sont pas de nature à contredire les mentions de la convention de divorce précitée relatives à la date de rupture de la vie commune, qui est un acte sous seing privé paraphé et signé par le requérant. Ainsi, M. B... ne remplissait plus les conditions fixées par l'article 10, 1, a) de l'accord franco-tunisien mentionnés au point 2 pour se voir délivrer, le 15 avril 2020, une carte de résident en qualité de conjoint de français. Il a dès lors obtenu la délivrance de ce titre par fraude en s'abstenant d'indiquer à l'administration, pendant l'instruction de sa demande de carte de résident, la rupture de la communauté de vie avec son épouse intervenue depuis le mois de mai 2019, soit moins d'un an après le mariage et antérieurement au dépôt de sa demande de carte de résident le 3 mars 2020. Par suite, le tribunal a pu retenir, à bon droit, la substitution de motif demandée par le préfet du Var fondée sur la fraude, de nature à justifier légalement l'arrêté contesté. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Enfin, cette substitution de motif ne prive pas M. B... d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. B....

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 novembre 2023.

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N° 23MA00898

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00898
Date de la décision : 24/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BOCHNAKIAN & LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-24;23ma00898 ?
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