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27/11/2023 | FRANCE | N°22MA00047

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 novembre 2023, 22MA00047


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Géotec et la société anonyme Socotec France, ou, à défaut, l'une d'entre elles, à lui payer la somme de 220 189,38 euros toutes taxes comprises sur le fondement de la responsabilité contractuelle.



Par un jugement n° 2004876 du 9 novembre 2021, rectifié par une ordonnance de rectification d'erreur matérielle, le tribuna

l administratif de Marseille a condamné la société Géotec à payer à la commune une somme de 17 763 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Géotec et la société anonyme Socotec France, ou, à défaut, l'une d'entre elles, à lui payer la somme de 220 189,38 euros toutes taxes comprises sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Par un jugement n° 2004876 du 9 novembre 2021, rectifié par une ordonnance de rectification d'erreur matérielle, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société Géotec à payer à la commune une somme de 17 763 euros hors taxes, et rejeté le surplus de la demande de la commune.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Phelip, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement les sociétés Géotec et Socotec France, ou subsidiairement l'une à défaut de l'autre, à lui verser la somme de 220 189,38 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Géotec et Socotec France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a constaté la faute de la société Géotec qui a retenu une classification des sols erronée au regard des normes sismiques ;

- la société Socotec France a également commis une faute en n'attirant pas son attention sur l'erreur commise par la société Géotec pendant la phase de conception ;

- elle-même n'a pas commis de faute exonératoire ;

- elle a justifié de son préjudice.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 24 février 2022 et le 17 mars 2022, la société Socotec Construction, venant aux droits et obligations de la société Socotec France, représentée par Me Tertian, demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement et de rejeter les demandes présentées à son encontre ;

2°) subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation, de ne pas prononcer de condamnation in solidum, et de condamner la société Géotec à la relever et garantir de toute condamnation ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Marseille et de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens présentés à l'appui des conclusions présentées contre elle sont infondés ;

- subsidiairement, elle doit être relevée et garantie par la société Géotec.

Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 2 janvier 2023, la société Géotec, représentée par la SCP de Angelis, Semidei, Vuillquez, Habart Melki, Bardon, de Angelis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il fait droit aux demandes présentées contre elle et de rejeter ces demandes ;

2°) subsidiairement, de condamner la société Socotec Construction à la relever et garantir de toute condamnation ;

3°) plus subsidiairement, de limiter le montant de la condamnation ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune ou de toute partie succombante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas commis de faute ;

- il n'est pas établi que le groupement titulaire du lot " gros-œuvre " ait fondé ses calculs, pour déterminer le prix estimatif des travaux, sur le classement des sols en classe A qui résultait de son rapport, et non sur le classement des sols en classe B qui était retenu par le rapport initial de contrôle technique de janvier 2016, lequel était annexé au dossier de consultation des entreprises ;

- le préjudice invoqué par la commune n'est pas justifié ;

- le secret des affaires ne pouvait lui être opposé ;

- subsidiairement, elle devrait être relevée et garantie par la société Socotec.

Par une lettre en date du 16 décembre 2022, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu entre le 1er février 2023 et le 30 avril 2023, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 5 janvier 2023.

Par ordonnance du 23 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de construction parasismique applicables aux bâtiments de la classe dite " à risque normal " ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Joly, pour la société Géotec, et de Me Copelovici, substituant Me Martinez, pour la société Socotec Construction.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 9 juillet 2012, le conseil municipal de la commune de Marseille a décidé du lancement d'une opération de construction d'un groupe scolaire primaire de quinze classes dans la zone d'aménagement concerté des Hauts de Sainte-Marthe. Le groupement de maîtrise d'œuvre a établi le dossier de consultation des entreprises sur la base des hypothèses de calcul des fondations préconisées par la société Géotec, titulaire d'un marché à bons de commande ayant pour objet la réalisation d'études géotechniques. Estimant avoir dû exposer des dépenses supplémentaires en raison d'une erreur de la société Géotec, non signalée par la société Socotec France, chargée du contrôle technique, la commune de Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement ces deux sociétés, ou, à défaut, l'une d'entre elles, à lui payer la somme de 220 189,38 euros toutes taxes comprises sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Par le jugement attaqué, modifié par une ordonnance de rectification d'erreur matérielle, le tribunal administratif après avoir écarté toute faute de la société Socotec et avoir retenu une faute de la commune de Marseille de nature à exonérer la société Géotec à hauteur de 50 % du montant du préjudice, a limité la condamnation de cette dernière à 17 763 euros hors taxes. La commune de Marseille relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses demandes. Par la voie de l'appel incident, la société Géotec conteste le jugement en tant qu'il fait partiellement droit aux demandes de la commune à son encontre.

1. Sur l'appel principal :

1.1. En ce qui concerne la faute contractuelle de la société Socotec France :

2. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. ". Aux termes de l'article L. 111-24 du même code alors en vigueur : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792,1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 1792-4-1 du même code reproduit à l'article L. 111-18. Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage. ".

3. Il résulte des stipulations de l'article 1.9 du cahier des clauses administratives particulières du marché que le maître d'ouvrage a confié à la société Socotec les missions L et P1 qui correspondent respectivement à la " solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables " et à la " solidité des éléments d'équipement non indissociablement liés ". La société Socotec, qui avait pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques, devait notamment donner son avis sur la conformité des études et rapports de la société Géotec aux normes antisismiques.

4. A la page 24 de son rapport initial de contrôle technique n° 171RO/15/7583 du 22 janvier 2016, qui clôture la phase de conception, la société Socotec France a indiqué, au sujet de la classification du sol : " classification du sol / classe B / avis favorable ". Ce faisant, le contrôleur technique s'est explicitement prononcé contre la classification du sol en classe A retenue par l'étude géotechnique de conception G2PRO établie le 2 septembre 2015 par Géotec. Dès lors, et alors même qu'il n'a pas émis expressément d'avis suspendu ou défavorable au stade de la phase de conception, le contrôleur technique ne peut être regardé comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Socotec France.

1.2. En ce qui concerne la faute exonératoire de la commune de Marseille :

6. Le tribunal administratif de Marseille a retenu une faute exonératoire de la commune de Marseille, en estimant que celle-ci avait fait preuve d'imprudence en procédant à la conclusion du marché de travaux de gros-œuvre " sans s'assurer au préalable d'investigations supplémentaires et en ne délivrant qu'une information incomplète à la société Géotec pour la réalisation de sa mission ". Il a en conséquence atténué la responsabilité de la société Géotec à hauteur de 50 %.

7. Comme la commune de Marseille le soutient, il n'est pas établi qu'elle aurait commis une faute en n'informant pas suffisamment la société Géotec des caractéristiques des futurs ouvrages. En revanche, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, il existait une contradiction entre le rapport initial de contrôle technique, qui concluait à une classification du sol en classe B, et le rapport de Géotec concluant à une classification du sol en classe A. Cette contradiction aurait dû conduire le maître de l'ouvrage à rechercher un éclaircissement. L'imprudence de la commune est constitutive d'une faute qui est de nature à exonérer la société Géotec à hauteur de 50 % de sa responsabilité.

1.3. En ce qui concerne le préjudice :

1.3.1. S'agissant de la réalité du préjudice :

8. La société Géotec soutient que la commune n'établit ni la réalité de son préjudice, ni la réalité du lien de causalité entre la faute qui lui est imputée et le préjudice invoqué. Elle fait valoir, à ce titre, qu'il n'est même pas établi que le groupement titulaire du lot " gros-œuvre " ait fondé ses calculs, pour déterminer le prix estimatif des travaux, sur le classement des sols en classe A qui résultait de son rapport, et non sur le classement des sols en classe B qui était retenu par le rapport initial de contrôle technique de janvier 2016, lequel était annexé au dossier de consultation des entreprises. Elle fait également valoir que la commune ne pouvait invoquer le secret des affaires pour soustraire au débat contradictoire les seuls éléments justificatifs qu'elle a produits.

9. Contrairement à ce que soutient la société Géotec, la réalité des surcoûts supportés par la commune est suffisamment établie par la fiche " F7 " n° 171R0/16/3368 dressée le 6 juin 2016 par la société Socotec, de laquelle il ressort que l'étude d'exécution G3 précisant le dimensionnement des pieux de fondations, à la charge du groupement de travaux, avait retenu les hypothèses de classement des sols de l'étude géotechnique de conception de phase projet G2PRO réalisée par la société Géotec, ce qui rendait nécessaire une reprise de la note de calcul et de la modélisation et induisait nécessairement un retard dans la réalisation des travaux.

1.3.2. S'agissant du montant du préjudice :

1.3.2.1. Quant au secret des affaires :

10. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 611-1 du code de justice administrative, qui prévoient que " Les exigences de la contradiction (...) sont adaptées à celles de la protection du secret des affaires (...) ". Aux termes de l'article R. 611-30 de ce même code : " Lorsqu'une partie produit une pièce ou une information dont elle refuse la transmission aux autres parties en invoquant la protection du secret des affaires, la procédure prévue par l'article R. 412-2-1 est applicable ". Aux termes de l'article R. 412-2-1 de ce code : " Lorsque la loi prévoit que la juridiction statue sans soumettre certaines pièces ou informations au débat contradictoire ou lorsque le refus de communication de ces pièces ou informations est l'objet du litige, la partie qui produit de telles pièces ou informations mentionne, dans un mémoire distinct, les motifs fondant le refus de transmission aux autres parties, en joignant, le cas échéant, une version non confidentielle desdites pièces après occultation des éléments soustraits au contradictoire. Le mémoire distinct et, le cas échéant, la version non confidentielle desdites pièces sont communiqués aux autres parties. / Les pièces ou informations soustraites au contradictoire ne sont pas transmises au moyen des applications informatiques mentionnées aux articles R. 414-1 et R. 414-6 mais sont communiquées au greffe de la juridiction sous une double enveloppe, l'enveloppe intérieure portant le numéro de l'affaire ainsi que la mention : " pièces soustraites au contradictoire-Article R. 412-2-1 du code de justice administrative ". / Si la juridiction estime que ces pièces ou informations ne se rattachent pas à la catégorie de celles qui peuvent être soustraites au contradictoire, elle les renvoie à la partie qui les a produites et veille à la destruction de toute copie qui en aurait été faite. Elle peut, si elle estime que ces pièces ou informations sont utiles à la solution du litige, inviter la partie concernée à les verser dans la procédure contradictoire, le cas échéant au moyen des applications informatiques mentionnées aux articles R. 414-1 et R. 414-6. Si la partie ne donne pas suite à cette invitation, la juridiction décide des conséquences à tirer de ce refus et statue sans tenir compte des éléments non soumis au contradictoire. / Lorsque des pièces ou informations mentionnées au premier alinéa sont jointes au dossier papier, celui-ci porte de manière visible une mention signalant la présence de pièces soustraites au contradictoire. Ces pièces sont jointes au dossier sous une enveloppe portant la mention : " pièces soustraites au contradictoire-Article R. 412-2-1 du code de justice administrative " ".

11. Ces dispositions permettent au juge de statuer au vu de pièces couvertes par le secret des affaires, et non soumises au contradictoire.

1.3.2.2. Quant aux éléments fournis par la commune :

12. La commune soutient que le surcoût lié aux prestations de reprise des études et de la modalisation s'élève non seulement au montant de 35 526 euros retenu par le tribunal administratif, mais au montant de 183 491,15 euros hors taxes, soit 220 189,38 euros toutes taxes comprises, correspondant à la majeure partie de la rémunération supplémentaire prévue par l'avenant n° 2 au marché afférent au lot n° 1.

13. Il résulte de l'examen des pièces couvertes par le secret des affaires que le tribunal administratif a seulement retenu, comme constitutifs d'un préjudice indemnisable pour la commune, les frais d'amenée et de repli du chantier, de reprise des modélisations par le bureau d'études, et de reprise des notes de calcul des pieux, pour un montant total de 35 526 euros hors taxes. Il a en revanche écarté les autres surcoûts dont l'indemnisation était sollicitée. Ces surcoûts tenaient, en premier lieu, à des " prestations supplémentaires ", correspondant aux prix nouveaux nos 5 et 6, en deuxième lieu, à des dépenses d'" accélération du planning par renforcement des moyens humains et matériels " et, en troisième lieu, à des dépenses de " renforcement des moyens matériels ". Toutefois, comme l'a jugé le tribunal administratif, il n'est pas justifié du lien entre ces dépenses et l'erreur relative à la classe de sol, ces dépenses pouvant résulter, non seulement de cette erreur, mais également des prestations supplémentaires rendues nécessaires pour la mise en œuvre des fondations en raison de la nature des sols telle qu'elle a été finalement déterminée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a limité l'indemnisation qu'il lui a accordée au montant de 35 526 euros hors taxes.

2. Sur les appels incident et provoqué de Géotec :

2.1. En ce qui concerne la faute de Géotec :

15. A l'appui de son appel incident, la société Géotec soutient qu'elle n'a pas commis de faute.

16. Aux termes de l'article 2.2.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché attribué à la société Géotec, cette dernière devait, notamment, fournir, au titre de la mission G2PRO, " les notes de calcul de dimensionnement optimisé pour tous les ouvrages géotechniques (...) fondations (...) et pour toutes les phases de construction (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté susvisé du 22 octobre 2010 relatif à la classification et aux règles de construction parasismique applicables aux bâtiment de la classe dite " à risque normal " : " I. ' Les règles de construction applicables aux bâtiments mentionnés à l'article 3 sont celles des normes NF EN 1998-1 septembre 2005, NF EN 1998-3 décembre 2005, NF EN 1998-5 septembre 2005, dites "règles Eurocode 8" accompagnées des documents dits "annexes nationales" des normes NF EN 1998-1 / NA décembre 2007, NF EN 1998-3 / NA janvier 2008, NF EN 1998-5 / NA octobre 2007 s'y rapportant. / Les dispositifs constructifs non visés dans les normes précitées font l'objet d'avis techniques ou d'agréments techniques européens. / II. ' Le mouvement dû au séisme en un point donné de la surface du sol, à partir duquel les règles de construction doivent être appliquées, est représenté par un spectre de réponse élastique en accélération, dénommé par la suite "spectre de réponse élastique". / La forme du spectre de réponse élastique dépend des paramètres suivants : (...) d) La nature du sol par l'intermédiaire du paramètre de sol, S. Les valeurs du paramètre de sol, S résultant de la classe de sol (au sens de la norme NF EN 1998-1 septembre 2005) sous le bâtiment sont données par le tableau suivant : CLASSE DE SOL A : S = 1 (pour les zones de sismicité 1 à 4) / S = 1 / CLASSE DE SOL B : S = 1,35 (pour les zones de sismicité 1 à 4) / S = 1,2 (pour la zone de sismicité 5). / Les modalités d'utilisation du paramètre de sol, S, sont définies dans la norme NF EN 1998-1 septembre 2005 (...) ".

17. Il résulte de ces dispositions que les constructeurs sont obligatoirement soumis au respect des normes antisismiques, et notamment de la norme NF EN 1998 du 1er septembre 2005, qui régit le dimensionnement des bâtiments et des ouvrages. La conception de l'ouvrage suppose ainsi de déterminer, notamment, la classe de sol.

18. Il résulte de l'instruction que, le 2 septembre 2015, la société Géotec a remis à la commune de Marseille l'étude géotechnique de conception au stade de la phase projet, dite " G2 PRO ". Cette étude retenait une classification du sol de l'ensemble du terrain d'assiette du projet en A, impliquant, pour un bâti de catégorie 3, un dimensionnement des pieux de fondation de 100 à 400 millimètres. Or, ainsi qu'il résultait des données de l'étude géotechnique d'avant-projet " G2 AVP " de la société Fondasol sur laquelle la société Géotec s'était fondée, sans d'ailleurs procéder à des sondages supplémentaires, la zone 4 de la cellule 2 du terrain, correspondant à l'extrémité ouest de cette cellule, était caractérisée par une épaisseur des formations meubles supérieure à la limite des 5 mètres, ce qui imposait la fixation d'une classe de sol B pour l'ensemble de l'ouvrage. Corrigeant, finalement, cette erreur, la société Géotec a, dans son compte rendu de visite n° 4 du 9 juin 2016, finalement admis que " la réglementation stricte voudrait classer cette zone en sol de classe B ". En retenant, en toute connaissance de cause, une classe de sol non conforme à la réglementation de la construction, la société Géotec a commis une faute contractuelle.

19. Compte tenu de la nature de cette faute, qui est liée non à l'insuffisance des sondages réalisés mais à une méconnaissance de la réglementation ayant conduit à un défaut de conception, la société Géotec ne peut utilement se prévaloir de ce que la commune n'a pas complété l'étude de projet par une étude G2 de type " DCE / ACT ", qui a pour objet de définir les quantités et coûts des travaux de construction, ou par des missions de type G3 et G4, qui ont trait à l'étude, au suivi et à la supervision de l'exécution.

2.2. En ce qui concerne l'appel en garantie contre Socotec :

20. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 4, la société Socotec n'a pas commis de faute.

3. Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Socotec, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions dirigées contre la commune de Marseille ou la société Géotec à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Marseille est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de la société Géotec est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marseille, à la société Géotec et à la société Socotec Construction.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 novembre 2023.

N° 22MA00047 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00047
Date de la décision : 27/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SELARL PHELIP & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-27;22ma00047 ?
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