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28/11/2023 | FRANCE | N°21BX02659

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 28 novembre 2023, 21BX02659


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Oenotex a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016 et de rétablir le déficit reportable à la clôture de l'exercice 2014 à 625 643 euros et celui à la clôture de l'exercice 2015 à 735 719 euros.

Par un jugement n° 19

02113 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Oenotex a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016 et de rétablir le déficit reportable à la clôture de l'exercice 2014 à 625 643 euros et celui à la clôture de l'exercice 2015 à 735 719 euros.

Par un jugement n° 1902113 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juin 2021 et 16 mars 2023, la société Oenotex, représentée par Me Siriez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902113 du tribunal administratif de Bordeaux du 1er avril 2021 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016 et de rétablir le déficit reportable à la clôture de l'exercice 2014 à 625 643 euros et celui à la clôture de l'exercice 2015 à 735 719 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé ses réponses aux moyens tirés de ce que la TVA correspondant à une opération réalisée en 2015 avec la société Lavida est déductible et qu'elle a pu, en outre, comptabiliser à bon droit en charge déductible de ses résultats le montant correspondant à cette opération ;

- en ne donnant pas suite à sa demande de saisine du supérieur hiérarchique du vérificateur, l'administration l'a privée d'une garantie procédurale prévue par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

- le service a indument procédé à des rappels de TVA collectée s'agissant d'opérations réalisées à l'exportation ;

- les factures d'achat qu'elle a elle-même éditées correspondent, pour l'essentiel, à des factures de fournisseurs sur lesquelles la TVA a bien été acquittée à compter du mois de janvier 2017 ; par suite, c'est à tort que l'administration a remis en cause la taxe déduite à raison de ces factures et a, en outre, constaté un passif injustifié ;

- elle établit l'existence d'une relation d'affaires avec la société Lavida ; dès lors, la TVA correspondant à une opération réalisée en 2015 avec cette société, dont elle a refusé de régler la facture y relative, est déductible ; par ailleurs, elle a pu, à juste titre, comptabiliser en charge le montant correspondant à cette opération ;

- le rejet des factures de la société Metro, en ce qui concerne tant la TVA déductible que leur comptabilisation en charges, est injustifié ;

- si le service a conclu à la déduction anticipée de la TVA afférente à des opérations pour lesquelles l'exigibilité n'était pas intervenue chez le fournisseur au terme de la période vérifiée, la naissance du droit à déduction est intervenue ultérieurement ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux rehaussements en litige n'est ni motivée ni justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 décembre 2021 et 3 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les conclusions à fin de décharge sont irrecevables en tant qu'elles concernent les impositions dont la décharge n'a pas été sollicitée au stade de la réclamation préalable et qu'en tout état de cause, les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- et les observations de Me Touche, représentant la société Oenotex.

Considérant ce qui suit :

1. La société Oenotex, qui exerce une activité de négoce de vins, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015, étendue en matière de TVA jusqu'au 31 octobre 2016. A l'issue des opérations de contrôle, par une proposition de rectification du 31 juillet 2017, le service à notifié à la société des rappels de TVA résultant, au titre de diverses opérations effectuées par la société au cours de la période vérifiée, du non-acquittement de la taxe collectée ou de la remise en cause de la déductibilité de la taxe. Par ailleurs, le déficit reportable à l'issue de l'exercice clos le 31 décembre 2014 a, en définitive, été minoré de 27 791 euros pour être ramené à 597 852 euros tandis que celui à l'issue de l'exercice clos le 31 décembre 2015 a été minoré de 158 545 euros pour être ramené à 549 383 euros, en raison de la remise en cause de la déduction de certaines charges ainsi que d'un passif injustifié. L'ensemble de ces impositions a été établie selon la procédure de rectification contradictoire. La société Oenotex relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et majorations, des rappels de TVA qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2016 et au rétablissement du déficit reportable à la clôture de l'exercice 2014 à 625 643 euros et celui à la clôture de l'exercice 2015 à 735 719 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des points 6 et 13 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la demande, ont suffisamment motivé leurs réponses aux moyens tirés de ce que la TVA correspondant à une opération réalisée en 2015 avec la société Lavida est déductible et que la société Oenotex a pu, en outre, comptabiliser à bon droit en charge déductible de ses résultats le montant correspondant à cette opération. L'appelante n'est donc pas fondée à critiquer, pour ce motif, la régularité du jugement en litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration. ". La charte remise au contribuable prévoit que : " Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. ". Il s'en déduit que les demandes tendant au bénéfice des recours administratifs prévus par la charte ne peuvent être formulées par le contribuable qu'après qu'il a eu connaissance de la réponse faite par l'administration fiscale à ses observations.

4. Si, dans sa lettre d'observations du 6 octobre 2017, la société Oenotex a sollicité " un recours hiérarchique pour résoudre l'ensemble de ces points ", il n'est pas contesté qu'ainsi que le relève le ministre, cette demande, antérieure au courrier du 10 novembre 2017 valant réponse aux observations du contribuable, n'a pas été expressément réitérée postérieurement à celle-ci. Par suite, en s'abstenant de donner suite à une telle demande, qui présentait un caractère prématuré, l'administration n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant des rappels de TVA collectée :

5. Aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " I. - Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne (...) ". Aux termes de l'article 74 de l'annexe III au même code : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : / (...) / c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application. Lorsque la déclaration d'exportation est établie dans le cadre de la procédure électronique telle que prévue par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 modifié établissant le code des douanes communautaires et les textes pris pour son application, il produit la certification de sortie délivrée par le bureau d'exportation. (...) / d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c et, à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du code général des impôts, il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, (...) : / 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; / 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, (...) ou tout document afférent au chargement du moyen de transport qui quitte la Communauté européenne pour se rendre dans le pays ou le territoire de destination finale hors de la Communauté ; / 3° Tout document douanier visé par le service des douanes compétent et utilisé pour la surveillance de l'acheminement des biens vers leur destination finale hors de la Communauté, lorsqu'il s'agit de biens soumis à des contrôles particuliers ; (...). ".

6. La société Oenotex soutient que c'est à tort que le service a procédé à des rappels de TVA concernant les exportations facturées les 19 mai et 6 juin 2014 à destination de la société Jieli Trading, située à Hong-Kong, et le 28 octobre 2014 à destination de la société West Union Logistics, également basée à Hong-Kong, pour un montant total de 90 105 euros, dès lors que, conformément aux dispositions de l'article 262 du code général des impôts, ces livraisons de biens expédiés en dehors de l'Union européenne (UE) sont exonérées de la taxe. Toutefois, elle se borne à faire valoir, sans l'établir, qu'elle n'est pas en mesure de présenter les pièces établissant le flux physique des marchandises, ces documents ayant été volés lors d'un cambriolage. Par suite, faute de produire l'un des documents mentionnés à l'article 74 précité de l'annexe III au code général des impôts, permettant de justifier de la réalité de la livraison vers un pays hors UE, le moyen doit être écarté.

S'agissant des rappels de TVA déductible :

7. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. (...) II. - 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...) d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287 ; ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / (...) / 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons mentionnées aux a et a ter du 1, lors de la réalisation du fait générateur. / (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ".

8. En premier lieu, le vérificateur a relevé que la société Oenotex procédait à des déductions de TVA sur la base de " factures d'achat internes " que la société émettait elle-même à partir du logiciel de gestion F-Négoce, alors que les fournisseurs facturaient ces mêmes achats pour un montant hors taxes, en exonération ou en suspension de TVA sur le fondement des articles 262 ter ou 275 du code général des impôts. Si la société requérante conteste le rappel de TVA déductible qui a été opéré en conséquence et soutient que la TVA relative à ces achats était en réalité due et a été versée aux fournisseurs depuis le mois de janvier 2017, elle ne produit, en tout état de cause, aucune pièce pour en justifier en se bornant à lister ces prétendus versements. La circonstance que le solde créditeur affiché par les postes fournisseurs concernés correspond au montant de la TVA que la société a mentionné sur les factures d'achat internes ne lui ouvre pas le droit à déduction de la taxe, seule la TVA figurant sur les factures régulièrement éditées par les fournisseurs lui ouvrant un tel droit.

9. En deuxième lieu, le service a procédé à des rappels de la TVA déduite à raison de trois opérations comptabilisées en 2015 avec les fournisseurs Lavida et Promocash, pour un montant total de 98 870 euros, pour lesquelles les factures correspondantes n'ont pas été produites par la société Oenotex. Si la société soutient qu'une facture établie le 13 mars 2014 par la société Lavida justifie de l'existence d'une relation commerciale entre ces sociétés, cette facture n'est pas de nature à justifier de la TVA déduite au titre de l'opération réalisée en 2015, qui n'est étayée par aucune pièce justificative. La circonstance que la requérante refuserait de régler la facture émise en 2015 par la société Lavida, qu'elle ne produit pas, est sans influence sur le bien-fondé du rappel de TVA en cause. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. En troisième lieu, au cours des opérations de contrôle, le service a relevé la comptabilisation en charges de dépenses à caractère personnel, non engagées dans l'intérêt de l'exploitation, tels des frais de déménagement, d'acquisition de vêtements ou d'achats alimentaires, pour lesquelles la société Oenotex a procédé à la déduction de la TVA facturée. A cet égard, la société se borne à indiquer qu'il lui apparaît " surprenant " que des factures établies par l'enseigne Metro ne soient pas regardées comme étant relatives à des opérations en lien avec son activité. Toutefois, ce faisant, elle ne critique pas utilement le rappel dont s'agit.

11. En dernier lieu, le vérificateur a procédé à des rappels de TVA déductible à raison de prestations de services non acquittées à la clôture de la période vérifiée et d'achats de marchandises non livrées à cette même date. La circonstance, au demeurant non établie, invoquée par l'appelante que l'exigibilité de la taxe serait intervenue chez le fournisseur à compter du mois de novembre 2016, par le règlement des prestations de service et la livraison des marchandises en cause, est sans influence sur le bien-fondé des rappels notifiés au titre de la période vérifiée, qui, en matière de TVA, s'est achevée le 31 octobre 2016.

S'agissant des rectifications du résultat imposable :

12. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

13. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

14. En premier lieu, le service a remis en cause la comptabilisation en charges déductibles de trois opérations réalisées en 2015 avec les fournisseurs Lavida et Promocash, pour un montant total de 98 870 euros, pour lesquelles les factures correspondantes n'ont pas été produites par la société Oenotex. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, l'appelante n'est pas fondée à critiquer la réintégration de la charge correspondant à l'opération comptabilisée en 2015 avec le fournisseur Lavida, pour laquelle elle ne produit aucun justificatif, en se bornant à se prévaloir des relations commerciales entretenues avec cette société en 2014 et du différend qui l'opposerait à elle.

15. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 10, le service a relevé la comptabilisation en charges de dépenses à caractère personnel, non engagées dans l'intérêt de l'exploitation, qu'elle a réintégrées dans les résultats de la société à hauteur de 1 675 euros en 2015 et 1 778 euros en 2016. La société Oenotex ne critique pas utilement le bien-fondé de ces réintégrations en se prévalant de leur caractère " surprenant " au regard de l'activité de l'enseigne Metro, à l'origine de certaines factures dont les montants ont été repris.

16. En dernier lieu, comme il a été exposé au point 8, le vérificateur a remis en cause les déductions de TVA opérées par la société Oenotex sur la base de factures d'achat internes que la société a elle-même émises à partir du logiciel de gestion F-Négoce, alors que les fournisseurs facturaient ces mêmes achats pour un montant hors taxes, en exonération ou en suspension de TVA. Le service a estimé que la comptabilisation de cette TVA déductible génère une dette injustifiée à l'égard des fournisseurs, à extourner du passif de la société au titre des exercices vérifiés. Cette pratique ayant également été suivie au titre des exercices 2010 à 2013, l'administration a conclu que les à-nouveaux créditeurs présentés par certains comptes fournisseurs au 1er janvier 2014, date d'ouverture du premier exercice non prescrit, étaient également injustifiés. Compte tenu de la règle dite de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, les rehaussements afférents à ces exercices ont été effectués au titre de l'exercice 2014. Les rehaussements effectués à raison d'un passif injustifié ont ainsi été établis à hauteur d'un montant de 21 573,74 euros pour l'exercice 2014 et de 56 897,05 euros pour l'exercice 2015. Pour les mêmes motifs que ceux exposés audit point, l'appelante n'est fondée à se prévaloir ni de ce que la TVA relative aux achats dont s'agit était en réalité due et a été versée aux fournisseurs depuis le mois de janvier 2017 ni de la circonstance que le solde créditeur affiché par les postes fournisseurs concernés correspond au montant de la TVA que la société a mentionné sur les factures d'achat internes.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

17. En premier lieu, en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions qui infligent une sanction doivent être motivées. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. ".

18. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 31 juillet 2017 adressée par l'administration fiscale à la société Oenotex mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts pour certains chefs de rehaussement. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision d'infliger cette majoration serait insuffisamment motivée.

19. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

20. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 31 juillet 2017 que le service a appliqué la majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels portant sur la TVA déductible sur l'ensemble de la période vérifiée, à l'exception des rappels sur la TVA déduite par anticipation au titre de l'année 2016. Ainsi que l'a relevé l'administration, la société Oenotex ne pouvait ignorer que, ne disposant pas d'un contingent d'achat en franchise de TVA, elle ne pouvait bénéficier ni de la possibilité d'acheter en franchise de TVA, sur le fondement des articles 262 ter ou 275 du code général des impôts, ni de procéder à la déduction de la taxe qui n'était pas mentionnée sur les factures des fournisseurs concernés, mais uniquement sur les factures d'achat qu'elle a elle-même émises. Par ailleurs, il résulte du droit de communication exercé auprès des fournisseurs de l'appelante que les sociétés Lavida et Promocash n'ont pas émis les factures à raison desquelles des déductions de TVA ont été opérées par la société requérante, ce que cette dernière ne pouvait davantage ignorer. Enfin, en sa qualité de professionnelle, elle ne pouvait méconnaître la règle selon laquelle seules les opérations effectuées pour les besoins de l'exploitation ouvrent droit à déduction, à l'exclusion des dépenses personnelles. La circonstance, au demeurant non établie, que, postérieurement aux opérations de contrôle, la société aurait spontanément procédé à la régularisation d'une partie de la TVA déduite à tort n'est pas de nature à atténuer le caractère délibéré des manquements de la société Oenotex, constatés à l'occasion de ses déclarations de TVA. Dans ces conditions, en tenant compte de l'importance du montant de taxe éludé et du caractère répété des omissions constatées sur l'ensemble de la période vérifiée, l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt doit être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme établie par l'administration fiscale.

21. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de décharge, que la société Oenotex n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Oenotex est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Oenotex et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme B... A..., président-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02659

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02659
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;21bx02659 ?
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