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28/11/2023 | FRANCE | N°21VE03433

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 novembre 2023, 21VE03433


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... B... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2011 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par une ordonnance n° 18

01138 du 8 février 2018, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2011 et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par une ordonnance n° 1801138 du 8 février 2018, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la demande de Mme B... et M. A....

Par une ordonnance n° 1801271 du 2 novembre 2020, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a donné acte du désistement d'office de la demande de Mme B... et M. A....

Par un arrêt n° 20VE03100 du 16 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance, annulé cette ordonnance et renvoyé le surplus de la demande de Mme B... et M. A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 2109341 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2021 et le 13 mai 2022 Mme B... et M. A..., représentés par Me Boudriot, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière et méconnaît le principe du contradictoire, faute pour la proposition de rectification du 25 octobre 2016 d'avoir mentionné les ventes de trois tableaux qui ont été ultérieurement mentionnées dans la réponse à leurs observations et qui fondent les rehaussements litigieux ;

- c'est à tort que l'administration fiscale et les premiers juges ont considéré que M. A... s'était livré à une activité occulte de marchand d'art, dès lors que les ventes qu'il a effectuées l'ont été en tant qu'amateur, sans intention spéculative ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que l'administration fiscale et les premiers juges ont considéré que la vente d'objets qui ne relevaient pas de l'art africain relevait d'une activité occulte de marchand d'art ;

- il y a lieu de décharger les impositions afférentes aux quatre œuvres pour lesquelles les prix d'achat ont été pris en compte par l'administration fiscale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de Mme B... et M. A....

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 mai 2022, l'instruction a été close au 10 juin 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Boudriot, pour Mme B... et M. A....

Une note en délibéré a été présentée le 16 novembre 2023 pour Mme B... et M. A....

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale, faisant application de la procédure de rectification contradictoire dans le cadre d'un contrôle sur pièces des déclarations du foyer de Mme B... et de M. A..., portant sur les années 2007 à 2011, au cours duquel elle a obtenu communication auprès de l'autorité judiciaire de pièces issues d'une procédure pénale, a estimé que M. A... avait exercé une activité occulte de marchand d'art au cours des années 2007 à 2011 et a procédé à l'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux correspondants et à la taxation d'office de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le chiffre d'affaires de cette activité. Mme B... et M. A... relèvent appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à qui leur demande avait été transmise par le tribunal administratif de Paris, et après que la cour a constaté un non-lieu à statuer partiel et annulé une première ordonnance de désistement d'office, a rejeté, sur renvoi de la cour, le surplus des conclusions de leur demande aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration à leur revenu imposable, au titre des années 2007 à 2011, des bénéfices industriels et commerciaux résultant de cette activité occulte et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant aux années 2009 à 2011 grevant le chiffre d'affaires de cette activité.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, en matière d'impôt sur le revenu, et aux termes de l'article L. 176 du même livre, en matière de taxe sur la valeur ajoutée : " (...) L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, (...) ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 110-1 du code de commerce : " La loi répute actes de commerce : / 1° Tout achat de biens meubles pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre (...) " et en vertu de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale. (...) ".Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " et aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'accomplissement habituel d'opérations ayant le caractère d'actes de commerce, tels que l'achat en vue de la revente de biens meubles, caractérise l'exercice d'une profession commerciale dont les bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application des dispositions précitées de l'article 34 du code général des impôts et à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions précitées des articles 256 et 256 A de ce code, le seul fait de procéder à la vente de biens meubles, fût-ce de manière répétée, ne suffit pas à caractériser l'exercice d'une telle profession lorsque ces biens n'ont pas été acquis en vue de leur revente.

5. Pour qualifier d'activité commerciale occulte les agissements de M. A... au cours des années en litige, l'administration fiscale a relevé que le contribuable avait vendu, au cours des années 2007 à 2011, à l'occasion de quarante-trois opérations distinctes, une centaine d'objets d'art de caractéristiques différentes correspondant à des statuettes africaines, des tableaux, des sculptures, des dessins, des meubles, des bibelots et des photographies, pour un montant total de 478 090 euros. Elle a également relevé que M. A... avait signé de nombreux mandats de vente de pièces lui appartenant et qu'il avait agi par l'intermédiaire de professionnels du marché de l'art, y compris à l'étranger. Le service a dès lors estimé que M. A... devait être regardé comme ayant procédé de manière habituelle à des opérations d'achat et de revente d'œuvres d'art.

6. Toutefois, en se bornant à constater l'existence d'opérations de vente, sans rechercher si ces ventes correspondaient à des achats d'objets en vue de leur revente, l'administration fiscale n'a pas caractérisé l'intention spéculative de M. A.... Les requérants soutiennent en effet, sans être sérieusement contredits, que les objets d'art vendus ont été acquis plusieurs années, voire plusieurs dizaines d'années avant leur cession, dans l'intention de se constituer une collection privée, sans intention de les revendre avec profit. L'administration fiscale, qui a consulté les relevés de compte bancaire de Mme B... et M. A... sur les années en litige et a fait usage de son droit de communication pour obtenir les réponses aux réquisitions judiciaires auprès des nombreux professionnels du marché de l'art auxquels M. A... s'est adressé pour les ventes litigieuses, ne relève aucune opération d'achat. Dans ces conditions, en dépit du nombre important de ventes constatées par le service et de leur montant, il n'y a pas lieu de regarder M. A... comme ayant exercé à titre habituel une activité commerciale au sens des dispositions précitées de l'article 34 du code général des impôts ou comme ayant procédé à des livraisons de biens en qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, Mme B... et M. A... sont fondés à soutenir que le service n'a pas établi l'existence d'une activité commerciale occulte au titre des années en litige.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... et M. A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur les frais de l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros demandée par Mme B... et M. A... au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : Mme B... et M. A... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2011 et des pénalités correspondantes, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui leur ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... et M. A... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2023.

Le rapporteur,

G. TAR La présidente,

F. VERSOLLa greffière,

S. LOUISERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE03433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03433
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-06 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Redevable de la taxe.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : BOUDRIOT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;21ve03433 ?
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