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28/11/2023 | FRANCE | N°22TL22375

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 28 novembre 2023, 22TL22375


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. A... B... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes enregistrées le 14 septembre 2022 :

1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) à titre principal, d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2022, par lesquels le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesu

re d'éloignement ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution des décisions d'obligatio...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... B... et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes enregistrées le 14 septembre 2022 :

1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) à titre principal, d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2022, par lesquels le préfet de la Haute-Garonne les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution des décisions d'obligation de quitter le territoire français jusqu'aux décisions de la cour nationale du droit d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de leur délivrer à chacun une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de procéder au réexamen de leur situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des entiers dépens du procès et une somme de 2 000 euros à chacun en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ou à titre subsidiaire, sur le seul fondement de l'article L.761- 1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2205421-2205423 du 28 octobre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse les a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 1er septembre 2022, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation des époux B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a rejeté le surplus des conclusions des requêtes et a condamné l'Etat au versement de la somme de 1 500 euros à Me Brel, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, ou aux requérants, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne leur serait pas accordée.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022 sous le numéro 22TL22374, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement n°2205421-2205423 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 28 octobre 2022.

Il soutient que :

- son appel est recevable ratione temporis ;

- c'est à tort que le tribunal a annulé les arrêtés du 7 septembre 2022 au motif que ses services auraient commis une erreur de droit en estimant que les demandes de réexamen des demandes d'asile n'ont été présentées devant l'office de protection des réfugiés et apatrides par les époux B... que dans le seul but de faire échec aux mesures d'éloignement, dès lors que les précédentes mesures d'éloignement, prises depuis plus d'un an, ne pouvaient plus donner lieu aux mesures d'assignation ou de rétention nécessaires à leur exécution d'office et n'étaient pas susceptibles d'entraîner leur éloignement imminent.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2023 et le 16 mai 2023, M. A... B... et Mme E... B..., représentés par Me Brel, concluent au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à leur conseil sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à titre subsidiaire, à leur verser sur le seul fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative en cas de non admission à l'aide juridictionnelle.

Ils font valoir que :

- le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur de droit au regard de l'article L.542-2, 2° b) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant que les époux B... auraient formé une demande de réexamen de leur demande d'asile dans le seul but de faire obstacle à une mesure d'éloignement ;

- il aurait dû procéder à un examen de leur situation personnelle au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 23 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.

Par une décision en date du 19 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2022 sous le n°22TL22375, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour, en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement querellé du 28 octobre 2022.

Il soutient, en se référant à sa requête au fond, qu'il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement contesté, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le premier juge, et le rejet des conclusions à fin d'annulation, d'injonction et de condamnation accueillies, ainsi qu'il en a justifié dans sa requête au fond.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mai 2023 et le 16 mai 2023, M. A... B... et Mme E... B..., représentés par Me Brel, concluent au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne et à ce que soient mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à leur conseil sur le fondement des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, à titre subsidiaire, à leur verser sur le seul fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative en cas de non admission à l'aide juridictionnelle.

Ils font valoir que :

- le préfet de la Haute-Garonne a commis une erreur de droit au regard de l'article L.542-2, 2°b) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant que les époux B... auraient formé une demande de réexamen de leur demande d'asile dans le seul but de faire obstacle à une mesure d'éloignement ;

- il aurait dû procéder à un examen de leur situation personnelle au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 23 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.

Par deux décisions en date du 19 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse a d'une part, rejeté la demande d'aide juridictionnelle formée par Mme B..., d'autre part, admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente-rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants albanais nés respectivement le 24 janvier 1982 à Berat (Albanie) et le 22 novembre 1992 à Tirana (Albanie), déclarent être entrés sur le territoire français le 18 septembre 2019. Leurs demandes d'asile du 1er octobre 2019 ont été rejetées par décisions de l'office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statuant en procédure accélérée le 30 décembre 2019. Par deux arrêtés du 10 février 2020, le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois avec interdiction de retour pour une durée d'un an, dont la légalité a été confirmée par un arrêt n°20BX02074-20BX02075 du 17 décembre 2020 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. La cour nationale du droit d'asile (CNDA) a, par décisions du 6 octobre 2020, confirmé le rejet de leurs demandes d'asile, puis par une décision du 25 novembre 2021 rejeté leurs recours en rectification d'erreur matérielle. L'OFPRA, statuant en procédure accélérée, a rejeté par décisions du 14 juin 2022 les demandes de réexamen formées le 21 avril 2022 par les époux B.... Par deux arrêtés du 1er septembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne a obligé M. et Mme B... à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Ces arrêtés ont été annulés par un jugement du 28 octobre 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse dont le préfet de la Haute-Garonne relève appel dans sa requête enregistrée sous le n° 22TL22374. Par sa requête enregistrée sous le n° 22TL22375, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 22TL22374 et 22TL22375 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse :

3. D'une part, aux termes de l'article L.731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants :/1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (... ) ". L'article L. 732-4 du même code dispose : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. "

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ;(...) ". Aux termes de l'article L.542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) / b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...) / 2° Lorsque le demandeur : (...) / b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; (...) ". Aux termes de l'article L.531-32 de ce code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : (...) / 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article. ". Aux termes de l'article L. 531-42 du même code : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. / L'Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision. (...) / Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité. ". Enfin l'article L. 542-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsque le droit au maintien sur le territoire français a pris fin dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 ou L. 542-2, l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. (...) ".

5. Pour annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 1er septembre 2022 faisant obligation à M.et Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le premier juge s'est fondé sur le motif que le préfet avait commis une erreur de droit et méconnu les dispositions précitées du b) du 2° de l'article L.542-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, en considérant que les intéressés n'avaient introduit leurs demandes de réexamen devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que dans le seul but de faire échec à des mesures d'éloignement, alors que les précédentes obligations de quitter le territoire, prises le 10 février 2020, soit depuis plus d'un an, n'étaient plus susceptibles d'être exécutées par des mesures de rétention administrative ou d'assignation à résidence. Toutefois, les dispositions de l'article L.731-3 1° citées au point 3 permettent à l'administration de mettre à exécution une mesure d'éloignement par le biais d'une mesure d'assignation à résidence sans limitation de délai. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a retenu que " les obligations de quitter le territoire français du préfet de Tarn-et-Garonne, prises depuis plus d'un an (...) ne pouvaient plus donner lieu aux mesures d'assignation (...) nécessaires à leur exécution d'office ".

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche TelemOfpra produite par le préfet de la Haute-Garonne, que les demandes de réexamen des demandes d'asile présentées par M.et Mme B... ont donné lieu à des décisions d'irrecevabilité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 14 juin 2022, qui leur ont été notifiées le 23 juin 2022, soit avant les décisions d'éloignement litigieuses du 1er septembre 2022. Par ailleurs, Si M. B... a déclaré être retourné en Albanie en 2021 postérieurement aux décisions de la cour nationale du droit d'asile et avoir subi une agression de la part de l'employeur de son épouse en février 2022, ses allégations ne sont assorties d'aucun élément probant. L'OFPRA a d'ailleurs estimé, pour déclarer sa demande de réexamen irrecevable, que ces éléments n'augmentaient pas de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Mme B... n'est quant à elle pas retournée dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en estimant que leurs demandes de réexamen n'avaient été présentées par les époux B... que dans l'objectif de faire échec à l'exécution des précédentes mesures d'éloignement du 10 février 2020, dont la légalité avait été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 17 décembre 2020, alors même que celles-ci n'étaient plus exécutoires, le préfet de la Haute-Garonne a pu sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L.542-2, 2° b) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prendre à leur encontre de nouvelles mesures d'éloignement.

7. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, s'est fondé sur la méconnaissance de l'article L.542-2, 2° b) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 1er septembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi de la mesure d'éloignement.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par les époux B... dans leurs demandes de première instance.

Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

9. Par un arrêté en date du 6 avril 2022, publié le même jour au recueil n° 31-2022-04-06-00001 des actes administratifs spécial de la préfecture de la Haute-Garonne et en vigueur à la date de l'édiction des arrêtés contestés, le préfet de ce département a donné délégation à Mme D... C..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions relatives au refus d'admission au séjour des étrangers et aux mesures d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligations de quitter le territoire :

10. Les circonstances invoquées par M. et Mme B... relatives aux risques encourus en cas de retour en Albanie ne permettent pas d'établir que les décisions attaquées, qui n'ont par ailleurs ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination, auraient sur leurs situations personnelles des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que les deux enfants scolarisés des intéressés, qui sont entrés sur le territoire français en septembre 2019, poursuivent leur scolarité dans pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :

11. Les moyens invoqués à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.

12. M.et Mme B... font valoir leurs craintes en cas de retour en Albanie en raison d'un conflit opposant le père de M. B... à une autre famille dans le cadre d'une vendetta et des problèmes rencontrés par son épouse avec son ancien employeur. Toutefois, ils n'ont produit ni en première instance ni en appel aucun élément probant permettant de justifier de leurs allégations et de la réalité de risques personnels encourus en cas de retour dans leur pays d'origine ainsi qu'il a été dit au point 6. Dans ces conditions, les décisions fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 1er septembre 2022 par lesquels il a obligé M. et Mme B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement, lui a enjoint de réexaminer la situation des intéressés dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil sur le fondement de l'alinéa 2 l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ou dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, à leur verser la même somme sur le seul fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :

14. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 28 octobre 2022, les conclusions de la requête n° 22TL22374 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement deviennent sans objet.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, une somme à verser au conseil de M. et Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2205421-2205423 du tribunal administratif de Toulouse du 28 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Toulouse et leurs conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 22TL22375 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B..., à Mme E... B... et à Me Brel.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente rapporteure,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La présidente rapporteure,

A. Geslan-Demaret La présidente assesseure,

A. Blin

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 22TL22374 - 22TL22375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22375
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Armelle GESLAN-DEMARET
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BREL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;22tl22375 ?
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