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28/11/2023 | FRANCE | N°23NC02626

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 28 novembre 2023, 23NC02626


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 17 janvier 2023 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2300534 du 31 juillet 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. B... une carte de résident dans un délai d'un mois, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euro

s en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 17 janvier 2023 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2300534 du 31 juillet 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. B... une carte de résident dans un délai d'un mois, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédures devant la cour :

I/ Par une requête enregistrée le 7 août 2023, sous le n° 23NC02626, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nancy.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il renvoie à ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens invoqués par M. B... devant les premiers juges.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Pereira, conclut au rejet de la requête, à l'annulation de la décision du 17 janvier 2023, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de moyens d'appel ;

- la décision du 17 janvier 2023 a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie alors qu'il réside en France depuis plus de dix ans ;

- elle est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation, au regard des erreurs de rédaction, sur sa nationalité et sur sa date d'entrée en France qui entachent la décision contestée ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II/ Par une requête enregistrée le 7 août 2023 sous le n° 23NC02627, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2300534 du tribunal administratif de Nancy du 31 juillet 2023, en tant qu'il annule sa décision du 17 janvier 2023 portant refus de titre de séjour à M. B....

Il soutient que :

- il existe un moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le refus de titre de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit de mémoire dans l'instance n° 23NC02627.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye ;

- et les observations de Me Pereira, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant turc né le 9 avril 1968, est entré en France en juillet 1990. A compter de 1997, il s'est vu délivrer plusieurs visas et cartes de séjour temporaires, avant de devenir titulaire, en octobre 2002, d'une carte de résident, régulièrement renouvelée jusqu'au 6 octobre 2022. Par un courrier du 27 octobre 2022, il a sollicité le renouvellement de sa carte de résident. Par une décision du 17 janvier 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement du 31 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a, notamment, annulé cette décision et demande le sursis à exécution de ce jugement.

Sur la requête n° 23NC02626 :

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... réside sur le territoire français depuis plus de trente-deux ans à la date de la décision contestée et que la majeure partie de son séjour s'est déroulée en situation régulière. Son épouse vit sur le territoire national, en situation régulière, et le couple a trois enfants, de nationalité française, nés respectivement en 1999, 2001 et 2002. M. B... et son épouse sont propriétaires de leur maison d'habitation et exploitent un commerce. M. B... s'est par ailleurs intégré sur le plan professionnel, puisqu'il travaille en France depuis 1991, d'abord dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, jusqu'en 2012, puis dans celui de la restauration. Si M. B... a été condamné, le 21 octobre 2021, par la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle, à une peine de six ans d'emprisonnement pour meurtre, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours avec usage d'une arme et violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours avec usage d'une arme, il ressort des pièces du dossier que ces faits, survenus le 30 janvier 2016, en dépit de leur gravité, présentent un caractère isolé. Ils ont par ailleurs été commis dans un contexte particulier d'agressions réciproques entre M. B... et les personnes désignées victimes, celles-ci ayant agressé par deux fois l'intéressé les jours ayant précédé le meurtre, ainsi que cela ressort de l'arrêt de la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle du 5 décembre 2022 statuant sur les intérêts civils, produit au dossier. Cet arrêt a d'ailleurs procédé à un partage égal de responsabilité entre M. B... et ses victimes. L'expertise psychologique réalisée en vue d'étudier un aménagement de peine relève en particulier l'absence d'extrémisme et la stabilité de l'intéressé, ainsi que son bon comportement en détention. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l'espèce, au regard de l'ancienneté du séjour de l'intéressé sur le territoire français et de sa famille dont plusieurs membres sont de nationalité française et en dépit de la gravité des faits commis, le refus de lui délivrer un titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé sa décision portant refus de titre de séjour. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir invoquée par M. B....

Sur la requête n° 23NC02627 :

5. Par le présent arrêt, la cour se prononce sur l'appel du préfet de Meurthe-et-Moselle contre le jugement du 31 juillet 2023. Par suite, les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nancy sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'injonction de M. B... :

6. Si M. B... reprend ses conclusions d'injonction présentées en première instance, il ne demande pas l'annulation du jugement en tant qu'il statue sur ces conclusions. De plus, le présent arrêt n'appelle, pour sa part, aucune mesure d'injonction spécifique. Il suit de là que les conclusions à fin d'injonction de M. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans l'instance n° 23NC02626, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de Meurthe-et-Moselle enregistrée sous le n° 23NC02627.

Article 2 : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle enregistrée sous le n° 23NC02626 est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente de chambre,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

Nos 23NC02626, 23NC02627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02626
Date de la décision : 28/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOUVIER JAQUET ROYER PEREIRA BARBOSA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-28;23nc02626 ?
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