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29/11/2023 | FRANCE | N°23LY00195

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 29 novembre 2023, 23LY00195


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 juin 2022 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification

du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.



Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 juin 2022 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2205160 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 janvier et 1er mars 2023, Mme A... B..., représentée par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2205160 du 11 octobre 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 9 juin 2022 par lesquelles la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a été pris après délibération ;

- elle méconnait les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire :

- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La préfète de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- et les observations de Me Zouine, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 13 avril 1997, est entrée en France le 15 décembre 2018 sous couvert d'un visa court séjour. Elle a bénéficié d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien jusqu'au 2 septembre 2021 et en a sollicité le renouvellement le 8 juin 2021. Par un arrêté du 9 juin 2022 la préfète de la Loire lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être reconduite. Par un jugement du 11 octobre 2022, dont Mme B... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. L'arrêté attaqué énonce avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde le refus de titre de séjour. Il est par suite suffisamment motivé.

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens pour la mise en œuvre des stipulations précitées : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Selon l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office (...) transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

4. En premier lieu, l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 22 décembre 2021, au vu duquel la préfète de la Loire a pris la décision contestée mentionne que si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entrainer pour elle de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'un vice de procédure doit être écarté comme étant inopérant.

5. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.

6. En l'espèce, pour contester l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII estimant que l'interruption de la prise en charge médicale ne devrait pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour elle, Mme B... se prévaut de deux certificats médicaux établis par deux médecins ophtalmologues algériens faisant valoir les difficultés de diagnostic et de suivi des personnes atteintes de la maladie de Stargardt dont elle est affectée. Cependant, il est constant que les conséquences de cette maladie, consistant en une baisse d'acuité visuelle bilatérale profonde et des signes fonctionnels handicapants, sont irréversibles et qu'aucun traitement n'existe ni en France ni en Algérie. En se bornant à faire valoir que les dispositifs d'aide lui permettant une relative autonomie et les séances de rééducations optiques et orthoptiques dont elle bénéficie en France ne sont pas disponibles en Algérie et qu'elle bénéficie d'un suivi dans un centre de référence des dystrophies rétiniennes au centre hospitalier interdépartemental de Créteil, Mme B... ne conteste pas sérieusement l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité de l'interruption de cette prise en charge. Ainsi, quelles que soient les possibilités d'une prise en charge effective en Algérie, la préfète de la Loire n'a pas méconnu les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

8. Mme B..., qui réside en France depuis moins de quatre ans à la date de la décision contestée, ne conteste pas qu'elle dispose d'attaches en Algérie ou résident ses parents et ses frères et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans. Les circonstances selon lesquelles elle a été accueillie en France par un oncle et une tante, a entamé des recherches d'emplois malgré son handicap et a été admise dans un programme de recherche en thérapie génique ne sont pas de nature à démontrer qu'elle a fixé le centre de ses intérêts personnels et privés en France. Dans ces conditions, la préfète de la Loire n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

9. Le moyen tiré de ce que la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation est écarté pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00195
Date de la décision : 29/11/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-29;23ly00195 ?
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