La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2023 | FRANCE | N°21NC00653

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 30 novembre 2023, 21NC00653


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (ci-après SCI) CV Naudin a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des majorations correspondantes réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014.



Par un jugement no 1801560 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, prononcé la décharge des pénalités dont les rappels d

e taxe sur la valeur ajoutée avaient été assortis, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (ci-après SCI) CV Naudin a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des majorations correspondantes réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014.

Par un jugement no 1801560 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, prononcé la décharge des pénalités dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée avaient été assortis, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de mille euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 4 mars et 16 juin 2021, la SCI CV Naudin, représentée par Me Belouis, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 19 janvier 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) d'ordonner la restitution des droits supplémentaires versés ainsi que des intérêts de retards et majorations, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle avait valablement opté pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour le second bâtiment construit sur le terrain démembré dont elle est nue-propriétaire et destiné à l'exercice de son activité de location ;

- la facturation aux sociétés occupant l'immeuble de sommes importantes au titre des travaux d'aménagement et des charges de copropriété contrebalance l'absence de perception de loyers sur la période en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société n'a pas apporté la preuve de ce que l'option exercé le 31 mars 2008 s'étendait au deuxième bâtiment, qu'elle a acquis postérieurement ;

- les moyens soulevés par la SCI CV Naudin ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI CV Naudin a été créée le 12 mars 2008 en vue d'exercer l'activité d'" acquisition par voie d'achat ou d'apport, propriété, mise en valeur, transformation, construction, aménagement, administration et location de tous biens ". Elle a acquis, le même jour, en nue-propriété, un immeuble de 540 m² de bureaux situé allée Naudin dans la ZAC Saint Philippe I à Biot, l'usufruit de cet immeuble ayant été cédé, temporairement, à trois sociétés distinctes. Le 31 mars 2008, la SCI CV Naudin a adressé au service des impôts des entreprises une déclaration d'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cet immeuble. Le 16 avril 2008, elle a acquis " un droit à bâtir complémentaire de 550 m² hors œuvre nets, attaché aux biens et droits dépendant de cet ensemble immobilier ". A la suite d'un contrôle sur place de l'ensemble de ses déclarations fiscales relatives à la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 11 décembre 2014, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, remis en cause le principe de l'assujettissement de la SCI CV Naudin à la taxe sur la valeur ajoutée et a notamment refusé les déductions de taxe qu'elle avait pratiquées. Le service a maintenu les redressements en réponse aux observations de la société. Des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités ont été mis en recouvrement le 16 novembre 2016 pour un montant total de 297 774 euros. La réclamation préalable formée par la société a été rejetée par une décision implicite. Par un jugement du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré mises à la charge de la société et a rejeté le surplus de sa demande. La société CV Naudin relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard mis à sa charge.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus (...) ". Aux termes de l'article 260 de ce même code : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

4. Il résulte de l'instruction que, pour remettre en cause le principe de l'assujettissement de la SCI CV Naudin à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale avait initialement estimé que la société étant nue-propriétaire du terrain situé ... elle devait être regardée comme nue-propriétaire du bâtiment qu'elle a fait construire selon permis de construire accordé en 2011 et qui a été achevé en mai 2013 et comme ne pouvant, par suite, pas y exercer d'activité économique de location. Après avoir censuré ce motif du rehaussement, les premiers juges ont toutefois considéré que la société CV Naudin n'établissait pas avoir entrepris de démarches en vue de louer le nouveau bâtiment au cours de la période vérifiée et que ce motif, dont se prévalait l'administration, pouvait fonder le rappel de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que cette substitution de ce motif n'avait pas privé la société de la garantie de le soumettre à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

5. Pour contester ce motif tiré de l'absence d'effectivité d'une activité de location, la SCI CV Naudin soutient qu'au lieu de faire régler un loyer aux sociétés occupant le second bâtiment, construit sur le terrain démembré, elle leur a refacturé, à la fin des travaux de construction dudit bâtiment, une participation importante aux travaux d'agencement, à raison de 37 886,47 euros, 123 260,79 euros et 98 349,13 euros respectivement. Toutefois, la société requérante ne justifie pas que cette refacturation pourrait être regardée comme la rémunération du droit d'occuper l'immeuble conféré à chacune de ces sociétés. Quant au remboursement des charges de copropriété, facturées en 2011, 2012 et 2013 aux trois sociétés, il se rapporte aux locaux à usage de bureaux qu'elle a acquis en nue-propriété et dont les trois sociétés sont usufruitières. Par ailleurs, la SCI CV Naudin n'établit pas davantage qu'elle avait, au cours de la période en litige, soit de 2011 à 2013, l'intention de louer les locaux alors en cours de construction à ces trois sociétés. Dans ces conditions, comme l'a jugé le tribunal administratif, le motif tiré de ce qu'elle ne justifiait pas avoir cherché à louer le second bâtiment qui a été achevé en mai 2013 est fondé.

6. En outre, devant la cour, le ministre invoque également un nouveau motif tiré de ce que la société requérante n'apporte pas la preuve que l'option exercée le 31 mars 2008 s'étendait au second bâtiment.

7. Aux termes de l'article 193 de l'annexe II au code général des impôts : " (...) / Les personnes qui donnent en location plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles doivent exercer une option distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles. / (...) ". L'option prévue par l'article 260 du code général des impôts doit faire l'objet d'une déclaration expresse à l'administration et distincte pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles.

8. La SCI CV Naudin soutenait que l'option qu'elle a exercée le 31 mars 2008 en faveur de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée " au titre de l'immeuble situé sur la commune de ... concernait nécessairement l'immeuble en litige. Il résulte, toutefois, de l'instruction que la société a acquis les droits à bâtir de ce nouveau bâtiment à usage de bureaux le 16 avril 2008, ne s'est vu accorder un permis de construire qu'en 2011 et a déposé une déclaration d'achèvement des travaux le 31 mai 2013. Contrairement à ce qu'elle soutient, en l'absence de permis de construire unique ou de même programme de construction, le bâtiment bâti qui était déjà présent sur la parcelle qu'elle a acquise le 12 mars 2008 et ce nouveau bâtiment distinct achevé en 2013 ne peuvent pas relever d'un même ensemble immobilier. L'administration fiscale est ainsi fondée à opposer à la société CV Naudin l'absence de dépôt d'une déclaration distincte d'option pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour cet immeuble. Ce nouveau motif, qui ne pose aucune question de fait susceptible d'être soumise à l'examen de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et dont l'invocation n'a ainsi privé la société d'aucune garantie de procédure, est également de nature à fonder le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et lui a en conséquence refusé les déductions de la taxe ayant grevé les charges courantes, agencements et livraison à soi-même.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI CV Naudin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société CV Naudin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI CV Naudin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 21NC00653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00653
Date de la décision : 30/11/2023
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CABINET CHAINTRIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-30;21nc00653 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award