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01/12/2023 | FRANCE | N°22NT03123

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 décembre 2023, 22NT03123


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Saglam France a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre exécutoire n° 48/232 du 20 février 2020 par lequel la présidente de la région des Pays de la Loire a mis à sa charge la somme de 28 320 euros.



Par un jugement n° 2004824 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête,

enregistrée le 27 septembre 2022, la SAS Saglam France, représentée par Me Catteau Lefrançois, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Saglam France a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre exécutoire n° 48/232 du 20 février 2020 par lequel la présidente de la région des Pays de la Loire a mis à sa charge la somme de 28 320 euros.

Par un jugement n° 2004824 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2022, la SAS Saglam France, représentée par Me Catteau Lefrançois, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 juillet 2022 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 48/232 du 20 février 2020 par lequel la présidente de la région des Pays de la Loire a mis à sa charge la somme de 28 320 euros ;

3°) de mettre à la charge de la région des Pays de la Loire une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- non seulement il n'y a pas de signature sur le titre exécutoire du 20 février 2020 mais les nom et prénom de l'auteur ainsi que la mention du service auquel il appartient sont absents et la régularisation tardive par un nouveau titre exécutoire du 24 décembre 2020 ou par un arrêté du 12 mars 2020 de délégation de signature ne saurait couvrir l'illégalité du titre exécutoire émis le 20 février 2020 ;

- le titre de recette est entaché d'un défaut de motivation car les énonciations de fait motivant la décision de la Région d'abroger une partie de la subvention à laquelle la société Saglam France avait droit après avoir respecté ses obligations, sont inexistantes ;

- l'action en recouvrement était prescrite ;

- le titre de recette est dénué de base légale car à aucun moment la Région ne justifie que la société Saglam France n'a pas respecté ses engagements en termes d'emploi ;

- la région a méconnu l'article 1-4 de la convention signée entre elles deux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2023, la région des Pays de la Loire, représentée par Me Marchand, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Saglam France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation en tant qu'elles sont dirigées contre le titre exécutoire n° 48-232 du 20 février 2020, ces conclusions devant être regardées comme étant uniquement dirigées contre le titre exécutoire n° 557-2129 du 24 décembre 2020 et qu'aucun des moyens soulevés par la SAS Saglam France n'est fondé.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gourdain pour la région des Pays de la Loire.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Saglam France a construit une usine de production de viande de kebab sur le territoire de la commune de Pré-en-Pail (Mayenne). Le 23 décembre 2014, elle a conclu avec la région des Pays de la Loire, représentée par son président autorisé à signer par une délibération du 29 septembre 2014 de la commission permanente du conseil régional, une convention par laquelle la région lui accordait une subvention d'un montant de 120 000 euros, dans le cadre du fonds d'intervention territorial (FIT) agroalimentaire, en contrepartie de la création par la société de 55 nouveaux emplois en contrat à durée indéterminée à compter du 19 février 2013. La subvention d'un montant de 120 000 euros a été versée en totalité le 9 janvier 2015 et, par lettre du 7 février 2019, la région a demandé à la société de lui adresser des pièces justifiant la création des emplois prévus par la convention. Par lettre du 28 février 2019, la SAS Saglam France a produit trois extraits K-bis et un tableau faisant apparaître les effectifs de trois sociétés différentes, la SAS Saglam France, la société Saglam Distribution et la société France Lamelle. Au vu de ces éléments, il est apparu que la SAS Saglam France a créé 36 emplois équivalent temps plein. La région a estimé que l'objectif de création d'emplois n'a été atteint qu'à 65,5 % et a décidé de réévaluer la subvention de 120 000 euros à 78 545 euros, soit un trop-perçu par le bénéficiaire d'un montant de 41 455 euros. Par une lettre du 3 avril 2019, la région a mis en demeure la SAS Saglam France de produire tout justificatif complémentaire, dans un délai de quinze jours, et informé la société qu'à défaut de justificatif probant un titre de recette d'un montant de 41 455 euros serait émis à son encontre. Après consultation de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE), la région a constaté la création par la société de 42 emplois, a recalculé l'aide et l'a arrêtée à la somme de 91 680 euros. Par lettre du 5 septembre 2019, la région a invité la société à présenter ses observations, à défaut de quoi un titre de recette d'un montant de 28 320 euros serait émis. La société a répondu par lettre du 17 septembre 2019. La région a émis à l'encontre de la SAS Saglam France, le 20 février 2020, un titre exécutoire d'un montant de 28 320 euros, notifié le 27 février 2020. La SAS Saglam France a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ce titre. Par un jugement du 27 juillet 2022, le tribunal a rejeté sa demande. La SAS Saglam France fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du titre de recette :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la présidente de la région a implicitement mais nécessairement retiré le titre de recette n° 48/232 du 20 février 2020 en émettant un nouveau titre de recette, ayant le même objet et la même portée, le 24 décembre 2020, alors même qu'il n'y a pas eu d'avis de dégrèvement entre les deux titres. Par suite la demande de première instance, comme l'a jugé le tribunal administratif, ainsi que la requête d'appel, doivent être regardées comme dirigées contre le nouveau titre de recette du 24 décembre 2020.

3. Aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. (...) ". Si la SAS Saglam France soutient que le titre de recette du 20 février 2020 est irrégulier dès lors qu'il n'y a pas de signature sur le bordereau du titre et que les nom et prénom de l'auteur ainsi que la mention du service auquel il appartient sont absents, ce moyen doit être écarté, pour les motifs indiqués au point 2, le titre de recette du 24 décembre 2020 et son bordereau comportant, quant à eux, toutes les mentions requises.

4. En second lieu, le titre litigieux mentionne de manière précise la nature de la créance par l'indication : " Remboursement trop perçu subvention FIT d'après art. 2 de la convention 2014-08615 du 23/12/2014 et suite courrier adressé par la région le 05/09/2019 ". Ce courrier du 5 septembre 2019 rappelle les termes de la convention, le déroulement des échanges menés entre la région et la société Saglam France quant au respect par l'intéressée de son engagement de création d'emplois et précise que les documents établis par l'intéressée ne permettaient de justifier de la création par celle-ci que de 42 emplois sur les 55 prévus, soit un taux de réalisation de 76,4 %, correspondant à un montant de subvention de 91 680 euros au lieu des 120 000 euros versés, soit un trop-perçu de 28 320 euros. La société Saglam France disposait ainsi de l'ensemble des informations lui permettant de comprendre les éléments pris en compte pour considérer qu'elle n'avait pas atteint son objectif de création d'emplois, quand bien même il existe un débat sur la quantification précise des emplois créés. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du titre de recette doit être écarté.

Sur le bien-fondé du titre de recette :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

6. Il résulte de l'instruction que la créance de la région Pays de la Loire que constitue la récupération partielle de la subvention versée est née de la méconnaissance par la société Saglam France de son obligation de création d'emplois. Ce n'est que par un courrier du 28 février 2019 que la société Saglam France a produit, à la demande de la région Pays de la Loire, les éléments tendant à justifier l'exécution de son obligation de création d'emplois sur la période d'effet comprise entre le 19 février 2016 et le 18 février 2019. Sur la base de ces éléments, la région Pays de la Loire a considéré qu'à compter de la date d'effet du 19 février 2016, la société Saglam France n'avait créé que 36 nouveaux emplois au lieu des 55 auxquels elle s'était engagée. Par conséquent, le délai de prescription, qui a débuté à compter de la notification de ce courrier du 28 février 2019, n'était pas expiré à la date de notification du premier titre exécutoire le 27 février 2020 et à la date à laquelle la SAS Saglam France a eu connaissance du titre exécutoire du 24 décembre 2020, soit le 13 juillet 2021.

7. En second lieu, aux termes de l'article 1 de la convention signée entre la région des Pays de la Loire et la SAS Saglam France : " La présente convention et ses annexes ont pour objet de définir les modalités pratiques et financières du soutien apporté par la Région pour la réalisation d'un programme d'actions par le bénéficiaire. Ce programme d'actions consiste en la création, par le bénéficiaire, sur son site de Pré-en-Pail (53), à compter du 19 février 2013, de 55 nouveaux emplois en contrat à durée indéterminée équivalent temps plein au terme d'un programme de trois ans. Ainsi, le bénéficiaire s'engage à disposer d'un effectif global de 65 salariés en contrat à durée indéterminée équivalent temps plein, période d'essai ou probatoire écoulée, à la date d'effet du 19 février 2016. (...) Le bénéficiaire s'engage en outre à maintenir ces emplois pendant une durée de trois ans à compter de l'achèvement du programme de recrutements, soit jusqu'au 18 février 2019. Le bénéficiaire en acceptant la subvention s'engage à réaliser l'action définie ci-dessus sous sa propre responsabilité et en mettant en œuvre tous les moyens à sa disposition. ". Aux termes de l'article 9 de cette convention : " En cas de non-respect par le bénéficiaire de tout ou partie de ses obligations, en particulier en cas de non-exécution ou d'exécution partielle du programme d'action, la Région (...) pourrait alors exiger le remboursement, de la part dudit Bénéficiaire, de tout ou partie des sommes qu'elle lui aurait déjà versées. ".

8. Il résulte d'un courriel de la DIRECCTE du 23 juillet 2019 analysant le registre unique du personnel de la SAS Saglam France que 42 emplois ont été créés au 19 février 2016 et non pas 55, sans que la société requérante n'apporte aucun élément de preuve contraire. La SAS Saglam France n'est pas fondée à se prévaloir des emplois créés par la société Saglam Distribution, créée le 30 septembre 2013, dès lors que cette dernière n'était pas mentionnée dans la convention signée le 23 décembre 2014, la SAS Saglam France apparaissant comme seule bénéficiaire sans qu'une quelconque stipulation prévoie qu'elle pourrait se substituer une autre personne morale pour l'exécution de ses obligations. Ainsi, alors même que la SAS Saglam France avait informé la région des Pays de la Loire de l'existence de la société Saglam Distribution et que cette dernière est une filiale de la SAS Saglam France, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle avait respecté les objectifs de création d'emplois fixés par la convention. La présidente du conseil régional pouvait donc, en exécution de cette convention et sans qu'une autre décision administrative préalable ne soit nécessaire, lui ordonner de restituer une partie de la subvention versée correspondant à la part non accomplie du programme de création d'emplois.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Saglam France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. La région des Pays de la Loire n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme demandée par la SAS Saglam France à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par la région des Pays de la Loire.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Saglam France est rejetée.

Article 2 : La SAS Saglam France versera à la région des Pays de la Loire une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Saglam France et à la région des Pays de la Loire.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de la région des Pays de la Loire.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

C. Wolf

La République mande et ordonne au préfet de la région des Pays de la Loire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03123


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03123
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-01;22nt03123 ?
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