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05/12/2023 | FRANCE | N°21TL04500

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 décembre 2023, 21TL04500


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D..., exploitante de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie D..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 10 mars 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de Mme A... et de M. C..., exploitée sous l'enseigne " Grande Pharmacie centrale ", sise 19 place de la République à Pézenas dans un nouveau local situé 10

bis avenue François Curée dans la même commune.



Par un jugement n° 2001878 du 21 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D..., exploitante de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie D..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 10 mars 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie de Mme A... et de M. C..., exploitée sous l'enseigne " Grande Pharmacie centrale ", sise 19 place de la République à Pézenas dans un nouveau local situé 10 bis avenue François Curée dans la même commune.

Par un jugement n° 2001878 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires, enregistré les 15 mars et 28 juin 2022 et le 15 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Pharmacie D..., représentée par Me Daver, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 septembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 10 mars 2020 du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie prise an nom de l'État ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la société Grande Pharmacie centrale la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à contester la décision autorisant le transfert de la pharmacie en litige dès lors que cette décision est susceptible d'affecter le chiffre d'affaires de son activité et qu'elle lui fait grief en tant que membre de la profession ;

- le jugement, qui méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative, est entaché d'irrégularité ;

- ce jugement est également entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen relatif à l'erreur commise dans la délimitation du quartier d'origine et du quartier d'implantation de la pharmacie alors que le régime juridique applicable découlait de cette délimitation ;

- le transfert de la pharmacie en litige méconnaît le 1° de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique en ce qu'il compromet significativement l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier d'origine, qui comporte une part importante de personnes âgées ; la Pharmacie du Cours devra, après le transfert, assumer l'approvisionnement du centre-ville, qui constitue le secteur le plus dense de la commune avec plus de 280 personnes au km², dans des conditions d'accès et de stationnement moins optimisées que celles de la Grande Pharmacie centrale ;

- la décision attaquée méconnaît les règles de délimitation d'un quartier définies par l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique ;

- en application des articles L. 5125-3, L. 5125-3-1 et L. 5125-3-2, L. 5125-3-3 du code de la santé publique, la délimitation des quartiers d'une commune, qu'il appartient au directeur général de l'agence régionale de santé de fixer en fonction de l'unité géographique et de la population résidente du quartier, détermine la règlementation applicable au transfert d'une pharmacie ; en l'espèce, l'administration a commis une erreur de délimitation des quartiers d'origine et d'accueil de la pharmacie transférée, elle ne pouvait ainsi pas estimer que le transfert de l'officine avait eu lieu à l'intérieur d'un même quartier ;

- les dispositions du 1° et du 3° de l'article L 5125-3-2 du code de la santé publique ont été méconnues ; s'agissant du 1° de cet article, la condition d'accès à la nouvelle officine et de visibilité ne peut être regardée comme satisfaite ; s'agissant du 3°, la décision attaquée a omis de prendre en compte, dans l'appréciation de l'approvisionnement en médicaments de la population résidente, l'existence de son officine, au cœur du quartier de desserte de l'officine transférée et l'absence de tout besoin officinal pour la population résidente dont la densité représentait moins de 150 habitants au km² ; de plus, la population de passage convoitée par la Grande Pharmacie centrale ne pouvait être prise en compte.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 janvier, 15 avril et 8 août 2022, la société Grande Pharmacie centrale, représentée par Me Lafont, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Pharmacie D... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire, à ce qu'il soit déclaré que l'éventuelle annulation du jugement et de la décision du 10 mars 2020 ne prendra effet qu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir.

Elle fait valoir que :

- l'appelante ne démontre pas son intérêt à agir dès lors qu'elle n'établit pas en quoi la décision attaquée l'affecte de manière suffisamment directe et certaine ;

- le jugement qui ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, est régulier ;

- les conditions posées par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, qui subordonne l'autorisation du transfert d'une officine à la double condition que ce transfert ne compromette pas l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier d'origine et qu'il apporte une réponse optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil, n'ont pas été méconnues ;

- ainsi et s'agissant de la première condition, le transfert en litige ne conduit à aucun abandon de la population, le centre-ville de Pézenas étant desservi par deux autres officines aisément accessibles ; ce transfert entraîne un maillage idéal des pharmacies de la ville au nombre de quatre ;

- ce transfert permet d'optimiser pleinement la desserte en médicaments de la population de la ville de Pézenas et, en particulier, de sa population âgée ; le transfert de la Grande Pharmacie centrale intervient, contrairement à ce que soutient l'appelante, au sein d'un même quartier de la ville ; le directeur de l'agence régionale de la santé, qui est le seul compétent pour délimiter les quartiers d'une commune, a défini les limites du centre-ville en conformité avec les dispositions de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique ;

- dès lors que l'administration a justement estimé que le transfert en litige intervient au sein d'un même quartier, elle n'était pas tenue de vérifier si la condition posée par le 3° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique était remplie ; en tout état de cause, cette condition est remplie dès lors que la pharmacie transférée se situe à 350 mètres du local d'origine et approvisionnera la même population résidente, outre les deux autres pharmacies situées en hyper centre-ville ;

- à titre subsidiaire, si l'annulation de la décision contestée était prononcée, elle entraînerait une fermeture de son officine pendant un délai de huit mois qui aurait des conséquences préjudiciables pour elle ; cette situation justifie que soit modulée dans le temps les effets de cette annulation afin qu'elle ne soit effective qu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2022, l'agence régionale de santé Occitanie, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'appelante n'établit pas un quelconque intérêt à agir ;

- le jugement attaqué, qui ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, est régulier ;

- le transfert de la Grande Pharmacie du centre en litige s'opère dans le même quartier de la ville de Pézenas que son quartier d'implantation d'origine ; la délimitation de ce quartier correspond à une unité géographique et humaine au sens de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique ;

- le transfert en litige permet d'aérer le maillage officinal sans pour autant rapprocher excessivement la Grande Pharmacie centrale de celle de l'appelante ; il permettra l'accès à une officine pour les habitants de la zone nord-ouest en ce qu'ils n'auront pas à circuler dans le centre-ville souvent encombré ; la population desservie par le local de la pharmacie d'origine reste desservie par la même pharmacie transférée ;

- ce transfert permet également l'optimisation de la desserte en médicaments en raison des meilleures conditions d'accueil de la patientèle et d'accessibilité de l'officine grâce aux places de stationnement offertes et à l'installation des portes automatiques et à sa proximité avec la maison de santé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami, première conseillère,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rossignol, représentant l'appelante, et celles de Me Bruyère substituant Me Lafont, représentant la société Grande Pharmacie centrale.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Pézenas (Hérault) comptait quatre officines pour 8 280 habitants au 1er janvier 2017, soit un ratio de 2 700 habitants par officine. Par une décision du 10 mars 2020, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a autorisé Mme A... et M. C... au nom de la " Pharmacie centrale " à transférer l'officine de pharmacie qu'ils exploitaient à Pézenas au 19 place de la République dans un nouveau local situé 10 bis avenue François Curée dans la même commune. La société Pharmacie D..., qui exploite une officine au nom de " La nouvelle pharmacie ", au 32 avenue de Verdun à Pézenas, a demandé l'annulation de la décision du 10 mars 2020. Elle relève appel du jugement du 21 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires (...) ". L'appelante soutient que le tribunal a omis d'analyser le moyen tiré de ce que le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie a commis une erreur matérielle dans la délimitation des quartiers d'origine et d'accueil de la pharmacie transférée. Toutefois, le jugement attaqué qui indique, dans ses visas, que la décision contestée est " entachée d'une erreur dans l'appréciation des faits, le lieu d'accueil ne se situant pas dans le quartier d'origine mais dans le quartier " Castel Sec " au sud de la commune ", comporte l'analyse du moyen prétendument omis. Dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'un vice de forme de nature à entraîner son annulation.

3. En dernier lieu, il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal a répondu au moyen prétendument omis au point 4 de sa décision. Par suite, le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'une omission de répondre à un moyen, n'est pas irrégulier.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Le transfert de l'officine de la société Grande Pharmacie centrale doit s'effectuer au sein de la commune de Pézenas, à moins de 500 mètres de l'officine de pharmacie de la société appelante. La distance entre ces deux officines se trouve ainsi substantiellement réduite par rapport à l'implantation initiale de la société transférée, qui se situait à près d'un kilomètre de la pharmacie exploitée par la société appelante. La société Pharmacie D... justifie dès lors d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'autorisation de transfert du 10 mars 2020 en litige.

Sur les conclusions en annulation :

5. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement ;(...) ".

6. Aux termes de l'article L. 5125-3-1 de ce code : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. Le directeur général de l'agence régionale de santé mentionne dans l'arrêté prévu au cinquième alinéa de l'article L. 5125-18 le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier ". Ces dispositions imposent au directeur général de l'agence régionale de santé de mentionner expressément dans l'arrêté, le nom des voies, limites naturelles ou infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier d'accueil du projet de transfert, pour assurer l'information claire et intelligible du public concerné.

7. Aux termes de l'article L. 5125-3-2 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs ". En application de l'article L. 5125-3-3 de ce code, lorsque le transfert d'une officine s'effectue au sein d'un même quartier d'une commune, le caractère optimal de la réponse aux besoins de la population résidente est apprécié au regard des seules conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 5125-3-2 précité.

8. L'administration indique dans ses écritures, sans être contestée, que la commune de Pézenas est constituée de deux quartiers distincts, le centre-ville et le Sud.

9. Si le directeur général de l'agence régionale de la santé d'Occitanie a estimé que la pharmacie qui sollicitait son transfert resterait implantée dans son quartier d'origine correspondant au quartier du centre-ville de Pézenas délimité au Nord par la D913 et le boulevard Voltaire, à l'Est par l'avenue Maréchal Leclerc, au Sud par le boulevard Frédéric et Irène Joliot Curie et à l'Ouest par la D39, il a également indiqué les délimitations d'un autre quartier sur lequel était implanté, à la date de sa décision, un terrain occupé par un parc de stationnement situé à proximité du lieu de transfert de la pharmacie. Il ressort des documents cartographiques versés au dossier que ce terrain, qui est situé au Nord-Ouest et à proximité du lieu du transfert de la pharmacie, est proche du centre-ville dont il est séparé par la D13 E4. Il en résulte que le transfert de l'officine sollicité doit être regardé comme devant s'effectuer dans le même quartier que le terrain occupé par le parc de stationnement.

10. Or, les délimitations indiquées dans la décision contestée du quartier d'accueil de l'officine, sur lequel est implanté, à proximité du lieu de transfert, le terrain occupé par un parc de stationnement, sont distinctes de celles de son quartier d'origine. En effet, selon cette décision du 10 mars 2020, le quartier du centre-ville, qui est situé au nord du quartier sud de la commune, est délimité au sud par le boulevard Frédéric et Irène Joliot Curie alors que le quartier sud est délimité au nord par l'avenue D 13 E4 et le boulevard Sarrazin. Il en découle que, selon ces délimitations, l'implantation de l'officine transférée se situe à l'intérieur, à la fois, du quartier du centre-ville et du quartier sud. L'arrêté attaqué ne permet dès lors pas d'identifier de façon certaine et immédiatement intelligible le quartier d'accueil retenu pour autoriser le transfert. En réponse à cette incohérence, l'administration, dans ses écritures, se borne à indiquer que le transfert litigieux s'est opéré dans le même quartier en indiquant les voies qui le délimitent et notamment, au sud, le boulevard Frédéric et Irène Joliot Curie. Elle n'explique cependant pas à quoi correspondent les délimitations indiquées dans la décision attaquée du quartier où se situe le lieu du transfert de la pharmacie. À cet égard, elle ne fournit pas l'indication précise des voies qui délimitent le quartier sud de la commune qui, seule, permettrait de s'assurer que le quartier d'implantation de l'officine transférée correspond effectivement à son quartier d'origine. Dans ces conditions, alors qu'il lui appartenait de déterminer la délimitation pertinente du quartier d'accueil de l'officine transférée et d'en préciser de façon intelligible et cohérente ses limites, l'administration n'établit pas que le lieu du transfert de l'officine se situerait dans le quartier du centre-ville qui constituait son quartier d'origine. Par suite, la décision du 10 mars 2020 est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique. Cette erreur présente un caractère substantiel dès lors qu'elle ne permet pas de vérifier que les conditions posées par les dispositions de l'article L 5125-3-2 du code de la santé publique combinées à celles de l'article L. 5125-3-3 de ce code ont été satisfaites.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Pharmacie D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 mars 2020.

Sur le report dans le temps des effets de l'annulation :

12. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif -après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il aura déterminée.

13. L'autorisation de transfert de l'officine pharmaceutique exploitée par la société " Pharmacie centrale " a été prise le 10 mars 2020. Son article 2 précise qu'elle ne prendra effet qu'à l'issue d'un délai de trois mois à compter de sa notification au demandeur. Son article 4 prévoit que toute fermeture définitive de l'officine entraîne la caducité de la licence qui doit être remise au directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie. Eu égard à l'incidence que l'annulation de l'autorisation de transfert est susceptible d'avoir sur la desserte en médicaments dans la commune de Pézenas, il y a lieu de prononcer l'annulation du jugement et de la décision attaqués dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'officine appelante, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Grande Pharmacie du centre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge tant de l'État que de la société Grande Pharmacie centrale une somme de 750 euros, chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier et la décision du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie du 10 mars 2020 sont annulés. Cette annulation prendra effet dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : L'État et la société Grande Pharmacie centrale verseront, chacun, à la société Pharmacie D... une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la société Grande Pharmacie centrale tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie D..., à la société en nom collectif Grande Pharmacie centrale et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Occitanie

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04500
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-09-02-01 Santé publique. - Administration de la santé.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;21tl04500 ?
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