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05/12/2023 | FRANCE | N°22NT00660

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 05 décembre 2023, 22NT00660


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat confédération française démocratique du travail (CFDT) Interco de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 20 janvier 2020 par laquelle la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo a institué un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel de ses agents (RIFSEEP) ;

Par un jugement N°2000570 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat confédération française démocratique du travail (CFDT) Interco de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 20 janvier 2020 par laquelle la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo a institué un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel de ses agents (RIFSEEP) ;

Par un jugement N°2000570 du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 mars 2022 et le 3 juillet 2023, le syndicat CFDT Interco de la Manche, représenté par la Selarl Christophe Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 28 janvier 2022 ;

2°) d'annuler la délibération du 20 janvier 2020 de la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les membres du comité technique avaient eu communication, dans le respect des dispositions de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 28 du décret du 30 mai 1985, d'informations suffisantes concernant la mise en place du complément indemnitaire annuel (CIA) :

* le compte rendu de la réunion du comité technique du 10 décembre 2019 ne précise pas l'objectif de l'instauration du CIA, ni les critères d'attribution du complément, ni les modalités d'attribution du complément ;

* le compte rendu de la réunion du comité technique du 10 décembre 2019 comporte des mentions contradictoires s'agissant du caractère obligatoire ou facultatif de l'instauration du CIA ;

* ni la première consultation du comité technique du 10 décembre 2019, ni la seconde consultation du 19 décembre 2019 n'ont porté sur le CIA ;

* les critères et modalités d'attribution du CIA n'étaient pas fixés, et n'ont donc pas été communiqués aux membres du comité technique ;

* le compte rendu de la réunion du comité technique du 18 juin 2020 est également dépourvu de précisions relatives aux conditions d'attributions et de versement du CIA ;

- contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, la délibération attaquée ne prévoit pas le taux moyen de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et ne définit pas précisément les modalités de détermination des critères professionnels caractérisant les fonctions exercées, en méconnaissance de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er septembre 2022 et le 5 juillet 2023, la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de la délibération du 20 janvier 2020 seulement en tant qu'elle fixe le régime du complément annuel indemnitaire, et de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de la Manche la somme de 2 500 euros au titre des frais liés au litige.

Elle soutient que les moyens soulevés par le syndicat CFDT Interco de la Manche ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-565 du 30 mai 1985 ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Launay, représentant le syndicat CFDT Interco de la Manche et de Me Delaunay, représentant la communauté d'agglomération de Saint-Lô.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 20 janvier 2020, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo a mis en place un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), comprenant, d'une part, une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), d'autre part, un complément indemnitaire annuel (CIA). Le syndicat CFDT Interco de la Manche relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 janvier 2022 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa réaction applicable en l'espèce : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat (...) ". L'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. / Le versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est mensuel ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : (...) 4° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ". Aux termes de l'article 28 du décret du 30 mai 1985 : " Toutes facilités doivent être données aux membres des comités pour exercer leurs fonctions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions au plus tard huit jours avant la date de la séance. ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il revient à l'organe délibérant de chaque collectivité territoriale ou établissement public local de fixer lui-même la nature, les conditions d'attribution et le montant des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité ou de l'établissement public, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux ni que la collectivité ou l'établissement public soit tenu de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat.

5. Il découle également des dispositions de l'article 88 de la loi du 11 janvier 1984 que les collectivités territoriales, qui souhaitent mettre en œuvre un régime indemnitaire lié aux fonctions lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, doivent le faire en décomposant aussi l'indemnité en deux parts. Dans ce cas, la première de ces parts tient compte des conditions d'exercice des fonctions et la seconde de l'engagement professionnel des agents. Les collectivités territoriales qui décident de mettre en place un tel régime demeurent libres de fixer les plafonds applicables à chacune des parts, sous la réserve, compte tenu du principe de parité rappelé ci-dessus, que leur somme ne dépasse pas le plafond global des primes accordées aux agents de l'Etat servant de référence, et de déterminer les critères d'attribution des primes correspondant à chacune de ces parts.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le comité technique de la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo a été saisi à deux reprises, les 10 et 19 décembre 2019, pour avis, sur la mise en place d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel. Il n'est pas contesté que préalablement à ces réunions, les membres du comité technique ont eu communication, dans les conditions prévues par l'article 28 du décret du 30 mai 1985, d'un document daté du 2 décembre 2019, leur exposant précisément le contexte, le contenu et les enjeux de cette réforme indemnitaire, notamment en ce qui concerne le CIA. Ce document précisait la structure du RIFSEEP en deux parts cumulables (IFSE et CIA) et les critères d'attribution retenus. Contrairement à ce qui est allégué par le syndicat CFDT Interco de la Manche, ce document de présentation ne contient aucune mention contradictoire sur le CIA, dont l'institution est obligatoire, même si son versement reste " facultatif ", en ce sens qu'il dépend de la manière de servir appréciée par l'entretien professionnel. Dans ces conditions, le comité technique a été consulté sur les grandes orientations en matière de politique indemnitaire et les critères de répartition y afférents, conformément aux dispositions précitées.

7. En deuxième lieu, la délibération du 20 janvier 2020 mentionne les groupes de fonctions bénéficiant du RIFSEEP ainsi que les plafonds annuels de l'IFSE et de la CIA applicables à chacun de ces groupes de fonctions et les critères de modulation individuelle. Cette délibération précise notamment que la part fonctionnelle de l'IFSE peut varier selon le niveau de responsabilités, le niveau d'expertise ou les sujétions auxquelles les agents sont confrontés dans l'exercice de leurs missions et que le CIA est lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir de l'agent. En outre, cette délibération définit le montant plafond pour chacun des groupes de fonctions, dans la limite du plafond global, constitué de la somme des deux parts cumulables (IFSE et CIA), le régime indemnitaire en question correspondant à un montant fixé dans la limite de plafonds déterminés par treize arrêtés catégoriels, applicables aux fonctionnaires de l'Etat. La délibération du 20 janvier 2020 aligne le régime du RIFSEEP qu'elle institue sur le régime des fonctionnaires de l'Etat placés dans la même situation, qui découle, pour chacune de ces primes respectivement du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014, modifié par le décret n° 2016-1916 du 27 décembre 2016. La mise en place de ce régime indemnitaire, institué par le décret du 20 mai 2014, seul applicable sur ce point, ne prévoit pas de référence à un taux moyen de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise. La collectivité n'était donc pas tenue de préciser le taux moyen applicable. Le syndicat CFDT Interco de la Manche ne peut dès lors utilement soutenir que la délibération attaquée méconnait les dispositions de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991, pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984. Par suite, la délibération en litige, qui détermine avec une précision suffisante les modalités d'attribution du régime indemnitaire pour chaque groupe de fonctions bénéficiant du RIFSEEP, n'a pas méconnu les dispositions précitées qui imposent à l'assemblée délibérante de fixer elle-même la nature et les conditions d'attribution des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux.

8. En dernier lieu, la délibération contestée, contrairement à ce qui est allégué, définit avec une précision suffisante les modalités de détermination des critères professionnels pour définir les fonctions exercées. Ce moyen doit dès lors être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CFDT Interco de la Manche n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat CFDT Interco de la Manche demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de la Manche la somme réclamée par la communauté d'agglomération au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat CFDT Interco de la Manche est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat CFDT Interco de la Manche et à la communauté d'agglomération Saint-Lô Agglo.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT00660


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00660
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : AGOSTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;22nt00660 ?
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