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06/12/2023 | FRANCE | N°21BX04418

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 06 décembre 2023, 21BX04418


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Corep lighting a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la restitution d'un crédit d'impôt recherche pour des dépenses de collection engagées pour la société Corep au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 1906245 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 décembre 2021, le 24

juin 2022, le 26 avril 2023 et le 7 juin 2023, la société Corep lighting, représentée par Me Marçais, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Corep lighting a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la restitution d'un crédit d'impôt recherche pour des dépenses de collection engagées pour la société Corep au titre de l'année 2018.

Par un jugement n° 1906245 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 6 décembre 2021, le 24 juin 2022, le 26 avril 2023 et le 7 juin 2023, la société Corep lighting, représentée par Me Marçais, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1906245 du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt litigieux d'un montant de 200 000 euros ;

3°) d'assortir d'intérêts moratoires la restitution du crédit d'impôt litigieux ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 9 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a droit au crédit d'impôt recherche collection prévu par les dispositions du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts pour les dépenses exposées en 2018 par la société Corep au titre de son activité de création d'abat-jours en textile ;

- l'activité industrielle principale de la société Corep concerne la conception et la fabrication d'abat-jours en textile et cette activité relève du secteur textile ;

- l'administration ne peut se fonder sur le code " NAF " (Nomenclature d'activités française) ou APE (activité principale exercée) qui a été attribué par l'INSEE (n°2740Z " appareils d'éclairages électriques "), dépourvu de toute force probante pour refuser de lui accorder un crédit d'impôt recherche " collection " ; l'administration ne saurait également se fonder pour justifier son refus sur la circonstance que son extrait Kbis ne fait pas mention que ses abat-jours sont en tissu ;

- aucun texte n'impose que l'activité d'une entreprise soit exclusivement exercée dans le secteur du textile pour bénéficier du crédit d'impôt recherche " collection " ;

- elle a précédemment bénéficié du crédit d'impôt recherche " collection " en 2011 à hauteur de 137 847 euros ; en conséquence, compte tenu du fait que son activité demeure la même, et sans pour autant que cette décision ne constitue une prise de décision formelle opposable, c'est à tort que l'administration a rejeté sa demande.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 mai 2022, 5 avril 2023, 12 mai 2023 et 21 juin 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Edwige Michaud, rapporteure,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Marçais représentant la société Corep Lighting.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés Corep et Corep lighting font partie d'un groupe fiscalement intégré dont la société mère, seule redevable de l'impôt sur les sociétés, est la société Corep lighting. Par une décision du 14 novembre 2019, l'administration fiscale a rejeté la demande de la société Corep lighting du 10 octobre 2019 tendant à un remboursement de crédit d'impôt d'un montant de 200 000 euros pour les dépenses de collection engagées par la société Corep au titre de l'année 2018, sur le fondement du h du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Par une décision du 28 novembre 2019, l'administration fiscale a rejeté la réclamation formée par la société Corep lighting le 22 novembre 2019 à l'encontre de la décision du 14 novembre 2019. La société Corep lighting relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande de remboursement du crédit d'impôt recherche " collection " né en 2018.

Sur le crédit d'impôt sollicité :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir et définies comme suit : / 1° Les dépenses de personnel afférentes aux stylistes et techniciens des bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d'échantillons non vendus ; / 2° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la réalisation d'opérations visées au 1° ; / 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison de ces mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 p. 100 des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; / 4° Les frais de dépôt des dessins et modèles. / 5° Les frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 € par an ; ".

3. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert sur le fondement de ces dispositions aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections sont exposées en vue d'une production dans le cadre de cette activité. Revêtent un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises du secteur textile-habillement-cuir exerçant une activité de fabrication ou de transformation de biens corporels mobiliers qui nécessite d'importants moyens techniques. Par ailleurs, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-609 QPC du 27 janvier 2017, le crédit d'impôt " collections " est une aide sectorielle réservé aux seules " entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir ".

4. Il résulte de l'instruction que la société Corep, d'une part, exerce une activité de négoce de matériels électriques et d'éclairage fabriqués par d'autres entreprises, et d'autre part, fabrique des abat-jours en textile au sein de son atelier situé à Bègles. Dans cet atelier, travaillent 18 salariés de la société Corep, affiliés à la convention collective de l'industrie textile, et plus précisément concernant l'activité de création, une directrice de collection diplômée en modélisme, deux responsables design, deux designers qui réalise le design 3D des modèles et un ingénieur produit et concernant l'activité de prototypage, un directeur technique et qualité, un responsable qualité et un dessinateur CAO. Il résulte de l'instruction que la société Corep crée une collection chaque année et que durant l'année 2018, la société a créé 520 nouveaux modèles dont 311 ont été mis en production. Il ressort du dossier de demande du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2018 que la fabrication des prototypes est réalisée sur des machines de production industrielle, que des échantillons sont fabriqués après un prototypage réussi et qu'environ 60% des prototypes réalisés donnent lieu à une production industrielle. En outre, alors même que la fabrication d'abat-jours ne concerne que 36% du chiffre d'affaires global de la société Corep, le coût des achats de matières premières en tissu est le poste d'achats le plus conséquent de la société Corep, le textile entre majoritairement dans la fabrication des abat-jours tant au niveau du coût des matières premières que de l'apparence du produit et la société Corep engage plus de 700 000 euros de dépenses pour les nouvelles collections et conception de prototypes. Dans ces circonstances, eu égard à la nature de cette activité et aux conditions dans lesquelles elle est exercée, la société Corep doit être regardée comme une entreprise industrielle du secteur textile au sens de l'article 244 quater B du code général des impôts, quel que soit le code NAF sous lequel elle exerce son activité.

5. Ainsi, la société Corep lighting est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que la société Corep ne pouvait être regardée comme une entreprise du secteur textile-habillement-cuir et que ses dépenses exposées pour l'élaboration de nouvelles collections ne pouvaient bénéficier du crédit impôt recherche " collections " prévu par l'article L. 244 quater B du code général des impôts.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Corep lighting est fondée à obtenir la restitution du crédit d'impôt litigieux né en 2018 pour un montant non contesté de 200 000 euros.

Sur les intérêts moratoires :

7. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant les intérêts mentionnés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Dès lors, les conclusions de la société Corep lighting tendant au paiement de ces intérêts ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Corep lighting et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n°1906245 du 5 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la société Corep lighting remboursement d'une somme 200 000 euros correspondant à un crédit d'impôt recherche " collection " né en 2018.

Article 3 : L'Etat versera à la société Corep lighting une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Corep lighting est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Corep lighting et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle du Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2023.

La rapporteure,

Edwige Michaud

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04418
Date de la décision : 06/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MARÇAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-06;21bx04418 ?
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