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07/12/2023 | FRANCE | N°21LY02777

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 07 décembre 2023, 21LY02777


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge et la restitution de la somme de 35 479 euros qui lui a été réclamée par un avis de mise en recouvrement du 17 janvier 2017 portant sur des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés établies au nom de la société l'Héritage.



Par un jugement n° 1901385 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Gre

noble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge et la restitution de la somme de 35 479 euros qui lui a été réclamée par un avis de mise en recouvrement du 17 janvier 2017 portant sur des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés établies au nom de la société l'Héritage.

Par un jugement n° 1901385 du 30 juin 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2021 et 22 mars 2023, Mme A... C..., représentée par Me Tournoud, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge et la restitution de cette somme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'omissions à statuer et commis des erreurs de droit en jugeant que les moyens tirés ce qu'elle n'est pas la redevable légale ni la débitrice solidaire des impositions en cause et de ce que l'avis de mise en recouvrement est tardif relèvent du contentieux du recouvrement et en omettant de se prononcer sur la prescription de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- l'article L. 256 du livre des procédures fiscales est inapplicable et ne peut constituer la base légale de l'avis de mise en recouvrement dès lors qu'elle a été actionnée en qualité de caution de la société, qu'elle n'est ni la redevable légale, ni la débitrice solidaire des impositions en cause et qu'elle n'a pas été condamnée à l'exécution de la caution par le juge judiciaire ;

- les impositions visées par l'avis de mise en recouvrement sont atteintes par l'expiration du délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, l'expiration du délai de prescription des actions personnelles ou mobilières prévu à l'article 2224 du code civil et l'expiration du délai de prescription de l'action en recouvrement du comptable prévu à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales ;

- l'exécution forcée ne repose sur aucun titre exécutoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'arrêt n° 17LY01835 de la cour administrative d'appel de Lyon du 18 décembre 2018 ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Une note en délibéré présentée par Mme C... a été enregistrée le 16 novembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société l'Héritage, qui avait pour activité la restauration et la vente de meubles anciens, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, mises en recouvrement par voie de rôle le 30 novembre 2002, que l'administration a entrepris de recouvrer auprès de Mme B... C..., son ancienne gérante, qui s'était portée caution de la société le 15 juin 2003. Mme A... C..., déclarant agir au nom de la succession de Mme B... C..., relève appel du jugement du 30 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge et de restitution de la somme de 35 479 euros qui lui a été réclamée à ce titre par un avis de mise en recouvrement émis le 17 janvier 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, il ressort du dossier de première instance que Mme C... n'a pas soulevé devant les premiers juges le moyen tiré de ce que les impositions étaient prescrites en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Il en ressort également que le jugement s'est prononcé sur l'ensemble des moyens invoqués par l'intéressé dont il a écarté certains comme inopérants. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer.

3. D'autre part, s'il est soutenu que les premiers juges ont commis des erreurs de droit, de tels moyens ne relèvent pas de la régularité du jugement mais de son bien-fondé.

4. Il en résulte que les moyens tirés d'irrégularités entachant le jugement attaqué ne sont pas fondés.

Sur le bien-fondé des impositions assignées à la société l'Héritage :

5. Mme C... fait valoir qu'elle est recevable à contester le bien-fondé des impositions assignées à la société l'Héritage en sa qualité de personne s'étant obligée à payer les dettes fiscales d'un contribuable par la souscription d'un acte de cautionnement, qui l'engage à l'égard de l'administration fiscale et comporte l'énoncé des impositions dues. S'il résulte de l'instruction qu'elle a été destinataire d'une mise en demeure délivrée le 9 février 2017 pour avoir paiement des impositions visées dans l'avis de mise en recouvrement, ce qu'elle a fait par chèque encaissé le 14 février 2017, il y a lieu de considérer que, comme elle le soutient, le litige prenant appui sur cet avis de mise en recouvrement qu'elle a soumis au juge de l'impôt est un litige d'assiette et non de recouvrement.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret, selon les modalités prévues aux articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. ". Aux termes de l'article R.*256-2 du même livre : " Lorsque le comptable poursuit le recouvrement d'une créance à l'égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d'eux un avis de mise en recouvrement à moins qu'ils n'aient la qualité de représentant ou d'ayant cause du contribuable, telle que mentionnée à l'article 1682 du code général des impôts. "

7. Si l'administration n'est pas tenue d'adresser un avis de mise en recouvrement à la personne actionnée en qualité de caution, qui n'est pas un débiteur tenu conjointement et solidairement des impositions au sens de l'article R.*256-2 précité du livre des procédures fiscales, ni ces dispositions, ni celles de l'article L. 256 précité, qui, selon ses termes mêmes, s'applique aux " redevables " de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement incombe à un comptable public " lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité " ne s'opposent à ce que l'administration adresse à la personne actionnée en qualité de caution de la dette d'un tiers un avis de mise en recouvrement portant sur les impositions au paiement desquelles elle s'est engagée dans le cas où elles n'ont pas été acquittées par le débiteur légal ou le débiteur tenu solidairement ou conjointement au paiement en vertu d'une disposition légale. Ainsi, l'administration a pu, sans méconnaître l'article R.*256-2 du livre des procédures fiscales, adresser un avis de mise en recouvrement à Mme C..., mise en cause en sa qualité d'une caution qu'elle ne conteste pas, quand bien même aucune disposition législative ou réglementaire ne l'y obligeait. Par suite, les moyens de l'inapplicabilité de ces dispositions et du défaut de base légale de l'avis de mise en recouvrement en litige doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article 2250 du code civil, désormais reprises à l'article 2246, l'acte interruptif de prescription opposable au débiteur principal interrompt également le délai de prescription à l'égard de la personne qui s'est portée caution. Il n'est pas contesté que le rôle d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés a été établi au nom de la société l'Héritage, redevable légal de l'impôt, le 30 novembre 2002 et qu'il a ainsi interrompu la prescription d'assiette à cette date. Par suite, le moyen de Mme C... tiré de ce que les impositions assignées à la société l'Héritage seraient prescrites en application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. "

10. Mme C... ne conteste pas que le délai expirait le 25 février 2017. L'avis de mise en recouvrement ayant été émis le 17 janvier 2017, le moyen tiré de ce que l'action de l'administration serait prescrite en application de l'article 2224 du code civil doit être, en tout état de cause, écarté.

11. En quatrième et dernier lieu, un contribuable ne peut utilement invoquer la prescription de l'action en recouvrement du comptable chargé du recouvrement de l'imposition à l'occasion d'un litige d'assiette. Il en résulte que le moyen tiré de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales doit être écarté comme inopérant. Il en va de même du moyen tiré de l'absence de titre exécutoire préalablement à la procédure de recouvrement forcée qui relève du contentieux du recouvrement.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi que celles se rapportant en tout état de cause aux dépens.

Sur l'amende pour requête abusive :

13. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

14. En l'espèce, la requête de Mme C... présente un caractère abusif. Il y a lieu de condamner Mme C... à payer une amende de 2 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... est condamnée à payer une amende de 2 000 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02777
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-05-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Recouvrement. - Paiement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;21ly02777 ?
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