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07/12/2023 | FRANCE | N°23MA01973

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 07 décembre 2023, 23MA01973


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304512 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :r>


I. Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023 sous le n° 23MA01973, et un mémoire enregistré le 15 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304512 du 11 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023 sous le n° 23MA01973, et un mémoire enregistré le 15 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Henry, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas statué sur le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa demande ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6-1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 ;

- en lui refusant le droit au séjour, le préfet a méconnu les articles 7 et 7 bis - h) de l'accord franco-algérien du 27 septembre 1968 ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire ;

- les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les articles 2, 7 et 17 de la directive 2008/115/CE ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire a été prise en méconnaissance de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 octobre 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2023 sous le n° 23MA02433, Mme A..., représentée par Me Henry, demande à la Cour :

1°) de prononcer, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 3 avril 2023 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'exécution de la décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens d'annulation développés dans la requête au fond sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 octobre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les observations de Me Henry, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une requête n° 23MA01973, Mme A..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 11 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par une requête n° 23MA02433, l'intéressée demande au juge des référés de prononcer la suspension de l'exécution de la décision portant refus de séjour.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées concernent la situation d'une même requérante et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la requête n°23MA02433 :

3. Mme A... été admise à l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 octobre 2023. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 avril 2023 :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., née en 1964 et entrée en France à l'âge de 49 ans, qui réside habituellement en France depuis janvier 2013, a bénéficié d'un certificat de résidence algérien délivré en octobre 2016 et renouvelé à six reprises jusqu'en août 2022. Il ressort également des pièces du dossier que la requérante est divorcée depuis 2001, n'a pas de charges de famille, et que ses parents sont décédés. En outre, Mme A..., qui souffre d'une polyarthrite rhumatoïde sévère évolutive, a subi de multiples opérations à la suite d'une double arthroplastie des hanches, et se déplace en fauteuil roulant, bénéficie en France d'un traitement médical indispensable à son état de santé, et d'un suivi pluridisciplinaire, ainsi que d'un service d'accompagnement à la vie sociale. Ainsi, compte tenu des circonstances très particulières de l'espèce, alors que Mme A... indique ne plus avoir aucun lien avec ses demi-frères et demi-sœurs résidant en Algérie, l'arrêté attaqué a porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Le jugement en litige et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 avril 2023 doivent par suite être annulés.

Sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte refus de titre de séjour :

7. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation du jugement contesté et de l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de cet arrêté en tant qu'il porte refus de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à Me Henry, conseil de Mme A..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension de la requête n°23MA02433 de Mme A....

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée par Mme A....

Article 3 : Le jugement n° 2304512 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 avril 2023 sont annulés.

Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Henry une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat dans l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Henry, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

2

N° 23MA01973 - 23MA02433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01973
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SELARL HENRY TIERNY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;23ma01973 ?
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