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12/12/2023 | FRANCE | N°22NC02577

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 22NC02577


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2102199 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant

la cour :



Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Ouriri, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102199 du 6 janvier 2022, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Ouriri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 21 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; le jugement du tribunal, qui ne s'est pas prononcé à ce sujet, doit être annulé ;

- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est senti lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- cet avis ne précise pas les conséquences d'un défaut de soins ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet ne s'est pas assuré de l'existence de risques pour sa santé en cas d'éloignement ; il n'a pas interrogé les autorités albanaises et n'a pas procédé à son audition à cet égard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité albanaise, est entrée en France le 17 décembre 2018. Le 15 janvier 2019, elle a sollicité l'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Cette demande a été rejetée le 16 avril 2019. Le recours formé par l'intéressée devant la Cour nationale du droit d'asile a été rejeté le 25 juillet 2019. Mme A... s'est ensuite maintenue irrégulièrement en France alors qu'elle faisait l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle a obtenu un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 27 janvier 2019 au 26 juin 2020, dont elle a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 21 juin 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux. Le tribunal, qui n'avait pas à répondre aux arguments invoqués à l'appui de ce moyen, a suffisamment motivé son jugement sur ce point.

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

3. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale' d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. En premier lieu, la décision refusant de renouveler le titre de séjour dont bénéficiait Mme A... cite, notamment, l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et reprend les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII, indiquant que son état de santé nécessite une prise en charge médicale et qu'elle peut être soignée dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. Le préfet, qui doit être regardé comme s'étant approprié les termes de cet avis, sans s'être senti tenu de le suivre, a ainsi mentionné le motif justifiant le refus du titre de séjour sollicité par Mme A... sur le fondement de son état de santé, à savoir la disponibilité de traitements appropriés. Il a dès lors exposé, de manière suffisante, les circonstances de fait et de droit constituant le fondement de sa décision, alors même qu'il ne qualifie pas les conséquences qu'aurait un défaut de soin.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites par l'administration que, par un avis émis le 1er mars 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de Mme A... requiert une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risques. Le moyen tiré de ce que cet avis serait incomplet, en l'absence de précision sur les conséquences d'un défaut de soin, manque donc en fait.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la requérante a été victime d'un cancer du sein qui a été traité par une intervention chirurgicale, suivie d'une chimiothérapie et qu'elle doit encore, à la date de l'arrêté litigieux, prendre un traitement hormonal, à poursuivre pendant une durée de plusieurs années. Mme A... fait valoir, en s'appuyant sur une attestation émanant d'un médecin albanais, que le médicament qu'elle doit prendre n'est pas constamment disponible en Albanie sous la forme et le dosage qui lui est prescrit. Toutefois, cette attestation, censée avoir été rédigée par un praticien hospitalier, est dépourvue de tout cachet ou tampon et ne présente ainsi pas de garanties d'authenticité suffisante. De ce fait, mais aussi compte tenu de l'ambiguïté des termes dans lesquelles elle est rédigée, elle est insuffisante pour démontrer qu'un traitement approprié à Mme A... ne serait pas effectivement disponible dans son pays d'origine et remettre en cause la présomption résultant de l'avis de l'OFII. Dans ces circonstances, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

10. Compte tenu de ce qui précède s'agissant de l'existence de soins appropriés en Albanie, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet méconnaît ces dispositions. Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas interrogé sur les conséquences d'un éloignement vers ce pays au regard de son état de santé, étant précisé que le préfet n'avait pas à recevoir Mme A... pour l'interroger au sujet de sa santé ni à prendre l'attache des autorités albanaises pour s'assurer de l'existence de soins appropriés, contrairement à ce que fait valoir la requérante. De même, Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir de son état de santé pour soutenir que la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi méconnaitraient les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En cinquième lieu, Mme A... produit des attestations faisant état d'une insertion en France et elle justifie y avoir exercé une activité professionnelle. Toutefois, elle ne réside sur le territoire français que depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté litigieux et elle ne produit pas de documents suffisamment probants justifiant de la réalité et de l'ancienneté de la relation qu'elle indique entretenir avec un compatriote en situation régulière. L'intéressée, qui réside avec sa fille née en 2010 au sein d'un foyer d'accueil pour demandeurs d'asile, n'établit pas l'intensité des liens qui l'uniraient à sa sœur, dont elle invoque la présence en France. Dans ces conditions, ni le refus de séjour, ni la mesure d'éloignement ne portent au droit de l'intéressée au respect de sa privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard du but dans lequel ces décisions ont été prises. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ayant remplacé celles du 7° de l'article L. 313-11, ne peuvent ainsi qu'être écartés.

12. En sixième lieu, aucun des moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour n'étant fondé, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

13. En septième lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce précédemment rappelées, la mesure d'éloignement litigieuse n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation individuelle de l'intéressée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Sa requête doit, dès lors, être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

2

N° 22NC02577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02577
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;22nc02577 ?
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