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12/12/2023 | FRANCE | N°22NC02810

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 22NC02810


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 5 octobre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un j

ugement n° 2206620 du 21 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 5 octobre 2022 par lesquels la préfète du Bas-Rhin, d'une part, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2206620 du 21 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2022, M. F... C..., représenté par Me Thalinger, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206620 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 21 octobre 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 5 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation sous astreinte de cent cinquante-cinq euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, en cas de rejet de la demande d'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen réel, sérieux et approfondi de sa situation ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la préfète du Bas-Rhin ne pouvait légalement prendre à son encontre une mesure d'interdiction de retour dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant assignation à résidence a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... C... est un ressortissant kosovar, né le 20 février 1979. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 10 février 2021. Le 18 mars 2021, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juin 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 15 octobre 2021. L'intéressé ayant été interpellé le 5 octobre 2022 lors d'un contrôle routier, puis placé en retenue administrative pour vérification du droit au séjour, la préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant un an. Par un arrêté du même jour, elle l'a assigné à résidence dans le département du Bas-Rhin pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 5 octobre 2022. Il relève appel du jugement n° 2206620 du 21 octobre 2022, qui rejette sa demande.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il ne résulte, ni des motifs de la décision en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier, que la préfète du Bas-Rhin se serait abstenue de procéder, à l'aune des éléments dont elle avait connaissance, à un examen particulier et circonstancié de la situation familiale et personnelle de M. C..., y compris des conséquences de la mesure d'éloignement litigieuse sur les membres de sa famille. Contrairement aux allégations du requérant, il n'est pas établi que l'autorité administrative aurait été informée de ses problèmes de santé, alors que, assisté à cette occasion d'un interprète en langue kosovare, il a déclaré, lors de son audition en retenue pour vérification du droit au séjour du 5 octobre 2022, ne pas avoir de traitement médical en cours. Enfin, l'intéressé ne saurait utilement reprocher à la préfète du Bas-Rhin de ne pas avoir pris en considération l'attestation de demande d'asile en procédure accélérée délivrée à son épouse le 18 octobre 2022, une telle circonstance étant survenue postérieurement à l'édiction de la décision en litige. Par suite et alors même que Mme C... ne relevait plus de la " procédure Dublin " depuis le 1er octobre 2022, le moyen tiré du défaut d'examen manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

4. Ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte du procès-verbal de l'audition en retenue pour vérification du droit au séjour du 5 juillet 2022, signé par M. C..., un officier de police judicaire et un interprète en langue kosovare, que le requérant a déclaré ne pas avoir de traitement médical en cours. S'il fait valoir, tant en première instance qu'en appel, qu'il présente un syndrome de stress post-traumatique, ainsi que des cicatrices, des céphalées, des vertiges et des troubles visuels, qui seraient consécutifs à des mauvais traitements subis au Kosovo, il produit essentiellement au soutien de ses allégations deux certificats médicaux des 10 et 11 octobre 2022, établis postérieurement à la décision en litige par son médecin psychiatre et par son médecin traitant. En se bornant à décrire les pathologies de l'intéressé et le traitement mis en œuvre, à insister sur la nécessité d'un suivi médical, notamment neurologique et ophtalmologique, et à souligner les conséquences d'une exceptionnelle gravité, qui résulteraient d'une interruption des soins concernant ses troubles psychiatriques, ces documents, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne suffisent pas à démontrer qu'il se trouverait dans l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Par suite, et alors qu'il n'est pas établi que le stress post-traumatique de M. C... serait lié à des événements traumatisants vécus au Kosovo, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° du premier alinéa de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. M. C... se prévaut notamment de la présence en France de son épouse, de sa fille, née le 17 mars 2007, et de ses deux fils, nés les 12 mai 2008 et 2 novembre 2013, ainsi que de la scolarisation de ses enfants et de leur investissement dans les études. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré seul sur le territoire français, le 10 février 2021, à l'âge de quarante-et-un ans pour rejoindre sa famille arrivée plusieurs mois auparavant. En dehors de sa femme et de ses enfants, il ne justifie d'aucune attache familiale ou personnelle, ni d'ailleurs d'une intégration particulière, en France. Il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine, où vit notamment sa sœur. Les circonstances qu'il a travaillé comme maçon de mai à septembre 2022 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, qu'il a suivi des cours de français et qu'il est bénévole au sein d'une association ne suffisent pas à faire obstacle à l'édiction à son encontre d'une mesure d'éloignement. S'il fait valoir qu'une attestation de demande d'asile en procédure accélérée a été délivrée à son épouse le 18 octobre 2022, cette circonstance est postérieure à la décision en litige et il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de l'intéressée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 7 février 2023. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue au Kosovo, ni que les enfants du requérant, qui ont déjà vécu et étudié dans leur pays d'origine avant de venir en France, ne puissent y poursuivre une scolarité et une existence normales. Par suite et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de la méconnaissance de ces stipulations et de celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

7. En quatrième et dernier lieu, eu égard aux circonstances qui ont été analysées au point précédent, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 2 du présent arrêt, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.

10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...). ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui est entré irrégulièrement en France le 10 février 2021, s'est maintenu sur le territoire français nonobstant le rejet définitif de sa demande d'asile le 15 octobre 2021 et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il se trouvait ainsi dans l'un des cas où, en application des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin a pu regarder comme établi le risque de soustraction à la mesure d'éloignement et refuser ainsi à l'intéressé le bénéfice d'un délai de départ volontaire. A supposer même que la préfète ait considéré à tort que l'intéressé s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne présentait pas des garanties de représentation suffisante, faute de justifier d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision si elle s'était fondée exclusivement sur le premier motif. Par suite et alors que M. C... ne justifie pas de circonstances particulières de nature à écarter l'existence de ce risque de fuite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant fixation du pays de destination :

12. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée, " pour la préfète et par délégation ", par M. B... D..., chef du bureau de l'asile et de la lutte contre l'immigration irrégulière. Or, par un arrêté du 6 septembre 2022, régulièrement publié au recueil n° 36 des actes administratifs de la préfecture du 9 septembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a consenti à l'intéressé une délégation de signature à l'effet notamment de signer, sous l'autorité de M. A... E..., directeur des migrations et de l'intégration, et dans la limite de ses attributions, l'ensemble des décisions contenues dans les arrêtés en litige du 5 octobre 2022. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

14. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Si M. C... fait valoir qu'il a été involontairement témoin d'un meurtre et que, depuis, lui et sa famille ont été victimes de menaces et d'agressions de la part d'un groupe mafieux en lien avec le pouvoir, les éléments versés au dossier ne permettent pas de tenir pour établies ses allégations. Par suite et alors que, au demeurant, sa demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, cette dernière jugeant irrecevable son recours en l'absence d'éléments sérieux, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour en France :

16. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige a été prise par une autorité incompétente, de ce qu'elle est illégale en raison l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Au regard des circonstances de fait précédemment rappelées, les moyens tirés de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C... doivent également être écartés.

17. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

18. Il résulte des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, tenir compte des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Ainsi, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Par ailleurs, si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

19. D'une part, pour justifier le prononcé d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, la préfète du Bas-Rhin a retenu que M. C... a irrégulièrement gagné le territoire français, qu'il s'y maintient de façon irrégulière, qu'il ne démontre pas l'intensité de ses liens avec la France et qu'il n'a pas fait valoir des circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction de la décision en litige. Elle a ainsi suffisamment motivé cette décision au regard des critères énoncés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

20. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... justifierait de circonstances humanitaires susceptibles de faire obstacle à l'édiction de la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit également être écarté.

Sur la décision portant assignation à résidence :

21. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige a été prise par une autorité incompétente et, en tout état cause, de ce qu'elle serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire.

22. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". La décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 5 octobre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

N° 22NC02810 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02810
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : L'ILL LEGAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;22nc02810 ?
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