La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2023 | FRANCE | N°22NC03063

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 22NC03063


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203818 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt

e, enregistrée le 7 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203818 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Chebbale, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 9 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 550 euros TTC, à verser à son conseil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée, la motivation étant entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'elle a droit à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante kosovare née le 19 juillet 1997, est entrée en France irrégulièrement en décembre 2014 accompagnée de ses parents et frère et sœur. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 29 juillet 2016, décision qui a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 juillet 2017. Le 24 novembre 2017, elle a introduit une demande de réexamen qui a été déclarée irrecevable par l'OFPRA le 12 décembre 2017, ce que la CNDA a confirmé par une décision du 12 juillet 2018. Par un arrêté du 24 avril 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer à Mme A..., une attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant deux ans. Par un jugement du 6 juillet 2018, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, statuant dans le cadre des dispositions du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 28 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé l'arrêté contesté, a enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours. Par un arrêté du 20 octobre 2020, la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le tribunal a annulé cette décision par un jugement du 12 janvier 2021. Le 11 février 2021, Mme A... a sollicité son admission au séjour. Par un arrêté du 9 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour litigieux comporte un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. L'arrêté litigieux ne mentionne pas expressément que les précédentes décisions des 24 avril 2018 et 20 octobre 2020 ont été annulées, et indique que la durée du séjour en France de l'intéressée " ne s'explique que par le fait qu'elle n'ait pas exécuté les mesures d'éloignement prises à son encontre ", alors que ces dernières ayant été annulées, elles doivent être regardées comme n'ayant jamais été édictées. Toutefois, cet arrêté indique aussi que la requérante est entrée en France à l'âge de 17 ans et a passé l'essentiel de sa vie hors du territoire français, qu'elle ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre le cours de sa vie personnelle et familiale dans son pays de destination, que ses parents et ses frères majeurs font l'objet de refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français et qu'elle ne justifie pas de son intégration sociale, scolaire, ou professionnelle. Il résulte ainsi de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ces seuls éléments, de sorte que l'erreur de fait concernant l'existence de précédentes mesures d'éloignement peut être neutralisée et est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour en litige, comme d'ailleurs sur le caractère suffisant de la motivation de cette décision. Il ressort en outre de la rédaction de cet arrêté que l'administration a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale. Si Mme A... se prévaut de la durée de sa présence en France, elle ne s'est maintenue sur le territoire français que pendant le temps nécessaire à l'instruction de ses demandes d'asile puis de titre de séjour, sans avoir vocation à s'y établir de manière pérenne et sans jamais être titulaire d'un titre de séjour lui ouvrant droit à un séjour durable. Elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales au Kosovo, où elle a vécu pendant la plus grande partie de son existence et où la cellule familiale est susceptible de se reconstituer, les parents et frères majeurs de Mme A... n'étant pas en situation régulière mais ayant fait l'objet d'une mesure d'éloignement et les risques allégués en cas de retour n'étant pas établis. Au surplus, les seules circonstances, à les supposer établies, qu'elle parle français et a été scolarisée en France ne peuvent suffire à démontrer qu'elle a fixé ses attaches personnelles sur le territoire français, alors qu'elle ne justifie pas d'éléments caractérisant une intégration sociale substantielle sur le territoire français et qu'elle est célibataire et sans enfant. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la préfète du Bas-Rhin, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... et en l'obligeant à quitter le territoire français, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, aucune de ces deux décisions ne méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le refus de titre de séjour ne méconnaît pas davantage les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a droit à un titre sur le fondement de ces dispositions pour contester la légalité de la mesure d'éloignement. Dans les circonstances précédemment rappelées, la préfète n'a pas davantage entaché ses décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation, que ce soit au regard de l'exercice de son pouvoir de régularisation ou des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de la requérante.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1(...) ".

6. Il résulte de ce qui a été exposé au point 4 que la requérante n'établit l'existence d'aucune circonstance de nature à caractériser un motif exceptionnel ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que le refus de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

7. En quatrième lieu, aucun des moyens invoqués à l'encontre du refus de titre de séjour n'étant fondé, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

8. En cinquième lieu, la requérante évoque l'enlèvement et la séquestration dont elle aurait été victime dans son pays d'origine, ainsi que d'autres violences dont auraient fait l'objet les membres de sa famille. Toutefois, les pièces du dossier sont insuffisantes pour justifier qu'elle soit regardée comme établissant qu'elle serait exposée à des risques réels et personnels en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de renvoi et tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Sa requête doit, dès lors, être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeL'assesseur le plus ancien,

Signé : E. Meisse

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

2

N° 22NC03063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03063
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;22nc03063 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award