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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC00063

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC00063


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2202650 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.



Procédure devant la cou

r :



Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Dieye, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202650 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Dieye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 août 2022 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " Etudiant " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il dispose des moyens d'existence suffisants prévus par l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un courrier du 9 novembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, d'une part de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une méconnaissance du champ d'application de la loi dès lors que la situation de l'appelant est régie non par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais par la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 et l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal du 23 septembre 2006 et d'autre part de ce que la cour envisage, de surcroît, de procéder à une substitution de base légale.

Des observations en réponse au moyen d'ordre public, présentées pour M. A..., ont été enregistrées le 15 novembre 2023.

Des observations en réponse au moyen d'ordre public, présentées pour le préfet de

Meurthe-et-Moselle, ont été enregistrées le 14 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant sénégalais, né le 28 octobre 2002, est entré régulièrement en France, sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " étudiant ", le 28 août 2021. Il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour " étudiant " valable jusqu'au 9 août 2022. Le 13 juin 2022, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 26 août 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 1er décembre 2022 dont M. A... interjette appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 août 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 août 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. " Aux termes de l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le demandeur d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " doit produire au préfet un " justificatif de moyens d'existence suffisants (sauf pour les titulaires du visa de court séjour " étudiant concours "). Si l'étranger est " boursier du gouvernement français ou bénéficiaire de programmes européens ", il doit fournir : " un justificatif de cette situation " et s'il est boursier dans son pays d'origine : " l'attestation de bourse de l'organisme payeur du pays d'origine précisant le montant et la durée de la bourse ". Si l'étranger travaille, il doit transmettre ses trois dernières fiches de paie. S'il est pris en charge par un tiers, il doit produire le " justificatif d'identité du tiers ; les attestations bancaires de la programmation de virements réguliers ou une attestation sur l'honneur de versement des sommes permettant d'atteindre le montant requis (615 € mensuels). Enfin, si l'étranger dispose de ressources suffisantes, il transmet : " l'attestation bancaire de solde créditeur suffisant ".

3. Aux termes de l'article 9 de la convention du 1er août 1995 susvisée : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ". Aux termes de l'article 13 de la même convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". En vertu de l'annexe de la même convention les ressources suffisantes pour les étudiants non boursiers sont constituées par une somme au moins égale à 70 % de l'allocation d'entretien servie par le gouvernement français aux étudiants boursiers indépendamment des avantages matériels dont ils peuvent justifier, soit en l'espèce 430,50 euros mensuels.

4. Il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention du 1er août 1995 susvisée que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants sénégalais désireux de poursuivre leurs études supérieures en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, l'arrêté du 26 août 2022 ne pouvait légalement être pris sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

6. Il résulte de l'instruction que si la délivrance de l'un comme de l'autre titre de séjour dépend notamment de la possession par le demandeur de moyens d'existence suffisants, les deux textes fixent des seuils différents, celui prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant supérieur à celui fixé par les stipulations citées au point 3 ci-dessus. Alors que le refus de séjour litigieux est motivé, en fait, par la circonstance que l'intéressé ne justifie pas des 615 euros mensuels exigés par les dispositions citées au point 2, le préfet n'a pas demandé de substitution de motif. Dans ces conditions, une substitution de base légale étant insuffisante, à elle seule, à régulariser l'illégalité entachant le refus de titre de séjour litigieux, cette décision doit être annulée pour méconnaissance du champ d'application de la loi, les autres mesures édictées par l'arrêté contesté devant être annulées par voie de conséquence. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a refusé d'annuler l'arrêté du 26 août 2022.

Sur l'injonction :

7. L'exécution du présent arrêt, au regard de ses motifs, n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour, contrairement à ce que demande le requérant, mais seulement que la demande de titre de séjour de M. A... soit réexaminée à l'aune de la convention du 1er août 1995 susvisée. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire implique, quant à elle, que M. A... soit immédiatement muni d'une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer immédiatement cette autorisation et de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

8. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1 : Le jugement n° 2202650 du tribunal administratif de Nancy du 1er décembre 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 août 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. A... et de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour à l'aune de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

2

N° 23NC00063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00063
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : DIEYE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc00063 ?
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