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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC00179

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC00179


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement nos 2205242, 2205243 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.



M. A... B... a demand

é au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 août 2022 du préfet du Haut-Rhin portant ass...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2205242, 2205243 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 août 2022 du préfet du Haut-Rhin portant assignation à résidence.

Par un jugement nos 225593, 225594 du 20 octobre 2022, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00179 le 18 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) de transmettre, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, au Conseil d'Etat la demande d'avis dont il saisit la cour ;

3°) d'enjoindre à l'administration de communiquer les éléments sur lesquels s'est basé le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour estimer que le jeune C... peut être traité et pris en charge médicalement dans son pays d'origine, dont la fiche MedCOI ;

4°) d'annuler le jugement nos 2205242, 2205243 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 novembre 2022 en ce qui le concerne ;

5°) d'annuler la décision du 26 avril 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

6°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

7°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et, dans l'intervalle, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle, ou à titre subsidiaire de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre du seul article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et l'égalité des armes protégés par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la jurisprudence du Conseil constitutionnel et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction afin que l'administration verse au contradictoire le dossier médical du jeune C..., ainsi que les documents sur lesquels le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a fondé son avis ;

S'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation car il s'est fondé uniquement sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sans prendre personnellement en compte la situation sanitaire en Albanie ou l'accès effectif à un traitement approprié ;

- le préfet du Haut-Rhin a méconnu l'étendue de sa compétence en se contentant de reprendre l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il incombait au préfet du Haut-Rhin d'apporter la preuve de la disponibilité en Albanie du traitement du jeune C... ;

- les soins dont a besoin le jeune C... ne sont pas disponibles en Albanie ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet du Haut-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant du pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

II/ Par une requête, enregistrée sous le n° 23NC00187 le 19 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement nos 225593, 225594 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 octobre 2022 en ce qui le concerne ;

3°) d'annuler la décision du 26 avril 2022 par laquelle le préfet du Haut-Rhin l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxe sur la valeur ajourée au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que l'arrêté du 25 août 2022 est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français du 26 avril 2022, pour les moyens précédemment exposés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant albanais né le 3 novembre 1983, est entré en France selon ses dires le 3 octobre 2019. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté, le 31 décembre 2019, sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 18 mars 2021, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Le 24 juin 2020, M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 11° et L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Il a alors bénéficié d'autorisations provisoires de séjour valables jusqu'au 11 octobre 2021. Le 3 juin 2021, le requérant a sollicité le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour en application des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 avril 2022, le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement nos 2205242, 2205243 du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2022. Par un arrêté du 25 août 2022, le préfet du Haut-Rhin a assigné l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement nos 225593, 225594 du 20 octobre 2022, dont M. B... interjette également appel, le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande formée contre l'arrêté du 25 août 2022.

2. Les requêtes n° 23NC00179 et n° 23NC00187, présentées pour M. B..., ont trait à la situation de la même personne. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative :

3. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'État ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. ".

4. La faculté de transmettre le dossier au Conseil d'Etat pour avis prévue par les dispositions précitées constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. B... tendant à ce que la cour saisisse le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur une question de droit ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. /Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". L'article L. 425-9 du même code dispose : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...) " Selon l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. " Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) " L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) ".

6. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 425-10, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé de l'enfant du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui concernent son enfant mineur, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

7. Par suite, les premiers juges qui se sont estimés suffisamment éclairés par les pièces déjà versées au dossier, pouvaient ne pas demander la communication de l'entier dossier médical au vu duquel le collège des médecins a émis l'avis du 4 février 2022 ou les sources documentaires utilisées par le collège pour apprécier notamment la disponibilité effective d'un traitement en Albanie. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction, les premiers juges ont méconnu les principes du contradictoire, de l'égalité des armes et porté atteinte au droit à un procès équitable.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2022 :

8. En premier lieu, M. B... soutient que le préfet du Haut-Rhin n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation, au motif que celui-ci n'aurait pris en compte ni la situation sanitaire en Albanie ni l'existence ou la disponibilité effective du traitement approprié à l'état de santé du jeune C.... Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté que le préfet a pris en compte l'avis du 4 février 2022 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui estime que le jeune C... peut bénéficier d'un traitement approprié en Albanie. Il a également considéré que la décision édictée ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. De surcroît, il ressort des termes mêmes de l'arrêté que le préfet du Haut-Rhin s'est approprié l'avis du 4 février 2022, sans s'être cru tenu de le suivre. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. B..., les moyens tirés de l'absence d'examen particulier et de ce que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché sa décision d'une incompétence négative ne peuvent qu'être écartés.

9. En deuxième lieu, en application des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cités au point 5 ci-dessus, la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans ces conditions, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Dans son avis du 4 février 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé du jeune C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque.

11. Il ressort des pièces du dossier que le jeune C... souffre d'une paralysie cérébrale, d'épilepsie et d'un retard de développement. Les requérants justifient, par les différents certificats médicaux et ordonnances produits, que le jeune C... doit, en raison de ses pathologies, être pris en charge par une équipe pluridisciplinaire spécialisée en pédiatrie. Pour contester l'avis du 4 février 2022, M. B... se prévaut d'un extrait du site internet du ministère des affaires étrangères français ainsi que d'un rapport du comité européen des droits sociaux de 2017. Ces documents n'établissent pas que le jeune C... ne pourrait avoir effectivement accès à un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, qui n'est pas nécessairement équivalent à celui prodigué en France. Dans ces conditions, les éléments produits ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. M. B... soutient résider en France depuis trois ans, vivre avec son épouse et leurs deux enfants, bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et que l'état de santé de son fils C... s'oppose à tout éloignement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... ne réside en France que depuis moins de quatre ans, qu'il n'est ni établi ni même allégué que la cellule familiale ne puisse se reconstituer en Albanie, compte tenu notamment de ce qui a été dit sur la disponibilité des soins appropriés pour son fils, ou qu'il y serait dépourvu de toute attache personnelle ou familiale. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 26 avril 2022 n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi le préfet du Haut-Rhin, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... et en l'obligeant à quitter le territoire, n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

14. Il résulte en quatrième lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français comme de la décision fixant le délai de départ volontaire et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

16. Ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées qu'au regard de l'état de santé de l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Elles ne sauraient, par

elles-mêmes, faire obstacle à l'éloignement d'un étranger en raison de l'état de santé d'un de ses proches. L'appelant, qui évoque uniquement l'état de santé de son enfant et non son propre état de santé, ne peut donc utilement s'en prévaloir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

17. En sixième et dernier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 25 août 2022 :

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de l'arrêté du 25 août 2022 et tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 26 avril 2022 ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1 : Les requêtes de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Chevrier

2

Nos 23NC00179, 23NC00187


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00179
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc00179 ?
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