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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC00351

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC00351


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2208155 du 18 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Stra

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2208155 du 18 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis M. C... à titre provisoire à l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022 et a rejeté le surplus de conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2023, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 janvier 2023 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... devant le premier juge.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg ne pouvait prononcer l'abrogation d'une décision administrative et, de surcroit, l'introduction d'une demande de réexamen ne fait que suspendre l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français ;

- le jugement du 18 janvier 2023 est entaché d'une contradiction de motifs et d'insuffisance de motivation ;

- la magistrate désignée n'a fait que reprendre l'argumentation de M. C... ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 14 novembre 2022 :

- les moyens soulevés par M. C... devant le premier juge ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. C..., qui n'a pas produit de mémoire en défense dans la présente instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien né le 11 juillet 1974, est entré en France selon ses dires le 28 octobre 2021. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté, le 16 juin 2022, sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 9 décembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par un arrêté du 14 novembre 2022, le préfet du Bas-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 18 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a admis M. C... à l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé l'arrêté du 14 novembre 2022 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande, qui tendait également à ce que l'exécution de l'arrêté soit suspendue. La préfète du Bas-Rhin doit être regardée comme demandant à la cour d'annuler ce jugement, en tant qu'il annule l'arrêté du 14 novembre 2022.

2. Pour annuler l'arrêté litigieux, la magistrate désignée a estimé que la mesure d'éloignement était entachée d'erreur manifeste d'appréciation, en retenant que le requérant soutenait que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'était méconnu sur son identité, qu'il avait présenté une demande de réexamen et qu'il vivait avec une ressortissante géorgienne bénéficiaire du statut de réfugié qui a donné naissance à un enfant le 30 décembre 2022.

3. Toutefois, les pièces du dossier sont insuffisantes pour tenir pour établie, à la date de l'acte attaqué, la réalité de la relation de concubinage allégué. Si M. C... soutient avoir saisi l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de réexamen le 5 janvier 2023 et être le père d'un enfant né le 30 décembre 2022 d'une mère bénéficiant du statut de réfugié, qu'il a reconnu le 21 décembre 2022, il ne peut utilement se prévaloir à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de 14 novembre 2022 de circonstances postérieures de cet arrêté.

4. Par ailleurs, aucun élément probant n'est apporté au soutien des allégations selon lesquelles les décisions des autorités en charge de l'asile sont entachées d'une erreur matérielle puisqu'il a été confondu avec un homonyme. De plus, si le requérant évoquait également, au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, des risques en cas de retour dans son pays d'origine, ces considérations sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, qui ne désigne pas le pays de renvoi. Il suit de là que la préfète du

Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté litigieux en accueillant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif.

5. En premier lieu, M. A... B..., chef du bureau de l'asile et de la lutte contre l'immigration irrégulière de la préfecture du Bas-Rhin, a reçu par arrêté préfectoral du 4 octobre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Bas-Rhin le 7 octobre 2022, délégation de signature aux fins de prendre les mesures de la nature de celles contenues dans l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte litigieux doit être écarté.

6. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

7. M. C... soutient avoir dû quitter son pays de façon précipitée pour entrer dans la clandestinité en raison des risques que lui font courir les autorités géorgiennes. L'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en date du 16 juin 2022, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 décembre 2022, ne produit, à l'appui de ses allégations, aucune précision ni aucun justificatif susceptible d'établir qu'il court personnellement des risques en cas de retour dans son pays. Si l'intéressé soutient que les décisions des autorités en charge de l'asile sont entachées d'une erreur matérielle puisqu'il a été confondu avec un homonyme, il n'apporte, à l'appui de ses allégations, aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations précitées.

8. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 14 novembre 2022, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué.

9. Il est toutefois loisible au juge administratif, dans les motifs d'une décision par laquelle il rejette les conclusions d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, de relever, afin d'éclairer la portée de sa décision, que des circonstances postérieures à l'édiction de la décision attaquée font obstacle à l'exécution de cette décision et obligation au préfet de réexaminer la situation administrative de l'intéressé. En l'espèce, la naissance d'un enfant du requérant tel que précisé au point 3 ci-dessus constitue de telles circonstances.

D E C I D E :

Article 1 : L'article 2 du jugement n° 2208155 du 18 janvier 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Chevrier

2

N° 23NC00351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00351
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme STENGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc00351 ?
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