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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC00432

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC00432


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans



Par un jugement n° 2203301 du 24 novembre 2022, le magistrat désigné par le préside

nt du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans

Par un jugement n° 2203301 du 24 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Real, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles 75-I et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle n'entre pas dans le champ d'application du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle méconnaît le 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant au risque de fuite ;

S'agissant du pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît le 1 et le 2 du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que des circonstances humanitaires s'opposent à l'édiction d'une telle décision ;

- la durée de l'interdiction est disproportionnée et non justifiée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par une ordonnance du 12 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 août 2023.

Un mémoire, produit pour le préfet de la Côte-d'Or par Me Rannou, a été enregistré le 10 novembre 2023, après la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 4 décembre 2002, déclare être entrée en France en 2019. Elle a été confiée aux services de l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon du 22 septembre 2020 puis par un jugement du tribunal pour enfants du tribunal judiciaire de Dijon du 29 octobre 2020. Le 24 mars 2021, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 21 juin 2021, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par deux arrêtés du 21 octobre 2021, le préfet de la Côte-d'Or a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Il est constant que par un jugement du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les recours formés contre ces décisions. Par un arrêté du 15 novembre 2022, le préfet de

la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 24 novembre 2022 dont Mme B... interjette appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande formée contre cette décision.

Sur l'incompétence de l'auteur de l'acte :

2. Par un arrêté du 17 octobre 2022, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, le préfet de la Côte-d'Or a donné délégation de signature à M. Frédéric Carre, secrétaire général de la préfecture, aux fins de signer " tous arrêtés, décisions, (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département (...), à l'exception : des déclinatoires de compétences et arrêtés de conflit ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, en vertu de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous réserve des engagements internationaux de la France et hors le cas des ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire d'un document de séjour. Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Selon les dispositions de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Aux termes de L. 435-3 du même code : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. " Aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire ; / 2° Au plus tard la veille de son dix-neuvième anniversaire, pour l'étranger mentionné aux articles L. 421-22, L. 421-23, L. 421-26 à L. 421-29, L. 421-30 à L. 421-33, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-24 ou L. 426-1 ; / 3° Au plus tard, deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, s'il ne remplit pas les conditions de délivrance de l'un des titres de séjour mentionnés au 2°. (...) ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'un étranger mineur entré irrégulièrement en France doit, pour se conformer à l'obligation de possession d'un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire. Il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période. La circonstance que l'étranger ait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et puisse éventuellement se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", dans les conditions prévues à l'article L 435-3 précité, est sans incidence sur l'obligation pesant sur lui de présenter une demande de titre de séjour dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 24 mars 2021 soit plus de deux mois après son dix-huitième anniversaire. Par suite, contrairement à ce que soutient l'intéressée, le préfet de la Côte-d'Or a légalement pu l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. Le préfet de la Côte-d'Or, qui a mentionné dans son arrêté que Mme B... est en situation irrégulière sur le territoire, qu'elle n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, qu'elle est célibataire mais se déclare enceinte d'un ressortissant français et qu'elle est défavorablement connue des services de police, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de Mme B....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Mme B... soutient être entrée en France en 2019 alors qu'elle était mineure, avoir suivi une formation et être enceinte de six mois d'un enfant dont le père est un ressortissant français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la durée du séjour de l'intéressée trouve essentiellement son origine dans son refus d'exécuter une précédente mesure d'éloignement. Par ailleurs, si Mme B... verse un document qu'elle présente comme un engagement du père de l'enfant à reconnaître ce dernier, ce document rédigé sur papier libre n'est accompagné d'aucun document permettant d'en apprécier l'authenticité et est, de surcroît dépourvu de toute valeur juridique, aucun acte de reconnaissance n'ayant été produit. De surcroît, Mme B... ne peut utilement invoquer le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant précitée dès lors qu'il est constant que cet enfant n'était pas encore né à la date de l'arrêté en litige. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, l'arrêté litigieux du 15 novembre 2022 n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu, en tout état de cause le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Au regard des circonstances de fait précédemment mentionnées, Mme B... n'est pas non plus fondée à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

9. Aux termes de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; /(...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la décision contestée, après avoir visé les dispositions législatives et réglementaires applicables, mentionne que Mme B... ne peut justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et ne présente pas de garantie de représentation suffisante au motif notamment qu'elle n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement. Le préfet a ainsi suffisamment motivé la décision susvisée en fait et en droit.

11. D'autre part, dès lors que le refus de délai de départ volontaire n'est pas fondé sur des considérations relatives à l'existence d'une menace pour l'ordre public, la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle ne représente pas une telle menace. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déféré et s'est maintenue irrégulièrement en France. La seule circonstance que l'intéressée soit enceinte au jour de la décision litigieuse ne constitue pas une circonstance particulière au sens de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, il existe un risque qu'elle se soustrait à la décision du 15 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français, contrairement à ce que soutient Mme B.... Dans ces conditions, le préfet de la Côte-d'Or a pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions précitées.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressée est de nationalité marocaine, qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou à destination d'un autre pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou dans lequel elle est légalement admissible, et qu'elle n'établit pas que sa vie ou sa liberté est menacée ou qu'elle est exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de l'exécution de la décision. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation au regard des dispositions de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

13. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, " l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

15. Pour justifier le prononcé à l'encontre de Mme B... d'une interdiction de retour en France d'une durée de deux ans, le préfet de la Côte-d'Or a retenu que l'intéressée est défavorablement connue des services de police pour des faits de vol à l'étalage et de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, qu'elle se maintient irrégulièrement depuis la dernière mesure d'éloignement la concernant, prise le 21 juin 2021, qu'elle n'établit pas que le père de l'enfant qu'elle attend soit un ressortissant français. Par suite, le préfet s'étant prononcé au regard de l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut qu'être écarté.

16. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

17. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or se serait abstenu, comme le prétend Mme B..., de rechercher si des circonstances humanitaires s'opposaient à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français. Au regard des circonstances de fait mentionnées au point 8, aucune circonstance faisant obstacle à une telle mesure, dans son principe même, n'est établie.

18. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que la durée de l'interdiction serait disproportionnée comme le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus.

19. En cinquième et dernier lieu, Mme B... ne saurait utilement invoquer l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant pour les mêmes motifs que ceux invoqués au point 8 ci-dessus.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme B... à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

2

N° 23NC00432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00432
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc00432 ?
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