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12/12/2023 | FRANCE | N°23NC02039

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 décembre 2023, 23NC02039


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. F... D... et Mme A... D... née B... ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.



Par un jugement nos 2208540, 2208541 du 14 février 2023,

le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective.



Procédures devant...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. F... D... et Mme A... D... née B... ont demandé chacun au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement nos 2208540, 2208541 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, sous le n° 23NC02039, M. E..., représenté par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2208540, 2208541 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2023 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 21 juillet 2022 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement contesté est irrégulier dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- ce jugement est également entaché d'une insuffisance de motivation ;

- l'arrêté du 21 juillet 2022 est entaché d'un vice de procédure dès lors que le rapport du médecin instructeur était incomplet et n'a pas permis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de se prononcer en pleine connaissance de cause ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît également les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles doivent être interprétées à l'aune de la circulaire n° INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît encore les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, sous le n° 23NC02040, Mme A... D... née B... représentée par Me Burkatzki, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2208540, 2208541 du tribunal administratif de Strasbourg du 14 février 2023 en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 21 juillet 2022 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est irrégulier dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;

- ce jugement est également entaché d'une insuffisance de motivation ;

- en considérant à tort, au point 9 du jugement contesté, qu'elle avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des troubles cardiologiques et psychiatriques, les premiers juges ont commis une erreur de fait ;

- l'arrêté du 21 juillet 2022 méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles doivent être interprétées à l'aune de la circulaire n° INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cet arrêté méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il doit être annulé en raison de l'annulation par le tribunal administratif de l'arrêté du même jour concernant la mère de son époux, laquelle fait partie intégrante de leur cellule familiale ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été régulièrement communiquée à la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 23NC02039 et n° 23NC02040, présentées respectivement pour M. F... D... et pour son épouse, Mme A... D..., concernent la situation de membres d'une même famille d'étrangers au regard de leur droit au séjour en France. Elles soulèvent des questions analogues et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. et Mme D... sont des ressortissants arméniens, nés respectivement les 20 octobre 1974 et 13 avril 1975. Ils ont déclaré être entrés en France le 7 août 2014. Le 22 septembre 2014, ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 mai 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 7 décembre 2015. Après une demande d'admission au séjour du 11 octobre 2018 en raison de l'état de santé de M. D..., les requérants ont sollicité, le 3 février 2020, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 413-11 et sur celui de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Toutefois, par deux arrêtés du 21 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à ces demandes, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de leur éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. et Mme D... ont chacun saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 21 juillet 2022. Ils relèvent appel du jugement nos 2208540, 2208541 du 14 février 2023, qui rejette leur demande respective.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 741-8 du même code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. ".

4. Il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué a été signée par le président-rapporteur, par l'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau et par le greffier d'audience. La circonstance que l'expédition de ce jugement, qui a été notifiée aux parties appelantes, ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué ne serait pas conforme aux exigences de l'article R. 741 et du premier alinéa de l'article R. 741-8 du code de justice administrative manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

6. Il résulte des points 4 et 11 du jugement contesté que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments des parties, ont suffisamment répondu aux moyens tirés respectivement du défaut de motivation, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'erreur manifeste d'appréciation. Dans ces conditions, et alors même qu'il n'est pas fait mention de la présence en France de la mère de M. D..., les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce jugement serait irrégulier en raison d'un défaut de motivation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, Mme D... fait valoir que les premiers juges, en considérant à tort, au point 9 de leur décision, qu'elle avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour des troubles cardiologiques et psychiatriques, ont commis une erreur de fait. Toutefois, le tribunal ayant écarté ce moyen, une telle circonstance s'avère sans incidence sur la régularité du jugement contesté.

Sur le bien-fondé du jugement :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 425-2 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-1 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que le certificat médical confidentiel, établi le 13 juin 2019 par le médecin traitant de M. D..., après avoir indiqué que le patient a été opéré par " by-pass " le 28 juin 2018 et que, du fait d'une perte de poids de quarante kilos en trois mois, les comorbidités liés à son obésité pathologique évoluent favorablement, insiste sur la nécessité d'un suivi médical spécialisé afin de prévenir les risques de dénutrition. Dans ces conditions, contrairement aux allégations du requérant, le rapport médical mentionné à l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prend notamment soin de préciser que l'intéressé, dont l'état de santé connaît " une très bonne évolution depuis la chirurgie bariatrique en 2018 ", bénéficie d'un " suivi en cours avec supplémentation vitaminique ", n'a pas été de nature à induire en erreur le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans son appréciation de la disponibilité effective du traitement dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

11. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

12. Il ressort des pièces du dossier, spécialement de la demande de titre de séjour de M. D... du 3 février 2020, que l'intéressé n'a sollicité son admission exceptionnelle au séjour qu'au titre de la " vie privée et familiale " et qu'il se borne à faire état de sa promesse d'embauche comme chauffeur-livreur aux seules fins de justifier son intégration sociale. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin, qui mentionne l'existence de cette promesse d'embauche, rappelle de façon circonstanciée le parcours et la situation familiale et personnelle du requérant et conclut que celui-ci ne remplit pas les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé la décision en litige au regard des dispositions en cause. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent article par le service médical de l'office ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

14. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

15. Pour refuser de délivrer à M. D... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en réponse à sa demande formulée le 11 octobre 2018, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 7 août 2019. Selon cet avis, si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies. M. D... présente une obésité pathologique, responsable de troubles endocriniens et articulaires, d'insuffisance respiratoire et d'apnées du sommeil. S'il fait valoir qu'une intervention par " by-pass " a été préconisée pour augmenter son espérance de vie, il résulte du certificat médical confidentiel, établi le 13 juin 2019 par son médecin traitant, que cette opération a été réalisée avec succès le 28 juin 2018, entraînant une perte de poids de quarante kilos en trois mois et une évolution favorable des comorbidités liées à son obésité. Contrairement aux allégations du requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un suivi médical spécialisé, destiné à prévenir les risques de dénutrition, serait toujours nécessaire, ni que ce suivi ne pourrait pas être assuré en Arménie. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

17. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... sont arrivés en France le 7 août 2014 à l'âge de trente-neuf ans. En dehors de la mère du requérant, née le 29 mai 1954, ils ne justifient d'aucune attache familiale sur le territoire français. Ils n'établissent pas, ni même n'allèguent, être isolés en Arménie, où réside notamment leur fille majeure, née le 20 mai 1994. S'il est vrai que, par un jugement n° 2208542 du 14 février 2023, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 21 juillet 2022, pris à l'encontre de la mère de M. D..., et a enjoint la délivrance à l'intéressée d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", il est constant que celle-ci n'a été autorisée à séjourner qu'en raison de son état de santé et n'a pas vocation à demeurer durablement sur le territoire français. En outre, les requérants ne démontrent pas, par la seule production d'un certificat médical peu circonstancié du 27 février 2023, que leur présence à ses côtés serait indispensable eu égard à son état de santé. Enfin, les circonstances que M. D... est titulaire d'une promesse d'embauche, datée du 3 octobre 2019, en vue de l'occupation d'un emploi de chauffeur-livreur, que Mme D... suit des cours de français et qu'elle est bénévole au sein d'une association ne suffisent pas à leur conférer un droit au séjour en France. Par suite, et alors que l'article 8 ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et des dispositions citées au point précédent.

18. En cinquième lieu, eu égard notamment aux circonstances qui ont été analysées aux points 15 et 17 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces des dossiers que l'admission exceptionnelle au séjour de M. et de Mme D... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.

19. En sixième lieu, M. et Mme D... ne sauraient utilement se prévaloir de la circulaire n° INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui se borne à énoncer des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

20. En septième lieu, pour les motifs exposés précédemment, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que la préfète du Bas-Rhin, en refusant de les admettre au séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Par suite, ce dernier moyen doit être écarté.

21. En huitième et dernier lieu, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 17 du présent arrêt, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que les arrêtés en litige concernant les requérants doivent être annulés par voie de conséquence de l'annulation par le tribunal administratif de Strasbourg de l'arrêté du même jour pris à l'encontre de la mère de son époux.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés de la préfète du Bas-Rhin du 21 juillet 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande respective. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à Mme A... D..., née B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : V. Chevrier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

V. Chevrier

Nos 23NC02039, 23NC02040 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02039
Date de la décision : 12/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : BERARD JEMOLI SANTELLI BURKATZKI BIZZARRI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-12;23nc02039 ?
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