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13/12/2023 | FRANCE | N°22BX00995

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 13 décembre 2023, 22BX00995


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande du 26 décembre 2016 tendant à ce qu'il soit réintégré au sein des services de la collectivité sur la base d'un contrat à durée indéterminée, d'enjoindre à cette collectivité de procéder à sa réintégration et de la condamner à lui verser la som

me de 234 682,11 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.



Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande du 26 décembre 2016 tendant à ce qu'il soit réintégré au sein des services de la collectivité sur la base d'un contrat à durée indéterminée, d'enjoindre à cette collectivité de procéder à sa réintégration et de la condamner à lui verser la somme de 234 682,11 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1700008 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Saint Barthélemy a condamné cette collectivité à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour avant cassation :

Par un arrêt n°18BX01008 du 10 février 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et, statuant sur l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, a annulé ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par M. A..., et a rejeté la demande d'indemnisation de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy.

Par une décision n° 440051 en date du 30 mars 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été enregistrée sous le n°22BX00995.

Procédure devant la Cour après cassation.

Par des mémoires, enregistrés le 2 mai et 12 juin 2023, la collectivité de Saint-Barthélémy, représentée par la SELAS Cloix et Mendes-Gil, agissant par Me Cloix, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A... a eu un comportement fautif en conservant une clientèle personnelle entre 1997 et 2006 alors qu'il était agent contractuel de la collectivité ; il recourait aux services d'un agent de la collectivité pour exercer cette activité privée, laquelle était parfois contraire à ses intérêts ;

- la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée devait être demandée par M. A... au plus tard deux mois après l'expiration de ce contrat ; la réintégration ne peut avoir d'effet rétroactif ;

- ni le lien de causalité entre la faute et les préjudices invoqués, ni la réalité de ces derniers ne sont établie ;

- il doit être regardé comme responsable de certains de ces préjudices ;

- les préjudices tenant à la perte de chance et de primes ne sont pas certains.

Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2023, M. B... A..., représenté par Oppidum Avocats, agissant par Me Béguin, conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la collectivité de Saint-Barthélémy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'application rétroactive de la règle jurisprudentielle selon laquelle la demande de bénéfice d'un contrat à durée indéterminée doit avoir lieu dans les deux mois de l'expiration du contrat, issue de la décision du Conseil d'Etat du 27 novembre 2020 porterait atteinte au principe de sécurité juridique et au droit d'accès à un tribunal, en méconnaissance de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de non-renouvellement n'est pas définitive car la jurisprudence Czabaj ne peut davantage s'appliquer rétroactivement, sauf à méconnaitre l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La clôture de l'instruction a été fixée au 23 juin 2023 par une ordonnance du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n°2005-843 du 26 juillet 2005 ;

- la loi n°2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- les observations de Me Borde, substituant Me Cloix, pour la collectivité de Saint-Barthélémy.

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 septembre 1995, M. B... A... a conclu avec la commune de Saint-Barthélemy, devenue depuis lors la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, une convention de prestations de services, prenant effet au 1er août 1995, par laquelle il s'engageait à fournir à la commune des prestations de conseil et de rédaction juridiques ainsi que de gestion des contentieux. Cette convention a fait l'objet de renouvellements successifs jusqu'en 2006. Par un contrat conclu le 17 octobre 2006 sur le fondement de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, M. A... a été recruté par cette collectivité, pour une durée de trois ans à compter du 1er décembre 2006, afin d'exercer les fonctions de juriste non titulaire. Ce contrat a fait l'objet d'un renouvellement. Par un courrier du 10 juillet 2012, le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy a décidé de ne pas renouveler ce contrat arrivant à échéance le 30 novembre 2012, la collectivité lui reprochant des retards et absences injustifiées ainsi qu'un manque de rigueur dans le suivi des dossiers. M. A... a demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande du 26 décembre 2016, reçue le 28 décembre suivant, tendant à sa réintégration sur la base d'un contrat à durée indéterminée, d'enjoindre au président de cette collectivité de lui proposer un contrat à durée indéterminée et de la condamner à l'indemniser du préjudice subi du fait de son éviction. Par un jugement du 19 décembre 2017, ce tribunal a condamné la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy à verser à M. A... une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée et rejeté le surplus de sa demande. Par un arrêt du 10 février 2020, la Cour a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande et, statuant sur l'appel incident de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy, a annulé ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi, et a rejeté la demande d'indemnisation de M. A.... Le Conseil d'Etat a, le 30 mars 2022, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " À la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi (...) ". Aux termes de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique : " I. - Lorsque l'agent, recruté sur un emploi permanent, est en fonction à la date de publication de la présente loi ou bénéficie, à cette date, d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le renouvellement de son contrat est soumis aux conditions prévues aux septième et huitième alinéas de l'article 3 de la même loi. / Lorsque, à la date de publication de la présente loi, l'agent est en fonction depuis six ans au moins, de manière continue, son contrat ne peut, à son terme, être reconduit que par décision expresse pour une durée indéterminée ". L'agent concerné, s'il estime remplir, avant l'échéance de son contrat en cours, les conditions de transformation de ce dernier en contrat à durée indéterminée, peut, à défaut de proposition en ce sens adressée par l'autorité d'emploi, demander à cette dernière le bénéfice de cette transformation, et ce jusqu'à, au plus tard, deux mois après l'expiration de ce contrat.

3. D'une part, la règle de forclusion énoncée ci-dessus, qui se borne à tirer les conséquences de dispositions légales antérieures aux faits à l'égard desquels elle s'applique, et qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, ne porte pas rétroactivement atteinte au droit au recours et ne méconnaît pas l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Rien ne fait obstacle, dès lors, à ce que le juge administratif en fasse application au présent litige.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité sa réintégration sur le fondement de ces dispositions par un courrier du 26 décembre 2016, reçu le 28 décembre 2016, plus de deux mois après l'expiration de son contrat, arrivé à échéance le 30 novembre 2012. La collectivité territoriale de Saint-Barthélemy pouvait ainsi légalement lui en refuser le bénéfice, alors même que l'intéressé respecterait la condition de durée de services publics imposée par ces textes.

5. Par ailleurs, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision de refus de renouvellement de son contrat à durée déterminée, qui ne constitue pas la base légale de la décision attaquée, laquelle n'a pas davantage été prise pour l'application de cette décision.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. A... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur sa demande de réintégration sur la base d'un contrat à durée indéterminée ainsi que celle tendant à ce qu'il soit enjoint au président de cette collectivité de le réintégrer et de lui proposer un tel contrat.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

S'agissant du refus de renouvellement du contrat :

7. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie ni d'un droit au renouvellement de son contrat ni, à plus forte raison, d'un droit au maintien de ses clauses si l'administration envisage de procéder à son renouvellement. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler ou de proposer à l'agent, sans son accord, un nouveau contrat substantiellement différent du précédent, que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Dès lors qu'elles sont de nature à caractériser un intérêt du service justifiant le non renouvellement du contrat, la circonstance que des considérations relatives à la personne de l'agent soient par ailleurs susceptibles de justifier une sanction disciplinaire ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce qu'une décision de non renouvellement du contrat soit légalement prise, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

8. Il résulte de l'instruction que par une note de service datée du 1er juin 2011, une lettre d'avertissement du 23 novembre 2011 et un nouvel avertissement du 8 juin 2012, le président de la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy a notamment reproché à M. A... des absences et retards répétés et non autorisés. La circonstance que la note de service du 1er juin 2011 n'aurait pas été portée à la connaissance de l'intéressé, à la supposer établie, n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de ces manquements décrits dans ces documents. La réalité de ces absences et retard n'est nullement inconciliable avec le fait qu'une importante mission en Guadeloupe a été confiée à l'intéressé par cette même autorité en mars 2012, ou encore avec les félicitations adressées pour son travail dans la défense contentieuse de la collectivité le 12 novembre 2012, et ceux-ci pouvaient sans erreur manifeste d'appréciation fonder la décision de non-renouvellement du contrat. En outre, il n'est pas établi que cette décision aurait également été motivée par la volonté de la collectivité de ne conclure avec M. A... que des contrats de prestations de service et serait ainsi entachée de détournement de pouvoir.

9. Néanmoins, alors que les griefs formulés à l'encontre de M. A... revêtent un caractère disciplinaire, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait été mis à même de présenter des observations avant que ne soit prise la décision du 12 juillet 2012, notamment par l'organisation d'un entretien préalable. Les courriers adressés antérieurement à l'agent, qui ne mentionnent pas la sanction éventuellement encourue, ne sauraient tenir lieu de procédure contradictoire. En outre, M. A... n'a pas été mis à même de demander la communication de son dossier, en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905. Ces vices de procédure constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la collectivité de Saint-Barthélemy.

S'agissant de l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée :

10. Lorsqu'un agent invoque le bénéfice des dispositions précitées des articles 15 de la loi du 26 juillet 2005 et 21 de la loi du 12 mars 2012, il appartient au juge administratif de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de contrats antérieurs conclus sous la forme de conventions de prestations de services, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès de la même personne publique en qualité d'agent de celle-ci. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné.

11. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A... exerçait de fait, sous l'autorité directe de M. D..., maire de la commune puis président de la collectivité territoriale, les fonctions de responsable du service juridique de la collectivité. Il travaillait avec les moyens de cette collectivité et disposait d'un bureau personnel à l'hôtel de ville. Il a assuré la représentation de cette collectivité au sein de plusieurs commissions administratives et instances consultatives et recevait les convocations à des réunions, commissions et séances du conseil municipal, adressées par le maire. Il a au demeurant continué à exercer les mêmes fonctions dans les mêmes conditions lorsqu'il est devenu agent de la collectivité sous contrat à durée déterminée signé le 17 octobre 2006. Il percevait une rémunération mensuelle forfaitaire en qualité de prestataire et a perçu ensuite une rémunération équivalente lorsqu'il est devenu agent contractuel en 2006, ses frais professionnels ayant toujours été directement pris en charge par la commune. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme l'allègue la collectivité, M. A... aurait eu d'autres clients lorsqu'il travaillait pour le compte de celle-ci sous le statut de prestataire. Par ailleurs, la circonstance que M. A... aurait proposé ou accepté le recours au statut de prestataire en 1995 est sans incidence, dès lors qu'il convient de qualifier le contrat au regard de la consistance réelle du lien qui a uni les parties tout au long de ces années. Par suite, la collectivité de Saint-Barthélemy était l'employeur de M. A... lorsqu'ils étaient liés par une convention de prestations de services.

12. Il s'ensuit qu'au 14 mars 2012, date d'entrée en vigueur de la loi du 12 mars 2012, comme au 27 juillet 2005, date d'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, M. A... devait être regardé comme en fonctions dans la collectivité territoriale d'outre-mer de Saint-Barthélemy sur un emploi permanent et respectant la condition de durée de services publics effectifs fixée par ces deux textes. Par suite, en s'abstenant de lui proposer la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, la collectivité a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. La circonstance que M. A... n'a réclamé le bénéfice de ces dispositions que le 28 décembre 2016 n'est pas constitutif d'une faute de sa part de nature à exonérer son employeur de sa responsabilité.

S'agissant de l'exception de prescription opposée en première instance par la collectivité de Saint-Barthélemy :

13. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Et aux termes de l'article 11 de la même loi : " I. - Les dispositions de la présente loi sont applicables aux créances mentionnées à l'article 1er sur les collectivités (...) de Saint-Barthélemy, (...) ".

14. Le délai de prescription de la créance de M. A... née des fautes décrites précédemment, qui a commencé à courir le 1er janvier 2013, expirait le 31 décembre 2016 à vingt-quatre heures. Par un courrier daté du 26 décembre 2016 et reçu par la collectivité le 28 décembre suivant, M. A... a demandé l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de ce que la collectivité ne lui a pas proposé de contrat à durée indéterminée et a refusé de renouveler son contrat. Cette demande a ainsi interrompu le délai de prescription quadriennale. Dès lors, la collectivité de Saint-Barthélemy n'est pas fondée à soutenir que la créance dont se prévaut M. A... est prescrite.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

15. Il résulte de l'instruction que M. A..., alors âgé de 46 ans, justifiait, à la date d'expiration de son dernier contrat de recrutement le liant à la collectivité de Saint-Barthélemy, d'une ancienneté de services de dix-sept ans auprès de cette collectivité, et percevait à cette date une rémunération mensuelle d'environ 4 000 euros nets. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, il y a lieu de tenir compte des fautes commises par M. A... dans l'exécution de son contrat, lesquelles pouvait motiver la décision de ne pas renouveler le contrat. En outre, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir l'importance des troubles dans les conditions d'existence ou du préjudice moral subi. S'il est constant que l'intéressé a été en recherche d'emploi jusqu'au 1er juin 2015, bénéficiant de l'allocation de retour à l'emploi versée par la collectivité, il ne justifie ni de l'absence d'activité professionnelle depuis lors, ni de ses difficultés de recherche d'emploi. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en lui accordant pour solde de tout compte une indemnité de 30 000 euros, tous préjudices et intérêts compris à la date du présent arrêt.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a condamné la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy à ne lui allouer que la somme de 10 000 euros. Il convient de porter cette somme à 30 000 euros.

Sur les frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la collectivité territoriale la somme demandée par M. A..., au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 10 000 euros que la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy a été condamnée à verser à M. A... par le jugement du 19 décembre 2017 est portée à 30 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy du 19 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2023.

Le rapporteur,

Julien C...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet délégué auprès du représentant de l'État dans les collectivités territoriales de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00995 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00995
Date de la décision : 13/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : SELARL CLOIX & MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-13;22bx00995 ?
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