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14/12/2023 | FRANCE | N°23DA00953

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 14 décembre 2023, 23DA00953


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2207993 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, Mme C..., représentée par Me Sanjay Navy, demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2207993 du 1er mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mai 2023, Mme C..., représentée par Me Sanjay Navy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de l'admettre provisoirement au séjour avec l'autorisation de travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet ne pouvait lui refuser un titre de séjour sans avoir au préalable saisi la commission du titre de séjour, de sorte que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 octobre 2023.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Mme C..., ressortissante marocaine née en 1985, déclare être entrée en France le 27 mai 2012. Elle a sollicité, en dernier lieu, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 28 juillet 2022, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 1er mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme C... avant de prendre la décision contestée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la commission du titre de séjour doit être saisie par l'autorité administrative pour avis dès lors que cette dernière envisage de refuser l'octroi d'un titre de séjour à un ressortissant étranger qui justifie avoir résidé habituellement en France pendant plus de dix ans.

5. Si Mme C... soutient qu'elle réside en France depuis le 27 mai 2012, elle s'est bornée à produire, pour justifier de sa résidence habituelle sur le territoire français en 2012, la copie d'un billet d'avion électronique daté du 27 mai 2012, un bail d'habitation conclu le 1er mai 2012, soit avant son entrée alléguée en France, et établi au seul nom de celui qui était alors son époux, une attestation du bailleur, dont la date n'est pas lisible, indiquant que ce logement était également occupé par Mme C... et faisant au demeurant état d'une autre date de conclusion de ce bail, ainsi qu'un formulaire complété le 19 décembre 2012 par l'époux de Mme C... demandant le rattachement de cette dernière pour le bénéfice de l'assurance maladie.

6. Alors que la requérante n'a pas produit une copie de son passeport ou du visa qui lui aurait été délivré de nature à justifier du caractère effectif de son entrée alléguée sur le territoire français le 27 mai 2012, les éléments qu'elle a produits à l'instance sont, à eux seuls, trop peu nombreux et insuffisamment circonstanciés et probants pour démontrer la résidence habituelle de l'intéressée en France au cours de l'année 2012.

7. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres années, la requérante ne justifie pas, à la date du refus de titre de séjour le 28 juillet 2022, d'une résidence en France depuis plus de dix ans. Par suite, le moyen tiré de que l'arrêté attaqué serait entaché d'un vice de procédure en l'absence de la saisine de la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme C... fait valoir que depuis son entrée sur le territoire français, elle a noué des liens sociaux et amicaux en France et entretient depuis cinq ans une relation avec un ressortissant syrien bénéficiant du statut de réfugié.

10. Toutefois, d'une part, Mme C... a vécu la majeure partie de sa vie au Maroc où réside sa mère. Elle est divorcée depuis janvier 2014 et sans enfant. Si elle a demandé un premier titre de séjour en 2014 et si elle a obtenu une carte de séjour de février à août 2016 en raison de son état de santé, elle n'a pas exécuté une obligation de quitter le territoire français de juin 2017.

11. D'autre part, Mme C... ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, de l'ancienneté ni de la stabilité de la relation amoureuse qu'elle allègue entretenir. Si elle fait valoir qu'elle a travaillé en qualité d'agent de propreté depuis 2017 et qu'elle a participé à des activités bénévoles, elle ne justifie toutefois pas avoir exercé une activité professionnelle entre août 2018 et décembre 2020. En outre, hébergée dans une structure d'accueil, Mme C... ne justifie pas d'une insertion sociale particulière.

12. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ".

15. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

16. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, ces stipulations font obstacle à l'application aux ressortissants marocains des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles prévoient la délivrance d'un titre de séjour salarié.

17. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, Mme C... ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit au séjour en France au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

19. En l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Navy.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA00953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00953
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : NAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-14;23da00953 ?
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