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14/12/2023 | FRANCE | N°23MA01547

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 décembre 2023, 23MA01547


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300238 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, M. A... C..., représe

nté par Me Bissane, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 mai 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet du Var l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300238 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2023, M. A... C..., représenté par Me Bissane, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet du Var lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile eu égard à sa présence continue sur le territoire français depuis l'année 2003, à la circonstance qu'il y a établi le centre de sa vie privée et familiale depuis 2010, dès lors qu'il est père de deux enfants de nationalité française nés en 2011 et 2013, avec lequel il entretient des relations en milieu médiatisé ;

- le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnaît également les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la durée de sa présence sur le territoire justifiait de lui accorder un délai de départ volontaire.

La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité marocaine, demande l'annulation du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 24 janvier 2023 du préfet du Var qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne les éléments déterminants de la situation du requérant, dont son identité, ses date et lieu de naissance, la circonstance qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français à une date indéterminée, sans être en possession des documents et visas exigés par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, qu'il a effectué des démarches pour régulariser sa situation mais s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour et se trouve en situation irrégulière, et qu'il a fait l'objet d'un arrêté préfectoral portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire le 17 mai 2017 à laquelle il n'a pas déféré. Cet arrêté mentionne également que s'il est père de deux enfants français, le requérant n'apporte aucun élément prouvant qu'il contribue effectivement à leur entretien et à leur éducation depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans, et qu'il peut faire ainsi l'objet d'une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par ailleurs, qu'il ressort de l'examen de sa situation qu'il n'est pas en mesure de justifier de sa résidence habituelle depuis la date d'entrée alléguée et que, eu égard à la situation familiale qu'il déclare, il n'est pas porté un atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale du fait de cette absence de contribution, alors qu'il peut repartir dans son pays d'origine et revenir de manière régulière pour assurer la charge de ses enfants. Ledit arrêté précise encore que les dispositions de l'article L. 612-2 de ce code sont applicables à l'appelant, et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire dès lors qu'il s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, qu'il a expressément déclaré son intention de ne pas se conformer à cette obligation et qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. L'arrêté attaqué vise enfin et notamment, outre les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, les stipulations des articles 3 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée. Cet arrêté comporte donc les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour obliger M. C... à quitter le territoire sans délai. Le moyen tiré de sa motivation insuffisante doit donc être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. "

4. A l'appui de sa demande d'annulation, M. C... ne produit aucun élément démontrant qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ni même attestant qu'il entretiendrait avec eux une relation affective. Il a, pour ce motif, fait l'objet de deux refus d'admission au séjour assortis d'obligation de quitter le territoire, par deux arrêtés du 5 mars 2012 et du 17 mai 2017, sa requête à l'encontre de ce dernier arrêté ayant été rejetée, en dernier lieu, par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille n° 18MA02367 - 18MA02369 - 18MA02370 du 5 novembre 2018. Il n'établit pas davantage que, comme il l'allègue, il exercerait le droit de visite en milieu médiatisé dont il dispose, ni qu'il verserait à leur mère la pension alimentaire fixée par deux décisions du juge aux affaires familiales d'Aix-en-Provence du 13 mars 2013 et du 26 juin 2015. En outre, hormis pour la période comprise entre décembre 2015 et décembre 2016 durant laquelle il a bénéficié d'un titre de séjour et celle comprise entre janvier 2017 et janvier 2018 où il a été employé sur la base d'un contrat à durée indéterminée dans une société basée à Istres en qualité de monteur-sprinkleur, il ne démontre pas davantage une réelle insertion socio-professionnelle en France alors qu'il allègue une présence depuis près de 20 ans à la date de l'arrêté attaqué dont le caractère continu n'est au demeurant pas démontré par les relevés bancaires, les factures de téléphone et les quelques quittances de loyers composant, pour l'essentiel, les pièces jointes à sa requête. Enfin, M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc, où résident ses parents, ainsi qu'il l'a déclaré lors de son audition le 24 janvier 2023 à un agent de police judiciaire, à la suite d'un contrôle au titre de la vérification du droit de circulation ou de séjour. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Aux termes de l'article 9 de cette convention : " les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. C... n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants de nationalité française. Leur mère a au contraire déclaré dès le 30 septembre 2011 qu'il ne s'occupait pas de son enfant né le 30 janvier 2011, et, le 6 février 2017, qu'il ne versait pas la pension alimentaire fixée par deux ordonnances du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du 13 mars 2013 et du 26 juin 2015, comme cela ressort des motifs de l'arrêté du 17 mai 2017 cité au point 4. Ces circonstances ne sont contredites par aucune des pièces produites par le requérant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. "

8. Si le requérant soutient résider en France depuis plus de dix ans et que le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour, l'arrêté en litige ne se prononce pas sur le droit au séjour du requérant. Ce moyen ne peut dès lors qu'être être écarté.

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :/ (...) 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ;/ 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :/ (...) 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;/ 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;/ 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) "

10. Ainsi qu'il a été dit au point 2, l'arrêté litigieux a été pris aux motifs notamment qu'il existe un risque que M. C... se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire dès lors qu'il s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, qu'il a expressément déclaré son intention de ne pas se conformer à cette obligation et qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Il ressort des pièces du dossier que M. C... n'a pas déféré aux obligations de quitter le territoire dont il a fait l'objet, par les deux arrêtés du 5 mars 2012 et du 17 mai 2017 mentionnés au point 4, et qu'il a déclaré lors de son audition mentionnée au même point, à titre d'observations sur l'hypothèse d'une mesure d'éloignement prise à son encontre, qu'il ne voulait pas abandonner ses deux enfants. Le préfet était dès lors fondé à lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai en application des dispositions précitées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2023.

2

N° 23MA01547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01547
Date de la décision : 14/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : BISSANE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-14;23ma01547 ?
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