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15/12/2023 | FRANCE | N°21LY03884

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 15 décembre 2023, 21LY03884


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 10 407,20 euros en réparation de préjudices matériels et moraux consécutifs à un accident dont il a été victime le 14 juin 2017 sur la RD 1532.



Par un jugement n° 1902338 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de l'Isère à verser à M. B... une somme de 6 177,20 euros, outre

une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le département de l'Isère à lui verser la somme de 10 407,20 euros en réparation de préjudices matériels et moraux consécutifs à un accident dont il a été victime le 14 juin 2017 sur la RD 1532.

Par un jugement n° 1902338 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de l'Isère à verser à M. B... une somme de 6 177,20 euros, outre une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, le département de l'Isère, représenté par Me Pierson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902338 du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner M. B... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le département soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit et de fait en énonçant, pour retenir la responsabilité de la collectivité, que cette dernière avait autorisé des travaux de déboisement sur une parcelle privée et en se bornant à constater que ces travaux ont favorisé la propagation des éboulements alors que le département n'est pas le gardien de cette propriété privée et ne dispose d'aucune compétence pour en contraindre la gestion ;

- aucun défaut d'entretien normal de la route départementale n° 1532 et de ses dépendances ne peut lui être imputé ;

- subsidiairement, les violentes intempéries du 14 juin 2017 présentaient un caractère de force majeure l'exonérant de sa responsabilité ;

- les demandes indemnitaires de M. B... sont disproportionnées.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2022, M. A... B..., représenté par Me Schuld, conclut au rejet de la requête, à la condamnation du département à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral, une somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts pour absence d'exécution totale du jugement en litige, et une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... fait valoir que :

- le département ne démontre pas, par la seule pose d'une signalisation " chute de pierres " et la réalisation, en 2009, de travaux de purge de la zone, avoir procédé à un entretien normal de la voie, alors qu'informé des travaux d'exploitation forestière effectués au-dessus de cette voie, le président du conseil départemental n'a pas, dans le cadre de ses pouvoirs de police, assorti de prescriptions son arrêté de voirie du 15 mars 2017 ni vérifié la stabilité de la parcelle déboisée ni procédé à des travaux de sécurisation de la voie ; la responsabilité de la collectivité est ainsi engagée ;

- la force majeure ne peut pas être retenue ;

- le fait du tiers ne peut être utilement invoqué ;

- l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 5 000 euros est justifiée ;

- le département, qui lui a versé 7 401,28 euros, n'a pas exécuté en totalité le jugement en litige du 7 octobre 2021, restant devoir 750 euros ; cette inexécution justifie que lui soit allouée une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution volontaire du jugement.

L'instruction a été close au 25 octobre 2022 par une ordonnance du 3 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de voirie routière ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 20 novembre 2023 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Schuld représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 14 juin 2017 vers 17 h 30, un éboulement rocheux détaché de la paroi surplombant la route départementale n° 1532, point de repère 39.650, au lieudit " Bec de l'échaillon ", sur le territoire de la commune iséroise de Saint-Quentin-sur-Isère, a atteint le véhicule que conduisait M. A... B..., occasionnant des blessures légères au conducteur et d'importants dégâts au véhicule. En décembre 2018, M. B..., estimant que la responsabilité du département de l'Isère se trouvait engagée à raison de l'accident dont il a ainsi été victime, a sollicité auprès des services de la direction départementale des territoires de Voiron le versement d'une indemnité de 5 407,20 euros au titre de son préjudice matériel et d'une indemnité de 5 000 euros au titre de son préjudice moral. Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a condamné cette collectivité à lui verser une somme totale de 6 177,20 euros. Le département de l'Isère relève appel de ce jugement. M. B... quant à lui réitère sa demande indemnitaire de 5 000 euros au titre de son préjudice moral et demandant la condamnation du département à lui verser une somme de 500 euros au titre de de dommages et intérêts.

Sur le principe de la responsabilité :

2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

3. Il résulte du diagnostic géomécanique rédigé le lendemain de l'accident du 14 juin 2017, que la route départementale n° 1532 est, au lieu de cet accident, dominée par des niveaux d'une falaise calcaire s'élevant à 600 mètres, niveaux séparés par une vire boisée, et que le versant présente une pente raide favorable à la propagation des éboulements avec des vitesses importantes et des rebonds pouvant occasionner des trajectoires aériennes. Les blocs rocheux en partie supérieure qui ont endommagé le véhicule de M. B... ont été déchaussés par des mouvements de terrains et par une déstabilisation d'éboulis, eux-mêmes générés par des déracinement ou chute d'arbres abattus par les vents violents du 14 juin 2017, et leur propagation a été facilitée par des travaux de déboisement effectués en mars 2017 en pied de versant.

4. Il résulte de l'instruction que le département avait installé une signalisation propre à prévenir les usagers de la route départementale n° 1532 du risque de chute de pierres en provenance de la falaise en surplomb, laquelle avait fait l'objet d'une purge en 2009, et que la collectivité effectuait une surveillance régulière de cette voie, comme en témoigne le nettoyage de la chaussée recouverte de pierres, le 14 juin 2017, à 4 h 45, à 350 mètres du lieu de l'accident survenu le même jour en fin d'après-midi. Aucune autre chute de blocs rocheux n'ayant été précédemment recensée, rien ne laissait entrevoir la persistance d'un tel risque, même après de violentes intempéries, pour les usagers de la voie située en contrebas, risque que ne suffit pas à démontrer l'existence d'un plan général de prévention des risques mouvements de terrain, avec risque " chute de pierres et blocs ", couvrant le territoire de la commune de Saint-Quentin-sur-Isère. Le président du conseil départemental n'était par ailleurs pas tenu de vérifier spécialement la stabilité de la parcelle privée déboisée en mars 2017, travaux qui, contrairement à ce qu'a énoncé le tribunal, n'ont pas été autorisés de son fait, ni d'assortir de prescriptions son arrêté de voirie pris le 15 mars 2017, lequel n'a eu pour objet que de réglementer temporairement, du 15 au 24 mars 2017, les conditions d'accès à un chantier à partir de la route départementale, ni de réaliser des travaux supplémentaires de sécurisation de cette voie, comme la pose d'un filet de protection ou, comme envisagé par les services du département le lendemain de l'accident du 14 juin 2017, la réalisation d'un fossé et d'un merlon de terre au niveau du lieu de cet accident. Dans ces conditions, les conséquences dommageables de la chute des blocs rocheux survenue le 14 juin 2017 ne sauraient être imputées à un défaut d'entretien normal de la route départementale n° 1532, ni à une carence du président du conseil départemental de l'Isère dans l'exercice des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales auquel renvoie l'article L. 131-3 du code de la voirie routière.

5. Il résulte de ce qui précède que le département de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a déclaré responsable de l'accident survenu le 14 juin 2014 et l'a condamné à indemniser M. B.... Le présent arrêt annulant le jugement en litige du 7 octobre 2021, M. B... ne peut pas davantage prétendre au versement de dommages et intérêts pour absence d'exécution totale de ce jugement.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Isère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme réclamée par le département de l'Isère au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902338 du tribunal administratif de Grenoble du 7 octobre 2021 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de M. B... sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du département de l'Isère fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Isère et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,

M. Gros, premier conseiller,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

H. Stillmunkes

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 21LY03884 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03884
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages sur les voies publiques terrestres. - Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : M. STILLMUNKES
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : BERTRAND & CAYOL & THOMAS &PIERSON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;21ly03884 ?
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