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15/12/2023 | FRANCE | N°21VE00420

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 décembre 2023, 21VE00420


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ou à défaut d'enjoindre

au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ou à défaut d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail durant la période de réexamen, et enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1902680 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 février 2021 et le 20 novembre 2023, M. C... A..., représenté par Me Cukier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la décision juridictionnelle à intervenir, ou subsidiairement d'enjoindre au préfet compétent de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Cukier sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularités en ce qu'il a omis de statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant, pour dénaturation des faits et absence d'examen complet d'un mémoire ;

- l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis est entaché d'un vice de procédure, faute de justifier de ce que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) aurait rendu un avis daté du 8 juin 2018 en se fondant sur des informations relatives à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Bangladesh, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R.313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'OFII de leurs missions ;

- l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article L.212-3 du code des relations entre le public et l'administration, faute pour les médecins de l'OFII d'avoir personnellement signé l'avis du 8 juin 2018 ;

- la signature électronique des médecins n'a pas été recueillie conformément au référentiel de sécurité prévu par l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet a fait application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans une version qui n'était applicable à sa demande, déposée postérieurement au 1er janvier 2017 ;

- le préfet ne s'est prononcé que sur l'existence d'un traitement approprié au Bangladesh et non sur la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de retour sont illégales par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elles sont par ailleurs également entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elles emportent sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a produit aucun mémoire en défense.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations, enregistrées le 27 octobre 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Cozic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant bangladais, né le 25 septembre 1979, qui s'est vu délivrer trois titres de séjour temporaire pour raisons de santé entre 2013 et 2016, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de la Seine-Saint-Denis a, par un arrêté du 1er février 2019, rejeté cette demande, et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. M. C... A... fait appel du jugement n°1902680 du 28 novembre 2019 par lequel tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montreuil a omis de répondre au moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé par M. C... A..., tiré de l'existence d'une erreur de droit entachant l'arrêté du 1er février 2019, résultant de l'application par le préfet de la Seine-Saint-Denis des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans une version qui n'était plus applicable, sa demande de renouvellement de son titre de séjour ayant été enregistrée postérieurement au 1er janvier 2017. Le jugement du tribunal administratif de Montreuil est pour ce motif irrégulier. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens relatifs à sa régularité, il doit être annulé.

4. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er février 2019 :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement du titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision attaquée vise notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application. La décision litigieuse reprend en outre les termes de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, émis le 8 juin 2018, et fait également état des conditions de l'entrée et du séjour de l'intéressé en France, ainsi que des principaux aspects de sa vie privée et familiale, en France et dans son pays d'origine, notamment la circonstance que l'épouse de C... A... et leurs trois enfants résident au Bangladesh. Ainsi, la décision attaquée, qui n'avait pas à rappeler l'ensemble des éléments de la situation du demandeur, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est dès lors suffisamment motivée.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'examen de l'arrêté attaqué et notamment des mentions de fait précises y figurant, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a procédé à l'examen particulier de la situation de droit et de fait de M. C... A....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2017 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) " Aux termes du VI de l'article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, le 11° de l'article L. 313-11 précité, tel qu'il résulte du 3° de l'article 13 de ladite loi, entre en vigueur le 1er janvier 2017 et s'applique aux demandes présentées, comme en l'espèce, après cette date.

8. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) le médecin de l'office (...) transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. " Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant :/ a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 5 janvier 2017 : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office selon le modèle figurant dans l'arrêté du 27 décembre 2016 mentionné à l'article 2 ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire./ Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et III sont mis à disposition des médecins de l'office.

9. Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision. ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des mentions apposées sur le bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 8 juin 2018 au préfet de la Seine-Saint-Denis, que le rapport médical de M. C... A... a été rédigé le 29 décembre 2017, par le docteur B..., qui n'a pas siégé dans le collège ayant rendu son avis le 8 juin 2018. Le requérant n'apporte au soutien de son moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure sur ce point aucun élément ni aucune précision de nature à remettre en cause ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, en particulier des observations communiquées en appel par l'OFII, que le collège des médecins de l'OFII a fondé son avis sur différentes fiches issues de la base de données MedCoi (Medical Country of Origin Information), expressément mentionnée par l'annexe II de l'arrêté du 5 janvier 2017 précité, dont l'OFII a communiqué à la cour les références précises. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que les éléments sur lesquels l'avis du 8 juin 2018 a été rendu " ne seraient pas conformes à la réglementation en vigueur ".

12. Enfin, le requérant ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration relatives à la signature électronique, dès lors que celles-ci ne trouvent à s'appliquer qu'aux " décisions " de l'administration, et non à de simples " avis ", comme celui rendu par le collège de médecins de l'OFII le 8 juin 2018. Ainsi, la circonstance que ledit avis n'aurait pas été signé électroniquement au sens et dans les conditions prévues à l'article précité, est sans effet sur sa régularité. En outre, le nom et le prénom de chacun des médecins composant le collège est mentionné sur cet avis, ainsi que leur qualité, et un fac-similé de leurs signatures respectives, permettant d'établir de manière suffisamment probante et jusqu'à preuve du contraire, leur identité. La circonstance qu'en l'espèce deux versions du même avis ont été formalisées, comportant une modification sur l'ordre des signataires, le sens du fac-similé d'une des trois signatures et la qualité de l'un des signataires, ainsi que la mention, pour l'une seulement de ces versions, relative à une demande d'examen complémentaire, est sans incidence, dès lors que le contenu de l'ensemble des autres mentions de l'avis sont identiques dans les deux versions formalisées versées au dossier. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'avis du collège des médecins de l'OFII aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière.

13. En quatrième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour refuser de faire droit à la demande de M. C... A... tendant au renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a en particulier relevé de manière erronée le contenu de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 8 juin 2018. Cette erreur est toutefois sans incidence en l'espèce dès lors que cet avis, expressément mentionné dans l'arrêté attaqué et joint à celui-ci à l'occasion de sa notification à l'intéressé, mentionne expressément que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Par suite, le demandeur n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'une erreur de droit en faisant application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, dans une version qui n'était plus applicable à la demande de renouvellement de titre de séjour, enregistrée par l'intéressé le 13 novembre 2017.

14. En cinquième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

15. Le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est, pour refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité par M. C... A..., fondé sur l'avis du collège de médecins de l'OFII rendu le 8 juin 2018, indiquant que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Bangladesh. M. C... A... fait valoir qu'il souffre de plusieurs pathologies chroniques, respiratoires et métaboliques, dont un diabète traité par insuline, nécessitant des soins quotidiens. Il soutient notamment qu'en cas de retour au Bangladesh, il ne pourrait pas se voir prescrire deux médicaments en particulier, le Levothyrox, qui lui est prescrit sans substitution possible, pour le traitement de l'hyperthyroïdie, et le Januvia, un antidiabétique. Le requérant verse au dossier deux courriers des laboratoires fabriquant ces médicaments, indiquant qu'ils ne les commercialisent pas au Bangladesh. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des observations de l'OFII, que le Levothyrox est disponible à Dhaka, de même que de multiples antidiabétiques oraux, notamment de la sitagliptine, entrant dans la composition du Januvia, pour lequel il n'est pas allégué l'impossibilité d'une substitution par un médicament équivalent. Il ressort de ces mêmes pièces que l'insuline de longue durée d'action, le suivi diabétique par un endocrinologue, le suivi biologique, le suivi ophtalmologique sont également disponibles au Bangladesh. Si le requérant se prévaut du coût de ces traitements au Bangladesh, du manque de structures médicales, de la circulation sur le marché de médicaments périmés, et de l'absence de prestations sociales, ces éléments ne permettent toutefois pas en l'espèce d'établir que l'intéressé ne pourrait pas avoir un accès effectif au traitement dont il a besoin au Bangladesh. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en refusant le renouvellement de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions.

16. En dernier lieu, M. C... A... soutient être entré en France le 14 avril 2011 et y résider de manière habituelle depuis lors. Il justifie certes, par la communication de bulletins de paie, avoir exercé une activité professionnelle, mais sur certaines périodes seulement, entre mars 2014 et décembre 2015, ainsi qu'entre juin 2018 et janvier 2019. Il ne se prévaut d'aucune attache personnelle en France, ni ne conteste les mentions de l'arrêté attaqué selon lesquelles son épouse et leurs trois enfants vivent toujours au Bangladesh. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que celle-ci emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de retour :

17. Compte tenu des éléments mentionnés précédemment en réponse aux moyens dirigés contre la décision de refus de séjour, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire et le pays de retour seraient illégales en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elles se fondent, de même que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

18. Il résulte de ce qui précède que M. C... A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 1er février 2019, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fins d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... A... doivent être rejetées. Les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1902680 du 28 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... A... est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C... A..., à Me Cukier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Even, président de chambre,

Mme Aventino, première conseillère,

M. Cozic, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

H. COZICLe président,

B. EVENLa greffière,

I.SZYMANSKI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00420
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Hervé COZIC
Rapporteur public ?: M. FREMONT
Avocat(s) : CUKIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;21ve00420 ?
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