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15/12/2023 | FRANCE | N°22NT02614

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 15 décembre 2023, 22NT02614


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Grande Lande et M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté n°19 - DRCTAJ/1-354 du 27 juin 2019 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique le projet de réalisation de la zone d'aménagement concerté du centre-ville du Poiré-sur-Vie incluant notamment les parcelles cadastrées dont ils sont propriétaires, ainsi que l'arrêté n°19- DRCTAJ - 476 du 19 septembre 2019 par lequel le préfet a déclar

é cessibles les parcelles cadastrées section AE nos 302, 338, 91 et 92 dont la SCI Grande Land...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Grande Lande et M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté n°19 - DRCTAJ/1-354 du 27 juin 2019 par lequel le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique le projet de réalisation de la zone d'aménagement concerté du centre-ville du Poiré-sur-Vie incluant notamment les parcelles cadastrées dont ils sont propriétaires, ainsi que l'arrêté n°19- DRCTAJ - 476 du 19 septembre 2019 par lequel le préfet a déclaré cessibles les parcelles cadastrées section AE nos 302, 338, 91 et 92 dont la SCI Grande Lande est propriétaire ainsi que celles cadastrées section AE nos 99, 285 et 301 dont M. et Mme C... sont propriétaires.

Par un jugement nos 1909546, 1913522 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 août 2022, 27 mars 2023 et 27 avril 2023, la SCI Grande Lande et M. et Mme C..., représentés par Me Lhéritier, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) à titre principal, d'annuler les arrêtés du 27 juin 2019 et du 19 septembre 2019 du préfet de la Vendée et, à titre subsidiaire, d'annuler ces deux arrêtés en tant qu'ils incluent la parcelle AE n°338 dans le périmètre de l'expropriation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute ne comporte pas les signatures nécessaires ;

s'agissant de l'arrêté du 27 juin 2019 :

- le dossier d'enquête publique comporte une appréciation sommaire des dépenses insuffisante et comporte des lacunes sur la prise en compte des besoins en stationnements compte-tenu de l'utilisation majoritaire de la voiture en zone périurbaine et rurale ;

- la procédure d'enquête publique a eu pour effet de nuire à la bonne information du public dès lors que sa durée était insuffisante, que le dossier d'enquête publique n'a pas été mis en ligne, et que la publicité des avis d'ouverture de l'enquête a été insuffisante ;

- l'opération projetée ne répond à aucune finalité d'intérêt général dès lors qu'elle ne permet pas la revitalisation du centre-ville et s'inscrit en opposition aux objectifs définis dans la convention de maîtrise foncière conclue entre la collectivité et l'établissement public foncier de la Vendée ; elle aurait pu être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à des expropriations avec le seul projet de réalisation des logements collectifs et commerces face à la place du marché et à l'ouest de celle-ci ; l'aménagement prévu de la parcelle AE n° 338, qui consiste principalement en la création de logements individuels, ne représente qu'un intérêt limité ne justifiant pas l'expropriation ; l'expropriation des parcelles AE nos 338 et 304 porte une atteinte excessive au droit de propriété, tel que garanti par la Constitution et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le coût financier du projet est manifestement excessif au regard de l'intérêt de l'opération d'aménagement et de la situation financière de la collectivité et de l'absence de pression démographique et foncière sur la commune ; l'expropriation est sans rapport avec les objectifs de l'opération d'aménagement ; le réaménagement de la place du marché a déjà permis de revitaliser le centre-bourg et l'opération envisagée demeure ainsi excessive ; la création de maisons individuelles n'a pas pour but de permettre une diversification de l'habitat mais seulement de rendre l'opération plus intéressante financièrement ; le projet porte une atteinte excessive à la sécurité et la santé publique dès lors que ses effets sur les " besoins en stationnements n'ont pas été anticipés et s'inscrivent en contradiction avec les objectifs de densification et d'attractivité des commerces souhaités " ;

- l'augmentation exponentielle du coût des matières premières, de l'indice du coût de la construction des bâtiments et l'inflation, ainsi que la nouvelle réglementation thermique environnementale, a fait perdre toute crédibilité à l'absence de caractère excessif du coût global de l'opération et il convient d'apprécier la légalité de l'arrêté au regard des circonstances prévalant à la date où le juge statue ;

s'agissant de l'arrêté du 19 septembre 2019 :

- l'insuffisance de la publication et d'affichage de l'avis d'ouverture de l'enquête parcellaire les a privés d'une garantie ; le dossier d'enquête parcellaire ne leur a pas été notifié ;

- l'arrêté de cessibilité du 19 septembre 2019 est fondée sur une décision illégale du 27 juin 2019 de déclaration d'utilité publique.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 février et 28 avril 2023, l'établissement public foncier de la Vendée et la commune du Poiré-sur-Vie, représentés par Me Tertrais, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de la SCI Grande Lande et de M. et Mme C... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la SCI Grande Lande et M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Grande Lande et M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Lhéritier, représentant la SCI Grande Lande et M. et Mme C..., et D..., représentant l'établissement public foncier de la Vendée et la commune du Poiré-sur-Vie.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Grande Lande est propriétaire sur le territoire de la commune du Poiré-sur-Vie des parcelles cadastrées section AE nos 91, 92, 302 et 338, sur lesquelles est édifié un ensemble immobilier comportant des constructions à usage d'hôtel, bar et restaurant dont l'exploitation a cessé. M. et Mme C... sont propriétaires sur le même territoire des parcelles cadastrées section AE nos 99, 285 et 301. La commune a entrepris la réalisation d'une opération d'aménagement, de rénovation et de requalification de son centre-ville, sous la forme d'une zone d'aménagement concerté (ZAC). Par convention du 28 août 2017, modifiée par un avenant du 26 mars 2018, la commune a confié la mission de maîtrise foncière de l'opération à l'établissement public foncier (EPF) de la Vendée. Par un arrêté du 27 juin 2019, le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique le projet de réalisation de cette ZAC. Par un arrêté du 19 septembre 2019, le préfet a déclaré cessibles au profit de l'EPF de Vendée les immeubles dont l'acquisition serait nécessaire à la réalisation du projet, dont les parcelles appartenant à la SCI Grande Lande et à M. et Mme C.... Ces derniers ont demandé l'annulation des arrêtés des 27 juin et 19 septembre 2019. Ils relèvent appel du jugement du 4 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Dès lors, l'irrégularité alléguée manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 27 juin 2019 :

S'agissant de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation :

4. Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ". Aux termes de l'article R. 112-6 du même code : " La notice explicative prévue aux articles R. 112-4 et R. 112-5 indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement ".

5. En premier lieu, dans le cas de la création d'une zone d'aménagement concerté (ZAC), l'appréciation sommaire des dépenses doit inclure les dépenses nécessaires à l'aménagement et à l'équipement des terrains et, le cas échéant, le coût de leur acquisition. En revanche, les dépenses relatives aux ouvrages qui seront ultérieurement construits dans le périmètre de la zone n'ont pas à être incluses.

6. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que soit mentionnée, dans l'appréciation sommaire des dépenses, la situation financière de la commune porteuse du projet d'aménagement, pas davantage les honoraires et frais exposés pour assurer la défense des intérêts des porteurs du projet dans le cadre des instances passées, actuelles et futures visant sa contestation, contrairement à ce que soutiennent les requérants. D'autre part, le dossier d'enquête publique comprend une estimation sommaire des dépenses pour le projet de ZAC et fait état d'un coût total de 2 831 400 euros, dont 1 541 000 euros pour les acquisitions foncières, 250 000 euros pour les travaux de démolition et de dépollution et 1 040 400 euros pour les travaux d'aménagement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces coûts auraient fait l'objet d'une sous-évaluation manifeste à la date de l'enquête publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation doit être écarté.

7. En second lieu, les requérants soutiennent que le dossier d'enquête présente des lacunes s'agissant de la problématique du stationnement en centre-bourg. Toutefois, le document relatif aux caractéristiques principales des ouvrages les plus importants présente les caractéristiques essentielles du projet de ZAC. Il donne des chiffres suffisamment précis quant aux zones de stationnements envisagés et aux projets d'aménagements des voies de circulation routières et piétonnes. Il en ressort ainsi qu'une dizaine de places de stationnement public sera toujours offerte sur l'impasse de la Fournerie, que quelques places visiteurs seront à la charge des opérateurs immobiliers et réparties dans chacun des îlots aux abords des logements créés et qu'entre 38 et 57 stationnements privés seront créés pour les logements collectifs. En outre, la notice explicative, qui indique tenir compte des besoins en parking et des flux de circulation piétons en offrant des places de parking public complémentaires à celles situées sur la place du marché et existantes sur l'impasse de la Fournerie, comporte plusieurs schémas de visualisation du projet renseignant sur l'emplacement, la composition et les aspects extérieurs des ilots et fait état des zones de stationnement, ainsi que leur implantation dans le périmètre de l'opération déclarée d'utilité publique, permettant au public d'être informé sur les caractéristiques générales des ouvrages. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'articles de presse relatifs à d'autres communes, d'études à caractère général sur la revitalisation commerciale des centres-bourgs et les déplacements en voiture, et d'une déclaration au Sénat du secrétaire d'Etat à la ruralité sur la revitalisation des centres-villes du 10 juin 2021, pour justifier qu'aucune étude de faisabilité n'a été réalisée sur l'impact du stationnement pour l'opération projetée. Le moyen doit dès lors être écarté.

S'agissant du défaut de publicité suffisante :

8. Aux termes de l'article R. 112-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le préfet, après avoir consulté le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête, prévoit les conditions d'ouverture et de déroulement de l'enquête publique, par un arrêté, pris conformément aux modalités définies, selon les cas, à l'article R. 112-1 ou à l'article R. 112-2. / A cette fin, il définit l'objet de l'enquête, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée, qui ne peut être inférieure à quinze jours. (...) ". Aux termes de l'article R. 112-15 du même code : " Huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, l'avis prévu à l'article R. 112-14 est, en outre, rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans au moins toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération projetée doit avoir lieu. Cette mesure de publicité peut être étendue à d'autres communes. Son accomplissement incombe au maire qui doit le certifier ".

9. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une enquête publique n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Tel est notamment le cas s'il a eu pour effet de nuire à l'information et à la participation de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération.

10. D'une part, par arrêté du 18 mars 2019, le préfet de la Vendée a prescrit l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique. Cet arrêté a prévu que cette enquête se déroulerait du 29 avril 2019 au 15 mai 2019, soit pendant la période minimale de quinze jours prévue à l'article R. 112-12 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et en dehors des vacances scolaires qui ont eu lieu du 6 avril au 23 avril 2019 pour la zone B. Il a également été prévu que, pendant la durée de l'enquête, les dossiers relatifs à l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique seraient déposés à la mairie du Poiré-sur-vie, où ils resteront à la disposition du public aux jours et heures habituels d'ouverture de la mairie au public et que trois permanences seraient prévues durant le temps de l'enquête au siège de la mairie du Poiré-sur-Vie, les lundi 29 avril, samedi 11 mai et mercredi 15 mai. Si l'enquête publique comportait deux jours fériés, période propice au départ en congés de nombreux habitants permanents de la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance aurait fait obstacle à la consultation du dossier d'enquête et à la présentation d'observations par les personnes intéressées. De même, la circonstance que le commissaire-enquêteur a prolongé deux de ses trois permanences, la première de quarante minutes et la deuxième de trente minutes, pour permettre aux personnes s'étant déplacées de lui exposer l'intégralité de leurs observations ne saurait démontrer une insuffisante information du public. Le moyen tiré de l'insuffisance de la durée de la procédure d'enquête publique doit, par suite, être écarté.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'enquête publique, que l'avis portant ouverture de l'enquête publique prescrite par l'arrêté préfectoral du 18 mars 2019 relatif au projet a été publié à cinq emplacements différents de la commune du Poiré-sur-Vie, mairie, rue de la messagerie, impasse de la fournerie, rue du pavillon et place du marché, et a fait l'objet de publications dans la presse locale et régionale, ainsi que sur le site internet des services de l'État et de la préfecture de la Vendée. Le commissaire enquêteur a vérifié le 22 avril 2019 la réalité de cet affichage. En outre, le certificat du maire de la commune du Poiré-sur-Vie du 28 mai 2019, versé au dossier par le préfet, atteste qu'il a été procédé à l'affichage de cet avis du 19 avril au 15 mai 2019, soit huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête. L'affichage de l'arrêté du 18 mars 2019 a donc été régulier. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de publicité de l'avis d'ouverture de l'enquête publique doit être écarté.

S'agissant de la nécessité du recours à l'expropriation :

12. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune du Poiré-sur-Vie s'est engagée dans une politique de rénovation et de requalification de son centre-ville, qui se traduit par le projet de réalisation d'une ZAC, située à proximité immédiate de la place du marché et se déployant dans un prolongement logique vers l'habitat la côtoyant. Selon le rapport du commissaire-enquêteur, le taux de croissance démographique donne à la commune une dynamique et une logique propre en termes de demandes immobilières et le marché locatif est en tension, tout comme l'achat d'habitat, en particulier sur le périmètre de la place du marché. L'habitat de la commune est constitué majoritairement de maisons individuelles de type T4. L'essentiel des demandeurs sont des jeunes actifs à la recherche de logements de taille T3, intéressés par un marché immobilier plus accessible que celui de la ville de La Roche-sur-Yon, située à une quinzaine de kilomètres. Les seniors indépendants et autonomes, déjà situés sur la commune ou des communes avoisinantes, envisagent leur installation en centre-ville pour y bénéficier des services tout en gardant une qualité de vie optimale et s'orientent vers des habitations de préférence de plain-pied. Il existe, par ailleurs, dans la commune un parc social constitué de 273 logements à forte proportion individuels. 70% des demandeurs de ce type de logements sont des personnes seules ou en situation de famille monoparentale. Quant aux commerces existants au centre-ville, ce sont essentiellement des commerces de bouche et de services. Une partie des locaux destinés à les accueillir autour de la place du marché est vacante ou inexploitée. La commune y a entrepris des travaux de requalification afin de donner à son centre " un second souffle commercial " en améliorant notamment l'accessibilité des commerces. L'opération projetée vise donc à poursuivre l'objectif, fixé par le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays Yon et Vie, de production de 360 à 390 logements par an et de favoriser la mixité des formes urbaines et la mixité sociale avec une densification du centre-bourg. Or la place du marché, qui borde la mairie et se situe à proximité immédiate de l'église du Poiré-sur-Vie, constitue le cœur du centre urbain ancien. Le périmètre de la ZAC de 6 567 m2, situé au nord de cette place, englobe des îlots bâtis dégradés ou de faible intérêt architectural, destinés à être démolis, et des terrains nus, dont les parcelles cadastrées section AE nos 302, 338, 91 et 92 appartenant à la SCI Grande Lande ainsi que celles cadastrées section AE nos 99, 285 et 301 appartenant à M. et Mme C.... Les objectifs assignés à l'opération par ses promoteurs consistent, selon la notice explicative, à remanier et déployer les fonctions urbaines, désenclaver le site et valoriser le patrimoine paysager ainsi que les espaces publics. La ZAC est ainsi destinée à accueillir, dans sa partie nord-ouest, une résidence de logements à vocation sociale pouvant prendre la forme d'une résidence à destination des personnes âgées, sous la forme d'une construction en R+2, dans sa partie sud-ouest des constructions à usage principal d'habitat, sous la forme de petits collectifs en R+2+attique avec des locaux commerciaux en rez-de-chaussée, et, dans sa partie est, des constructions à usage d'habitat, de type habitat individuel, sous la forme de maisons groupées ou de lots libres. La ZAC devrait ainsi permettre la création de 500 à 600 m2 de surface commerciale et de services et de 40 à 50 logements dont environ 35% en locatif social, le reste étant en marché libre. Le projet prévoit également la requalification d'une impasse existante, la création, dans la partie est du périmètre, d'une voie en impasse permettant l'accès aux maisons individuelles et se poursuivant en voie piétonne suivant un axe est/ouest, enfin, l'aménagement en cœur d'îlots d'espaces publics pouvant accueillir du mobilier de repos ainsi qu'une aire de jeux. Les requérants ne justifient pas, contrairement à ce qu'ils soutiennent, que le nombre de commerces existant dans le centre-ville est suffisant pour la population de la commune, que les jeunes actifs ne sont pas intéressés par un habitat proche du centre-bourg, pas davantage que la création d'une voie de liaison douce serait inadaptée aux habitudes de déplacement de la population alors que celle-ci s'inscrit en cohérence avec la problématique des déplacements autour du pôle d'habitat rénové. Il résulte de ce qui précède que les objectifs poursuivis par l'opération litigieuse, de revitaliser le centre-ville tout en offrant à des prix maîtrisés un habitat adapté aux attentes diversifiées, répondent à une finalité d'intérêt général.

14. En deuxième lieu, pour contester la nécessité de recourir à l'expropriation, les requérants soutiennent que d'autres parcelles appartenant à la commune auraient permis de réaliser l'opération projetée dans des conditions équivalentes. Toutefois, le projet de réalisation de la ZAC a été élaboré en tenant compte du cumul de caractéristiques tenant à sa position stratégique pour le dynamisme du centre-ville, à la possibilité d'envisager un maillage de cheminements doux permettant de désenclaver ce site et de connecter les quartiers situés à l'ouest et à l'est du site et de la place du marché, à la possibilité de concevoir une offre d'habitat, de locaux commerciaux et de services optimisée au sein d'un programme bâti répondant aux exigences du SCoT et du PLU, et à l'absence de contrainte patrimoniale et environnementale. La notice explicative souligne d'ailleurs que le positionnement des parcelles au nord de cette place se justifie notamment tant par l'état global moyen des constructions vouées à un renouvellement urbain que par leur faible exploitation à usage commercial ou d'habitat. Ainsi, le périmètre défini comprend des bâtiments désaffectés et des terrains nus. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une autre localisation de la zone d'aménagement concerté aurait permis d'atteindre ces objectifs. En outre, la circonstance, à la supposer établie, que la commune aurait réalisé récemment des opérations immobilières à proximité de la place du marché est sans incidence sur la nécessité de recourir à l'expropriation dans le cadre de l'opération projetée.

15. En troisième lieu, il ressort également des pièces du dossier que la parcelle AE n° 304 est un terrain non bâti, à 60 mètres de la place du marché, et a vocation à accueillir la réalisation d'un lot de trois maisons individuelles groupées, d'un lot d'une maison individuelle et d'une petite partie d'un îlot de quatre ou cinq maisons individuelles groupées majoritairement implanté sur la parcelle adjacente AE 338. En outre, cette parcelle permet l'aménagement d'un espace paysager public et l'aménagement d'une voie routière en impasse permettant de desservir les futurs lots à bâtir qui seraient privés d'accès à défaut, ainsi que l'aménagement d'une liaison douce dans le prolongement de cette impasse afin d'assurer une connexion entre les espaces habités et les espaces publics tout en maintenant une sécurité pour les usagers, notamment les piétons. L'inclusion des parcelles AE n° 304 et AE n° 338 dans le périmètre d'expropriation n'est ainsi pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

16. En dernier lieu, d'une part, le moyen tiré de ce que le coût de l'opération litigieuse est excessif compte tenu de la situation financière dégradée de la commune du Poiré-sur-Vie, que les requérants reprennent en appel sans apporter de nouveaux éléments, doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 21 du jugement attaqué.

17. D'autre part, ainsi qu'il a été indiqué au point 13, l'opération en cause revêt un caractère d'utilité publique. Selon les articles L. 311-1 et suivants du code de l'expropriation, l'expropriant notifie le montant des indemnités allouées, qui couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. En conséquence, l'arrêté contesté n'a, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit de toute personne au respect de ses biens.

18. En outre, les requérants ne peuvent utilement invoquer l'augmentation exponentielle du coût des matières premières, de l'indice du coût de la construction des bâtiments et l'inflation, ainsi que la nouvelle réglementation thermique environnementale, à la date du présent arrêt, pour demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 27 juin 2019.

19. Enfin, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'opération en cause porte une atteinte excessive à la sécurité et à la santé publique en ce qu'elle " aura inévitablement pour conséquence un stationnement anarchique puisque les effets du projet en besoin de stationnement n'ont pas été anticipés et s'inscrivent en contradiction avec les objectifs de densification et d'attractivité des commerces souhaités " compte-tenu de ce qui a été dit au point 7.

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 19 que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération projetée ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.

En ce qui concerne l'arrêté du 19 septembre 2019 :

21. En premier lieu, l'arrêté du 27 juin 2019 n'étant pas annulé, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 19 septembre 2019 doit être annulé par voie de conséquence.

22. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 131-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " I. - Le préfet territorialement compétent définit, par arrêté, l'objet de l'enquête et détermine la date à laquelle elle sera ouverte ainsi que sa durée qui ne peut être inférieure à quinze jours. Il fixe les jours et heures où les dossiers pourront être consultés dans les mairies et les observations recueillies sur des registres ouverts à cet effet et établis sur des feuillets non mobiles, cotés et paraphés par le maire. Il précise le lieu où siégera le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête. Enfin, il prévoit le délai dans lequel le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête devra donner son avis à l'issue de l'enquête, ce délai ne pouvant excéder un mois. (...) ". Aux termes de l'article R. 131-5 du même code : " Un avis portant à la connaissance du public les informations et conditions prévues à l'article R. 131-4 est rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet, dans les conditions prévues à l'article R. 112-16. Cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. / L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire et doit être certifié par lui. / Le même avis est, en outre, inséré en caractères apparents dans l'un des journaux diffusés dans le département, dans les conditions prévues à l'article R. 112-14. ". L'article R 112-14 dudit code prévoit que : " Le préfet qui a pris l'arrêté prévu à l'article R. 112-12 fait procéder à la publication, en caractères apparents, d'un avis au public l'informant de l'ouverture de l'enquête dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans tout le département ou tous les départements concernés. Cet avis est publié huit jours au moins avant le début de l'enquête. Il est ensuite rappelé dans les huit premiers jours suivant le début de celle-ci. (...) ". L'article R. 112-15 de ce code prévoit que : " Huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, l'avis prévu à l'article R. 112-14 est, en outre, rendu public par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans au moins toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération projetée doit avoir lieu. Cette mesure de publicité peut être étendue à d'autres communes. / Son accomplissement incombe au maire qui doit le certifier. ".

23. Il ressort des pièces du dossier que l'enquête parcellaire a été conduite concomitamment à l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique. Par l'arrêté du 18 mars 2019, le préfet de la Vendée a prescrit que l'enquête parcellaire se déroulerait du 29 avril 2019 au 15 mai 2019, soit pendant la période minimale de quinze jours prévue à l'article R. 131-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et en dehors des vacances scolaires, qui ont eu lieu du 6 avril au 23 avril 2019 pour la zone B. Il a également été prévu que, pendant la durée de l'enquête, les dossiers relatifs à l'enquête parcellaire seraient déposés à la mairie du Poiré-sur-Vie, où ils devaient rester à la disposition du public aux jours et heures habituels d'ouverture de la mairie au public et que trois permanences étaient prévues durant le temps de l'enquête au siège de la mairie du Poiré-sur-Vie, les lundi 29 avril, samedi 11 mai et mercredi 15 mai. Si l'enquête parcellaire s'est déroulée durant une période comportant deux jours fériés, période propice au départ en congés de nombreux habitants permanents de la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance aurait fait obstacle à la consultation du dossier d'enquête et à la présentation d'observations par les personnes intéressées. En outre, il ressort du rapport d'enquête publique que l'avis portant ouverture de l'enquête parcellaire du 18 mars 2019 relatif au projet a été publié à cinq emplacements différents de la commune du Poiré-sur-Vie, mairie, rue de la messagerie, impasse de la fournerie, rue du pavillon et place du marché, et a fait l'objet de publications dans la presse locale et régionale, notamment le 15 avril 2019 au sein de l'édition Vendée du journal Ouest France et le 30 avril 2019, ainsi que sur le site internet des services de l'État et de la préfecture de la Vendée. Le commissaire enquêteur a vérifié le 22 avril 2019 la réalité de cet affichage. En outre, le certificat du maire de la commune du Poiré-sur-Vie du 28 mai 2019, versé au dossier par le préfet, certifie qu'il a été procédé à l'affichage de cet avis du 19 avril au 15 mai 2019, soit huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête. L'affichage de l'arrêté du 18 mars 2019 a donc été régulier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 22 doit être écarté.

24. En dernier lieu, le moyen tiré de l'absence de notification régulière du dossier d'enquête parcellaire, que les requérants reprennent en appel sans apporter de nouveaux éléments, doit être écarté par adoption des motifs retenus aux points 27 à 29 du jugement attaqué.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Grande Lande et M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la SCI Grande Lande et de M. et Mme C... une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public foncier de la Vendée et à la commune du Poiré-sur-Vie au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Grande Lande et de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : La SCI Grande Lande et M. et Mme C... verseront solidairement une somme totale de 1 500 euros à l'établissement public foncier de la Vendée et à la commune du Poiré-sur-Vie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Grande Lande, à M. et Mme B... et A... C..., à la commune du Poiré-sur-Vie, à l'établissement public foncier de la Vendée et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02614
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : CLOT LHERITIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22nt02614 ?
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