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15/12/2023 | FRANCE | N°22NT03725

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 15 décembre 2023, 22NT03725


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 du préfet de la région Normandie lui infligeant une amende administrative de 34 008 euros en raison d'infractions à la réglementation des exploitations de cultures marines.



Par une ordonnance n° 2101247 du 5 octobre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 décembre 2022 et 14 septembre 2023, Mme B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 du préfet de la région Normandie lui infligeant une amende administrative de 34 008 euros en raison d'infractions à la réglementation des exploitations de cultures marines.

Par une ordonnance n° 2101247 du 5 octobre 2022, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 décembre 2022 et 14 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Margerie, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 5 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2020 du préfet de la région Normandie.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que le moyen tiré du défaut de motivation était manifestement infondé ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne comporte pas l'énoncé des éléments de faits, relatifs en particulier au coût locatif et au prix des poches d'huîtres, sur lesquels s'est fondé le préfet pour déterminer le montant de la sanction.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 septembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la demande de Mme B... en première instance était irrecevable, dès lors qu'elle a été présentée après l'expiration du délai de recours ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu :

- le code des relations entre le public et les administrations ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Catroux,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du contrôle, le 2 mai 2019, de la concession mytilicole ... d'une surface de 42,78 ares accordée sur le domaine public maritime à Mme B..., ostréicultrice, les agents assermentés du pôle cultures marines de la direction départementale des territoires et de la mer du département de la Manche ont dressé le 29 juillet 2019 un procès-verbal à l'encontre de l'intéressée. L'engagement d'une procédure de sanction administrative a été notifié à Mme B... par un courrier du 29 juillet 2019 pour infraction à la réglementation de l'exploitation d'un établissement de cultures marines consistant en la pratique, sur une concession mytilicole, de l'élevage d'huîtres avec la présence de structures à cet effet. Après que Mme B... a présenté ses observations orales le 10 décembre 2019, le préfet de la région Normandie lui a infligé, par un arrêté du 16 juin 2020, une amende administrative de

34 008 euros en raison d'infractions à la réglementation des exploitations de cultures marines constatée à son encontre, à savoir la pratique, sur une concession mytilicole, de l'élevage d'huîtres et l'exploitation sur une concession expirée depuis le 13 octobre 2018. Par une ordonnance du 5 octobre 2022, dont Mme B... relève appel, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté, sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à annulation de l'arrêté du 16 juin 2020 au motif qu'elle ne comportait qu'un moyen de légalité externe manifestement infondé.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une première part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...)/ 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. D'une deuxième part, aux termes de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime : " Indépendamment des sanctions pénales qui peuvent être prononcées et sous réserve de l'article L. 946-2, les manquements à la réglementation prévue par les dispositions du présent livre, les règlements de l'Union européenne pris au titre de la politique commune de la pêche et les textes pris pour leur application, y compris les manquements aux obligations déclaratives et de surveillance par satellite qu'ils prévoient, et par les engagements internationaux de la France peuvent donner lieu à l'application par l'autorité administrative d'une ou plusieurs des sanctions suivantes: / 1° Une amende administrative égale au plus : / a) A cinq fois la valeur des produits capturés, débarqués, transférés, détenus, acquis, transportés ou mis sur le marché en violation de la réglementation, les modalités de calcul étant définies par décret en Conseil d'Etat ; / b) A un montant de 1 500 € lorsque les dispositions du a ne peuvent être appliquées. / Lorsque la quantité des produits capturés, débarqués, détenus, acquis, transportés ou mis sur le marché en violation de la réglementation est supérieure au quintal, l'amende est multipliée par le nombre de quintaux de produits en cause. / (...) Les montants d'amende mentionnés aux a et b peuvent être portés au double en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans. (...) ".

4. D'une dernière part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et les administrations : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2°) infligent une sanction (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'autorité qui inflige une sanction doit, à ce titre, indiquer, soit dans sa décision elle-même, soit par référence à un document joint ou précédemment adressé à la personne sanctionnée, outre les dispositions en application desquelles la sanction est prise, les considérations de fait et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour décider du principe et du montant de la sanction infligée.

5. Si l'arrêté contesté mentionne les faits pour lesquels le préfet a infligé à Mme B... la sanction en litige et s'il fait état de ce que 1 417 poches à huîtres réparties sur

250 tables avaient été dénombrées lors du constat de l'infraction, il ne permet toutefois pas de comprendre à laquelle des hypothèses énumérées par les dispositions précitées de l'article L. 946-1 du code rural et de la pêche maritime se rattache la situation de l'intéressée, dans quelle mesure le montant de la sanction infligée se rapporte à l'un ou l'autre des manquements reprochés ni quels sont les éléments de calcul, tels que le coût locatif et le prix de vente des poches d'huîtres, sur lesquels s'est fondé le préfet pour déterminer le montant de l'amende. Mme B... n'a, dès lors, pas été mise à même de comprendre ce montant à la seule lecture de la décision en litige ou des documents auxquels cette décision se réfère, à savoir le procès-verbal de constatation d'infraction du 27 juillet 2019 et la lettre du 29 juillet 2019 lui notifiant la procédure de sanction. Par suite, l'arrêté contesté étant insuffisamment motivé, Mme B... est fondée à soutenir que le tribunal a commis une irrégularité en rejetant cette requête comme ne comportant qu'un moyen de légalité externe manifestement infondé.

6. En second lieu, toutefois, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

7. Il est constant que l'arrêté contesté du 16 juin 2020, qui comportait la mention des voies et délais de recours a été envoyé le 27 juillet 2020 à l'adresse de Mme B..., .... Pour établir que cet arrêté a été régulièrement notifié à l'intéressée, le préfet avait produit en première instance l'avis de réception postal qui comporte la mention " Présenté/Avisé le 28/07/2020 " et indique que le pli a été retourné à son expéditeur avec le motif " Pli avisé et non réclamé ". Mme B... soutient qu'elle n'a pas été avisée de la réception de ce pli, dès lors qu'il a été présenté à l'adresse de sa belle-sœur, qui se nomme également Mme B... et réside à .... Toutefois, les seules circonstances que sa belle-sœur ait effectivement été destinataire, à plusieurs reprises à sa propre adresse de courriers adressés à la requérante et que la prise en charge du pli en cause aurait été assurée par des agents intérimaires, connaissant mal le secteur desservi, ne suffisent pas à l'établir, eu égard à la valeur probante qui s'attache à l'avis postal dont se prévaut l'administration. Par suite, la demande de Mme B... a été enregistrée au greffe du tribunal après l'expiration du délai de recours et, était, dès lors, manifestement irrecevable.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la Première ministre.

Une copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. Vergne, président-assesseur,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

X. CATROUX

La présidente,

C. BRISSON

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne à la Première ministre en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT037252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03725
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : DOREL-LECOMTE-MARGUERIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22nt03725 ?
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