La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2023 | FRANCE | N°23NT01490

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 19 décembre 2023, 23NT01490


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Loire-Atlantique au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire a autorisé Me Delaere, mandataire judiciaire de la société à responsabilité limitée (SARL) Vendoise, à la licencier pour motif économique.

Par un j

ugement n°1910588 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Loire-Atlantique au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire a autorisé Me Delaere, mandataire judiciaire de la société à responsabilité limitée (SARL) Vendoise, à la licencier pour motif économique.

Par un jugement n°1910588 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, Mme A..., représentée par Me David, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 mars 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 2 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Loire-Atlantique a autorisé Me Delaere, mandataire judiciaire de la société Vendoise, à la licencier pour motif économique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de licenciement est irrégulière et méconnait les dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail : la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit rappeler que le salarié peut se faire assister d'un conseiller du salarié et indiquer les adresses de la mairie et de la direction départementale du travail où le salarié pourra se procurer la liste des conseillers du salarié, or la convocation à l'entretien préalable à son licenciement ne comporte ni l'adresse de la direction départementale, ni celle de la mairie ;

- la décision de l'inspectrice du travail est illégale, dès lors que l'activité et l'ensemble des biens matériels et immatériels de la société Vendoise ont été transférés à la société JBCD dès le 1er juillet 2019, caractérisant une reprise de l'activité de l'entreprise, impliquant un transfert de son contrat de travail à un nouvel employeur, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

Un mémoire en défense a été enregistré le 31 octobre 2023 pour la SCP Delaere, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Vendoise, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., salariée de la société à responsabilité limitée Vendoise, située à Saint-Herblain, exerçait une activité de vente au détail et de vente ambulante de tous objets en matière plastique, articles de cuisine, articles ménagers et cadeaux. Cette société a été la concessionnaire de la marque " Tupperware " dans les départements de la Loire-Atlantique et du Morbihan. Le 5 juillet 2019, la société Vendoise a saisi le tribunal de commerce de Nantes aux fins de déclaration de cessation de paiements et d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. En l'absence de comité d'entreprise et de délégués du personnel au sein de cette société, une élection d'un représentant de ses salariés a été organisée, en application de l'article L. 621-4 du code de commerce dans sa version alors applicable. Mme A... a été ainsi élue le 9 juillet 2019 par les salariés de la société pour les représenter dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. Le 10 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nantes a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Vendoise et fixé au 10 janvier 2018 la date de cessation des paiements. Par ce même jugement, Me Delaere, associé de la société civile professionnelle (SCP) Delaere, a été désigné comme liquidateur de la société Vendoise. Par un courrier du 22 juillet 2019, il a demandé à l'inspection du travail de l'unité départementale de la Loire-Atlantique au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) des Pays de la Loire l'autorisation de licencier Mme A... pour motif économique. Cette autorisation a été délivrée à Me Delaere le 2 août 2019. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 mars 2023 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable ". L'article L. 1232-4 du même code dispose : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition ". Selon l'article R. 1232-1 du code du travail : " La lettre de convocation (...) rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié ". Aux termes de l'article D. 1232-5 de ce même code : " la liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture. Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie ".

3. Il résulte de ces dispositions que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner les modalités d'assistance du salarié applicables en fonction de la situation de l'entreprise. A ce titre, lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié doit préciser cette possibilité et préciser l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. Toutefois, la procédure n'est pas entachée d'irrégularité s'il est établi que le salarié a été pleinement informé, en temps utile, des modalités d'assistance auxquelles il avait droit, en fonction de la situation de l'entreprise, pour son entretien préalable.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 19 juillet 2019. La lettre de convocation comportait la mention suivante : " Pour cet entretien, vous avez la possibilité de vous faire assister soit d'un membre du personnel, soit par l'une des personnes inscrites sur la liste préfectorale prévue à cet effet et dont vous pouvez obtenir un exemplaire auprès de la Mairie ou de la DIRRECTE ". Il est constant que cette lettre de convocation ne précisait pas l'adresse des services dans lesquels la liste des conseillers du salarié, choisis sur une liste dressée par l'autorité administrative, est tenue à la disposition du salarié. Dans ces conditions, Mme A... n'a pas été pleinement informée des modalités d'assistance auxquelles elle avait droit, en fonction de la situation de l'entreprise pour son entretien préalable et elle a été privée d'une garantie. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la procédure de licenciement est irrégulière et méconnait les dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la requérante qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 mars 2023 et la décision du 2 août 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Loire-Atlantique au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Pays de la Loire a autorisé Me Delaere, mandataire judiciaire de la société à responsabilité limitée (SARL) Vendoise, à licencier Mme A... pour motif économique sont annulés.

Article 2 : l'Etat versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la société civile professionnelle Delaere.

Une copie en sera adressée à la directrice régionale des entreprises, de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Pays de la Loire.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, où siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gelard, première conseillère,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23NT01490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01490
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23nt01490 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award