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20/12/2023 | FRANCE | N°23PA04095

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 20 décembre 2023, 23PA04095


Vu la procédure suivante :



Par un jugement n° 1823737 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a déchargé, en droits et pénalités, la société EMH de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 à raison du rehaussement de son résultat d'un montant de 5 073 019 euros.



Par un arrêt n° 21PA04673 du 30 juin 2023, la Cour a remis à la charge de la société EMH la cotisation d'impôt sur les sociétés à concurrence d'un rehaussement en base de 3 938 404

euros et réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il était contraire.

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Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1823737 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a déchargé, en droits et pénalités, la société EMH de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011 à raison du rehaussement de son résultat d'un montant de 5 073 019 euros.

Par un arrêt n° 21PA04673 du 30 juin 2023, la Cour a remis à la charge de la société EMH la cotisation d'impôt sur les sociétés à concurrence d'un rehaussement en base de 3 938 404 euros et réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il était contraire.

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 septembre et 20 octobre 2023, la société EMH, représentée par Me Fasquel, demande à la Cour d'interpréter son arrêt du 30 juin 2023.

Elle soutient que :

- le dispositif de l'arrêt comporte une obscurité sur le point de savoir si la cotisation d'impôt sur les sociétés remise à sa charge inclut ou non la majoration pour manquement délibéré et les intérêts de retard ;

- il existe un litige né et actuel sur cette question dès lors que le ministre a, par avis de dégrèvement du 8 août 2023, interprété l'arrêt comme remettant à la charge de la société les droits relatifs au redressement de 3 938 404 euros, ainsi que les intérêts de retard et la majoration s'y rattachant ;

- selon elle, eu égard à la différence de nature entre le rappel des droits, qui répare le préjudice financier du trésor, et la majoration de 40 %, qui constitue une sanction visant à empêcher la réitération des agissements du contribuable et revêt le caractère d'une accusation pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le rétablissement des droits n'emporte pas automatiquement le rétablissement des pénalités et des intérêts de retard.

Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut que l'arrêt doit, pour l'application de l'article R. 312-4 du code de justice administrative, être interprété comme décidant que la cotisation d'impôt sur les sociétés remise à la charge de la société à l'article 1er du dispositif s'entend de l'impôt sur les sociétés auquel sont attachés les intérêts de retard et la majoration pour manquement délibéré.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative et notamment son article R. 312-4.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,

- et les conclusions de Me Fasquel pour la société EMH.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu) EMH a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 juin 2011, 2012 et 2013 à l'issue de laquelle le service a, en application des articles 38-2 et 111 c du code général des impôts, rehaussé le bénéfice imposable de la société EMH au titre de l'exercice 2011 d'un montant de 5 073 019 euros et mis en conséquence à sa charge un supplément de cotisation d'impôt sur les sociétés assorti de la majoration pour manquement délibéré. Par un jugement n° 1823737 du 20 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a déchargé, en droits, intérêts et majoration, la société EMH de l'intégralité de ce supplément d'imposition. Par un arrêt n° 21PA04673 du 30 juin 2023 rendu sur appel du ministre, la Cour a remis à la charge de la société EMH la cotisation d'impôt sur les sociétés à concurrence d'un rehaussement en base de 3 938 404 euros et réformé le jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il était contraire. Par sa requête, la Sasu EMH demande à la Cour d'interpréter cet arrêt.

2. Aux termes de l'article R. 312-4 du code de justice administrative : " Les recours en interprétation et les recours en appréciation de légalité relèvent de la compétence du tribunal administratif territorialement compétent pour connaître de l'acte litigieux ". Un recours en interprétation d'une décision juridictionnelle, ouvert sans condition de délai, n'est recevable que s'il émane d'une partie à l'instance ayant abouti au prononcé de la décision dont l'interprétation est sollicitée et dans la seule mesure où il peut être valablement argué que cette décision est obscure ou ambiguë.

3. L'article 1er du dispositif de l'arrêt du 30 juin 2023 est ainsi rédigé : " La cotisation d'impôt sur les sociétés, assignée à la société EMH pour l'exercice 2011, est remise à sa charge en conséquence d'un rehaussement en base de 3 938 404 euros au titre de l'évaluation des titres des sociétés LOL Pharma et Heathcaregen Communication inscrits à son bilan ". Son article 2 dispose que " Le jugement du 20 avril 2021 du tribunal administratif de Paris est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt ". Enfin, son article 3 prévoit que " Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté ".

4. Le 8 août 2023, l'administrateur de l'Etat de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France a émis un avis de dégrèvement laissant à la charge de la société EMH les intérêts de retard et la majoration pour manquement délibéré assortissant les droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés de l'exercice 2011 remis à sa charge par l'arrêt du 30 juin 2023. La société EMH conteste une telle interprétation de l'arrêt en estimant que l'article 1er de son dispositif ne donne satisfaction au ministre qu'en ce qui concerne le rétablissement en droits de la cotisation d'impôt sur les sociétés à concurrence d'un redressement de 3 938 404 euros et que le rejet du surplus prévu à l'article 3 vise les intérêts de retard et la majoration pour manquement délibéré. Il résulte de ce qui précède, ainsi que le soutient la société EMH, que le dispositif de l'arrêt comporte une obscurité sur le point de savoir si la cotisation d'impôt sur les sociétés remise à sa charge inclut ou non la majoration pour manquement délibéré et les intérêts de retard.

5. Il résulte de l'instruction que le tribunal a déchargé la société des intérêts de retard et de la majoration par voie de conséquence de la décharge des droits, sans qu'il lui soit besoin, par l'effet de l'économie de moyens, de répondre au moyen dirigé contre la pénalité pour manquement délibéré. En appel, le ministre a contesté la décharge des droits, en sorte d'obtenir leur rétablissement et, par voie de conséquence, celui de la majoration et des intérêts de retard. Si l'intimée avait développé dans ses écritures un moyen propre relatif au bien-fondé de la majoration, en soutenant " En outre, l'absence d'élément intentionnel exclut, par essence, toute notion de manquement délibéré ", la Cour l'a écarté, au point 10 de son arrêt, en retenant l'existence d'un élément intentionnel, puisqu'il y est expressément mentionné que " l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention de la société Fern d'octroyer et de la société EMH de recevoir une libéralité sous la forme d'une minoration du prix de la cession de titres en cause ". Il ressort ainsi des motifs qui sont le support nécessaire du dispositif de l'arrêt qu'en rehaussant la base imposable de la société fixée par le jugement, et en écartant par ailleurs le moyen tiré de l'absence de caractère intentionnel de la société requérante, seul moyen propre dirigé contre la majoration pour manquement délibéré, la Cour a entendu rétablir, en droits, majoration et intérêts de retard, la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à la charge de la société, à concurrence de ce rehaussement. Ainsi, le rejet du surplus des conclusions du ministre, prononcé à l'article 3 de l'arrêt, correspond seulement au rejet du rehaussement

en base à concurrence d'une somme de 1 134 645 euros, et la mention de la cotisation

d'impôt sur les sociétés, à l'article 1er de l'arrêt, doit être lue comme incluant, outre

les droits, la majoration pour manquement délibéré ainsi que les intérêts de retard qui leur sont associés. L'arrêt doit donc être interprété en ce sens.

DECIDE :

Article 1er : Il est déclaré que les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 21PA04673 de la Cour du 30 juin 2023 doivent être interprétés comme rétablissant, en droits, pénalités et intérêts de retard, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due par la Sasu EMH au titre de l'exercice 2011 à concurrence d'un rehaussement en base de 3 939 404 euros.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sasu EMH et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA0409502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04095
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Interprétation

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CONSEILS REUNIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-20;23pa04095 ?
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