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21/12/2023 | FRANCE | N°20NC01000

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 20NC01000


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Cengiz a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Florange a préempté les parcelles cadastrées section 4 n° 0176/0077 et 0593/0077 sises 66 rue Sainte Agathe à Florange et d'autre part, d'annuler la décision du 22 février 2018, par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.



Par un jugement n° 1802777 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de

Strasbourg a annulé ces décisions et a mis une somme de 1 500 euros à la charge de la commune de F...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Cengiz a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2017 par lequel le maire de la commune de Florange a préempté les parcelles cadastrées section 4 n° 0176/0077 et 0593/0077 sises 66 rue Sainte Agathe à Florange et d'autre part, d'annuler la décision du 22 février 2018, par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1802777 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions et a mis une somme de 1 500 euros à la charge de la commune de Florange en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2020 et un mémoire en réplique enregistré le 12 juillet 2021, la commune de Florange, représentée par Me Levy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 mars 2020 ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Cengiz une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le projet de résidence séniors n'était pas réel alors que le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la réalité du projet fondant la décision de préemption ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été signée par une autorité incompétente ;

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la SARL Cengiz n'est pas fondée à soutenir que la décision de préemption serait dépourvue de base légale, la délibération du 28 mars 2013 instaurant le droit de préemption urbain n'ayant pas méconnu les dispositions de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme ;

- la SARL Cengiz n'est pas fondée à soutenir que la décision de préemption serait tardive.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 mars 2021 et 1er août 2023, la SARL Cengiz, représentée par Me De Zolt, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2017 ;

3°) en tout état de cause, à ce que sois mise à la charge de la commune de Florange la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Florange ne sont pas fondés ;

- l'arrêté du 20 décembre 2017 est dépourvu de base légale en raison de l'irrégularité de la délibération du 28 mai 2013 instaurant le droit de préemption urbain ;

- l'arrêté du 20 décembre 2017 est tardif.

La requête été communiquée aux consorts A... qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hamm, pour la commune de Florange, ainsi que celles de Me Barbier-Renard, pour la SARL Cengiz.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 mai 2017, la SARL Cengiz a conclu un compromis de vente avec les consorts A..., en vue de l'acquisition des parcelles situées en zone UB du plan local d'urbanisme de la commune, cadastrées Section 4 n° 0176/0077 et n° 0593/0077 sises 66 rue Sainte Agathe à Florange. Par un arrêté du 22 septembre 2017, le maire de la commune de Florange a délivré un permis de construire sur ce terrain à la SARL Cengiz. Le 2 octobre 2017, préalablement à la cession des terrains, les consorts A... ont adressé à la commune une déclaration d'intention d'aliéner. Par une décision du 20 décembre 2017, le maire a exercé le droit de préemption de la commune. Après le rejet de son recours gracieux, la SARL Cengiz a demandé l'annulation de la décision de préemption au tribunal administratif de Strasbourg, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux. La commune de Florange relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif Strasbourg a annulé ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai (...) ".

3. La commune de Florange soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune de Florange tirée de la tardiveté de la requête de la SARL Cengiz. D'une part, alors même qu'il ne comportait l'exposé d'aucun moyen de droit ni de fait contestant la légalité de la décision du 20 décembre 2017, le courrier du 30 janvier 2018 par lequel la SARL Cengiz a demandé au maire de la commune de Florange de retirer la décision de préemption du 20 décembre 2017 constitue un recours gracieux, qui a été exercé dans le délai de deux mois lequel a interrompu le délai de recours contentieux contre la décision de préemption. D'autre part, si la commune de Florange soutient également que l'enregistrement le 27 avril 2018 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg des conclusions en annulation contre la décision de préemption du 20 décembre 2017 et la décision du 22 février 2018 rejetant le recours gracieux de la SARL Cengiz a eu lieu après l'expiration du délai de recours contentieux, la commune ne justifie cependant pas la date de notification de la décision du 22 février 2018 portant rejet du recours gracieux, alors que le cachet de la Poste apposé sur l'enveloppe d'expédition de ce pli mentionne un envoi le 28 février 2018. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête devant le tribunal administratif doit être écartée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date.

6. La décision de préemption du 20 décembre 2017, mentionne la superficie du terrain préempté et sa situation à proximité de la maison de retraite existante et indique qu'il correspond à une recherche de la commune pour édifier des maisons pour séniors. Pour justifier la réalité du projet qu'elle entendrait ainsi mener, la commune de Florange se prévaut d'abord de ce que la proposition n° 58 du programme électoral de la liste élue lors des élections municipales de 2014 proposait de " programmer la construction de logements intermédiaires pour personnes âgées seules ou isolées ayant besoin d'environnement sécurité ". La commune produit également le compte-rendu établi en 2020 d'un entretien qui se serait déroulé le 2 août 2017 avec le directeur général de l'office public de l'habitat Moselis, au cours duquel il aurait évoqué le développement d'un nouveau modèle de logement senior, projet qui aurait " emporté immédiatement l'adhésion " du maire lequel aurait exprimé " le souhait de la municipalité de compléter l'offre actuelle en proposant le développement de ce nouvel habitat sur des terrains à acquérir, à proximité du foyer les Marguerites, d'une résidence autonome gérée par l'OPH Moselis et d'un EPHAD ". Il ne ressort toutefois d'aucun élément versé au dossier que la commune de Florange aurait programmé de mettre en œuvre la réalisation d'un tel projet de résidence senior après cet entretien. Si la commune fait encore valoir que l'exercice du droit de préemption constitue l'occasion pour une collectivité de saisir l'opportunité de réaliser un projet d'aménagement à l'occasion d'une aliénation portée à sa connaissance par une déclaration d'intention d'aliéner, elle ne produit aucun élément permettant d'établir qu'après avoir été informée de la déclaration d'intention d'aliéner le bien en litige, elle aurait entrepris de donner suite de façon concrète à l'intérêt de principe manifesté pour le concept de maison senior évoqué lors de l'entretien du 2 août 2017. A cet égard, si l'attestation du 14 décembre 2020 établie par le directeur général de l'OPH Moselis mentionne qu'un document de travail avait été remis au maire de la commune de Florange au terme de la réunion du 2 aout 2017 pour engager une réflexion préalable à la réalisation d'un groupe de pavillons séniors sur le concept développé par l'OPH Moselis, la commune de Florange ne justifie qu'elle y aurait donné suite avant la décision de préemption du 20 décembre 2017. Dans ces conditions, la commune de Florange ne justifiait pas de la réalité d'un projet à la date de la décision de préemption, laquelle méconnait dès lors des dispositions des articles L. 210 -1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Florange n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de préemption du 20 décembre 2017.

Sur les frais d'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Cengiz, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Florange sur ce fondement. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Florange une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Cengiz à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Florange est rejetée.

Article 2 : La commune de Florange versera à la SARL Cengiz une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cengiz, à la commune de Florange, à M. C... A..., à Mme D... A... et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC01000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01000
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELAS OLSZAK LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;20nc01000 ?
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