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21/12/2023 | FRANCE | N°22DA02550

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 21 décembre 2023, 22DA02550


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 août 2020 par laquelle le directeur interdépartemental des routes du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute d'accident de service, d'autre part, d'enjoindre à la direction interdépartementale des routes et au préfet du Nord de réexaminer sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa rechute. Enfin, M. A... a demandé au tribunal de

mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 7...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 21 août 2020 par laquelle le directeur interdépartemental des routes du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute d'accident de service, d'autre part, d'enjoindre à la direction interdépartementale des routes et au préfet du Nord de réexaminer sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa rechute. Enfin, M. A... a demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2007033 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 décembre 2022 et le 1er août 2023, M. A..., représenté par la SCP Gros, Hicter, d'Halluin et associés demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 21 août 2020 par laquelle le directeur interdépartemental des routes du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute ;

3°) d'enjoindre à la direction interdépartementale des routes et au préfet du Nord de réexaminer sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa rechute ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit ;

- contrairement à ce qui a été jugé, il ne résulte pas des dispositions du IV de l'article 47-3 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 que l'administration soit en situation de compétence liée lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés ; l'administration est tenue d'apprécier si l'agent justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, si le non-respect du délai de déclaration peut entraîner le rejet de la demande, le non-respect des formes n'emporte pas la même conséquence ;

- le tribunal a fait une interprétation trop rigide des articles 47-2 et 47-3 du décret du 14 mars 1986, qui va à l'encontre de l'objectif de rapprochement avec le régime applicable aux salariés du secteur privé ; il suffit que, dans le délai imparti par l'article 47-3, l'agent ait fait parvenir un certificat médical d'accident ainsi qu'un descriptif sommaire pour satisfaire à l'obligation de déclaration ; en l'espèce, la lettre qu'il a adressée à sa hiérarchie le 19 février 2020 comportait des informations suffisantes, compensant l'absence formelle du formulaire précisant les circonstances de l'accident ;

- en vertu des pouvoirs d'instruction que lui confère l'article 47-4 du décret du 14 mars 1986, il appartenait à l'administration de l'inviter à compléter son dossier ;

- se trouvant en congé de maladie, il n'avait pas connaissance des nouvelles dispositions introduites par le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 entré en vigueur le 1er avril 2019, qui ont durci les conditions d'octroi des congés pour accident de service ; par ailleurs, en ne l'informant pas de ces nouvelles formalités et de l'incomplétude de son dossier, puis en lui annonçant l'imminence d'une expertise médicale, son administration a eu un comportement déloyal ; ces circonstances doivent être regardées comme des motifs légitimes au sens de l'article 47-3 du décret du 14 mars 1986.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juin et 11 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Gros pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., agent d'exploitation principal des travaux publics de l'Etat, affecté à la direction interdépartementale des routes (DIR) Nord a été victime, le 8 février 2000, d'un accident de service suivi de plusieurs rechutes reconnues imputables au service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10%. Par un arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire en date du 19 octobre 2017, la date de consolidation de ses blessures a été fixée au 12 octobre 2016. Le 19 février 2020, il a adressé à son employeur une lettre manuscrite intitulée " déclaration pour le 17 février 2020 " faisant état de vives douleurs cervicales à suite d'un mouvement de tête alors qu'il se rendait en voiture sur son lieu de travail à Peuplingues (Pas-de-Calais). Le même jour, il a envoyé à son employeur un certificat médical de rechute daté du 17 février 2020. Par une décision du 21 août 2020, le directeur interdépartemental des routes du Nord a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la rechute d'accident de service du 17 février 2020. M. A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler cette décision. Le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête par un jugement du 19 octobre 2022. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, applicable à l'espèce : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 47-1 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le congé prévu au premier alinéa du I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée est accordé au fonctionnaire, sur sa demande, dans les conditions prévues par le présent titre. ". Aux termes de l'article 47-2 dudit décret : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à son administration une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. / La déclaration comporte : 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Un formulaire type est mis en ligne sur le site internet du ministère chargé de la fonction publique et communiqué par l'administration à l'agent à sa demande ; / 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, s'il y a lieu, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant ". Aux termes de l'article 47-3 de ce décret : " I. La déclaration d'accident de service ou de trajet prévue à l'article 47-2 est adressée à l'administration dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident. / Ce délai n'est pas opposable à l'agent lorsque le certificat médical prévu au 2° de l'article 47-2 est établi dans le délai de deux ans à compter de la date de l'accident. Dans ce cas, le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date de cette constatation médicale. (...) IV. Lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés, la demande de l'agent est rejetée. / Les délais prévus aux I, II et III ne sont pas applicables lorsque le fonctionnaire (...) justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes ". Enfin, selon l'article 47-18 du même décret : " (...) La rechute est déclarée dans le délai d'un mois à compter de sa constatation médicale. La déclaration est transmise dans les formes prévues à l'article 47-2 à l'administration d'affectation du fonctionnaire à la date de cette déclaration. (...) ". Selon le formulaire type mis en ligne sur le portail de la fonction publique, qui comporte quatre pages, il appartient à l'agent de compléter successivement les rubriques " renseignements concernant la victime ", " renseignements concernant l'accident " et " conséquences de l'accident ", en indiquant notamment la date et l'heure de l'accident, le lieu précis de l'accident, l'activité de la victime lors de l'accident, la description et la nature de l'accident, l'existence éventuelle de témoins, l'implication éventuelle d'un tiers, la nature des lésions médicalement constatées ainsi que le siège des lésions.

4. Il ressort des pièces du dossier que, le 19 février 2020, M. A... a transmis à son supérieur hiérarchique un certificat médical de rechute d'un accident de service accompagné d'un bref courrier manuscrit daté du 18 février, débutant par la mention " déclaration pour le 17 février 2020 " et relatant ensuite qu'il circulait à bord de son véhicule lorsqu'il a ressenti une vive douleur aux cervicales, provoquée par une manœuvre effectuée pour éviter un face à face avec un autre véhicule. S'il est constant qu'il a transmis ces documents dans le délai d'un mois prescrit par l'article 47-18 du décret du 14 mars 1986 cité au point 3, il est également constant que cette transmission n'était pas accompagnée du formulaire exigé par le 1° de l'article 47-2 de ce décret, précisant les circonstances exactes de la rechute. Compte tenu des termes mêmes de l'article 47-2, ce formulaire fait partie intégrante de la déclaration d'accident de service et doit être remis dans le même délai, de sorte que le non-respect de cette formalité, qui ne saurait être compensée par la remise d'une lettre exposant très sommairement les circonstances de cette rechute dont il est sollicité la reconnaissance du lien avec un accident de service antérieur, emporte nécessairement rejet de la demande, conformément aux dispositions du III de l'article 47-3 citées au point 3.

5. Pour contester le rejet de sa demande motivée par l'absence de transmission d'une déclaration conforme aux dispositions précitées, M. A... ne saurait reprocher à la direction interdépartementale des routes du Nord de ne pas l'avoir informé de l'entrée en vigueur des nouvelles modalités de dépôt des demandes de déclaration d'accident de service, lesquelles lui sont devenues opposables dès le 1er avril 2019, comme à tout agent de la fonction publique de l'Etat, par l'effet de la publication, au journal officiel, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat. De même, compte tenu de ce qui vient d'être dit, il ne saurait faire grief à l'administration de ne pas l'avoir invité à compléter sa demande par la remise du formulaire de demande d'accident de travail prévu par le 1° de l'article 47-2, ni davantage de s'être abstenue de le lui transmettre dès lors qu'en vertu de cet article, sa transmission n'est à la charge de l'autorité administrative qu'à la condition de l'existence d'une demande de l'agent.

6. Enfin, si M. A... se prévaut de ce que l'administration l'aurait induit en erreur sur l'état de sa demande en lui faisant croire qu'elle était en cours d'instruction, le courriel daté du 4 mai 2020 évoquant une éventuelle expertise médicale, ne saurait être regardé comme un motif légitime rendant inapplicable le délai d'un mois prévu par l'article 47-18 du décret du 14 mars 1986 dès lors qu'il a été adressé à l'intéressé après expiration du délai imparti pour la remise de la déclaration de rechute d'accident.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 octobre 2022 attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera délivrée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

N° 22DA02550 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02550
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP GROS - HICTER - D'HALLUIN ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22da02550 ?
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