La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2023 | FRANCE | N°22LY00914

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY00914


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 2 avril 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a invités à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours.



Par des jugements n°s 2005945 et 2005946 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.



Procéd

ure devant la cour



I. Par une requête enregistrée le 24 mars 2022 sous le n° 22LY00914, Mme B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 2 avril 2020 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a invités à quitter le territoire français dans le délai de quatre-vingt-dix jours.

Par des jugements n°s 2005945 et 2005946 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 24 mars 2022 sous le n° 22LY00914, Mme B..., représentée par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que la décision du 2 avril 2020 du préfet du Rhône la concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis du collège de médecins de l'Office français et de l'immigration et de l'intégration est irrégulier, dès lors qu'il ne comporte pas de signature originale et qu'il est obsolète ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observation.

Par décision du 19 janvier 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II. Par une requête enregistrée le 24 mars 2022 sous le n° 22LY00916, M. B..., représenté par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que la décision du 2 avril 2020 du préfet du Rhône le concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " après remise d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- il méconnaît l'article 6-5° de l'accord, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observation.

Par décision du 19 janvier 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,

- et les observations de Me Lulé pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., ressortissants algériens nés respectivement le 21 mars 1976 et le 3 juillet 1980, sont entrés en France le 5 février 2017 sous couvert de visas de court séjour, accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Le 28 février 2017, ils ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugiés. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leur demande par décisions du 28 juillet 2017, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, le 6 novembre 2017. Par décisions du 2 avril 2020, le préfet du Rhône a refusé de les admettre au séjour et les a invités à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours. M. et Mme B... relèvent appel des jugements du 12 octobre 2021 par lesquels le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation de ces décisions.

2. Les requêtes n° 22LY00914 et n° 22LY00916 sont relatives au droit au séjour des membres d'une même famille. Il y a lieu de les joindre afin d'y statuer par un seul arrêt.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". En l'absence de stipulations spécifiques dans cet accord, les modalités procédurales applicables sont celles définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " (...) / La décision (...) est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour (...) au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Enfin, l'arrêté du 27 décembre 2016 précise que : " (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français et de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été régulièrement signé par les trois médecins qui l'ont émis, conformément aux dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, ni celles de l'ordonnance susvisée du 8 décembre 2005 auxquelles l'article L. 212-3 renvoie, qui concernent la signature électronique des décisions administratives et non les avis émis dans le cadre de la procédure préparatoire à l'édiction d'une décision.

5. En deuxième lieu, la circonstance que l'avis du collège de médecins de l'OFII a été émis près de deux ans avant les décisions en litige est par elle-même sans incidence sur la légalité de ces décisions, en l'absence de tout élément propre à l'évolution de l'état de santé de Mme B... ou au système de santé algérien susceptible de remettre en cause le sens de cet avis et à le faire regarder comme caduc.

6. En troisième lieu, M. et Mme B... font valoir que Mme B... présente des troubles anxieux et dépressifs sévères, liés à un syndrome de stress post-traumatique en relation avec un départ précipité de son pays et son statut de fille de harki, qu'elle a bénéficié en France de consultations en psychiatrie ainsi que d'un suivi infirmier et psychothérapeutique, et qu'elle a été hospitalisée à trois reprises pour des durées de quatre à cinq jours en 2017 et 2018. Ils font valoir que ce suivi ainsi que le traitement médicamenteux ne sont pas disponibles en Algérie, que l'intéressée ne peut y accéder pour des raisons financières et qu'un retour dans ce pays serait de nature à réactiver sa pathologie.

7. Il ressort toutefois des pièces des dossiers que le collège de médecins de l'OFII a indiqué que, si l'état de santé de Mme B... nécessite un traitement dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce traitement est en revanche disponible dans son pays d'origine, soit l'Algérie, vers lequel elle peut voyager sans risque médical. Un traitement approprié au sens des stipulations précitées de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien n'est pas nécessairement identique à celui dont l'intéressée bénéficie en France. La seule circonstance que le Seresta, médicament prescrit à Mme B..., ne serait pas disponible en Algérie ne suffit dès lors pas, par elle-même, à infirmer l'analyse du collège de médecins de l'OFII, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les structures médicales algériennes ne seraient pas en mesure de mettre en œuvre effectivement un traitement adapté à son état de santé. L'argument tiré, en termes généraux, de difficultés que pourraient connaître les structures médicales et pharmaceutiques algériennes ne permet pas, par ailleurs, en l'absence d'éléments plus précis propres à l'état de santé de Mme B..., d'établir l'indisponibilité des soins en Algérie. Si les requérants font état du caractère post-traumatique de la pathologie, le certificat médical produit, indiquant que " l'accès aux soins en Algérie, au regard du statut de fille de harki et de la problématique de la patiente, reste très compliqué ", ne suffit pas à démontrer qu'un retour dans son pays d'origine constituerait, par lui-même, une nouvelle exposition traumatique incompatible avec sa prise en charge médicale. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants ne pourraient obtenir leur affiliation à la sécurité sociale algérienne ni bénéficier, le cas échéant, de mesures d'aide sociale pour l'accès aux soins. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien. Le préfet n'a par ailleurs pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Et aux termes du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B..., accompagnés de leurs deux enfants mineurs, sont entrés récemment en France, trois ans avant les décisions en litige. Si un troisième enfant est né le 27 octobre 2017 sur le territoire français et si les deux ainés sont scolarisés, les requérants ne font état d'aucun élément faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, pays dans lequel ils ont vécu, respectivement, jusqu'à l'âge de quarante-et-un et trente-sept ans, et où ils conservent l'essentiel de leurs attaches privées et familiales. En outre, les décisions en litige, n'opposant qu'un refus de délivrance de titre de séjour et une invitation à quitter le territoire français, n'ont ni pour objet, ni pour effet, de séparer les requérants de leurs enfants qui peuvent poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Par suite, les refus de séjour opposés à M. et Mme B... n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris et n'ont pas méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants. Ils n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni encore celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, les décisions en litige ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle des intéressés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

11. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées par voie de conséquence.

12. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., Mme A... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00914-22LY00916


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00914
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly00914 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award