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21/12/2023 | FRANCE | N°22MA00693

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 21 décembre 2023, 22MA00693


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Cinévog a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1802657 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.





Procédure devant la Cour :>


Par une requête enregistrée le 23 février 2022, et régularisée le 5 mai 2022, et un mémoire enregistré le 1er dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Cinévog a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1802657 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2022, et régularisée le 5 mai 2022, et un mémoire enregistré le 1er décembre 2023, la SCI Cinévog, représentée par Me Gagne, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 décembre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le fait générateur de la taxe retenu dans la proposition de rectification relative à la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016 est différent de celui retenu dans la proposition de rectification relative à la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 ;

- l'administration aurait dû faire application de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date de la livraison, correspondant à la date de conclusion des baux relatifs aux quatre appartements qu'elle a conservés, qui ont été signés en 2010 ;

- l'administration a formellement pris position, à l'issue du contrôle relatif à la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, sur le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux quatre appartements conservés et mis en location.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que :

- la demande présentée devant le tribunal administratif était irrecevable, faute de réclamation préalable ;

- les moyens soulevés par la SCI Cinévog ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Cinévog, qui exerce une activité de location et de gestion immobilière, a fait l'acquisition en 2006 d'un ensemble immobilier situé à Nice, comprenant notamment un ancien cinéma, qu'elle a transformé en un immeuble d'habitation comprenant douze appartements. Huit de ces appartements ont été vendus entre la date d'achèvement, le 1er mars 2009, et la date du 4 mars 2011. Les quatre autres appartements ont été mis en location par la société, et deux d'entre eux ont été vendus en 2015. La SCI Cinévog a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé, d'une part, qu'en application du II de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, la société était tenue de régulariser par vingtième la taxe sur la valeur ajoutée antérieurement déduite ayant grevé les dépenses d'acquisition et de construction des lots correspondant aux appartements non vendus à la date du contrôle, et, d'autre part, qu'en application du III du même article, elle était tenue, en l'absence de soumission à la taxe sur la valeur ajoutée de la cession des appartements vendus en 2015, de régulariser la taxe antérieurement déduite ayant grevé les dépenses d'acquisition et de construction des lots correspondant à ces appartements. La SCI Cinévog relève appel du jugement du 31 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a ainsi été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2016, et des pénalités correspondantes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.-Sous réserve des dispositions qui suivent, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 et 206 est définitivement acquise à l'entreprise. / II.-1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans, dont celle au cours de laquelle ils ont été acquis, importés, achevés, utilisés pour la première fois (...). / 2. Chaque année, la régularisation est égale au cinquième du produit de la taxe initiale par la différence entre le coefficient de déduction de l'année et le coefficient de déduction de référence (...). / 3. Par dérogation à la durée mentionnée au 1 et à la fraction mentionnée au 2, cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années. (...) / III.-1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : / 1° Lorsqu'il est cédé ou apporté, sans que cette opération soit soumise à la taxe sur le prix total (...) ; / (...) 2. Cette régularisation est égale à la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation en application des 1, 2, 3 et 5 du II, en considérant que pour chacune des années restantes de cette période : / 1° Dans les cas visés au 1° du 1, le coefficient de taxation est égal à zéro (...) ". Selon le IV de cet article, pour l'application du II et des 1° et 2° du 1 du III, un immeuble en stock est considéré comme immobilisé lorsqu'il est utilisé pendant plus d'un an pour une opération relevant d'une activité économique mentionnée à l'article 256 A du code général des impôts au-delà du 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu son achèvement.

3. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que les quatre appartements qui sont demeurés la propriété de la SCI Cinévog, qui ont été achevés au cours de l'année 2009, ont été mis en location nue pendant une durée supérieure à un an après la date du 31 décembre 2011. Il n'est pas davantage contesté que la cession des deux appartements vendus en 2015 n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, l'administration a pu estimer que les appartements en cause devaient être considérés comme immobilisés pour l'application de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, et, en conséquence, que la SCI Cinévog aurait dû régulariser par vingtième chaque année la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite au titre des appartements non vendus à la date du contrôle, et aurait dû régulariser la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite au titre des appartements vendus en 2015, à hauteur de la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation. La circonstance que l'administration, à l'issue d'un contrôle de la SCI Cinévog portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, a rappelé une partie de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à raison de la vente des appartements intervenue au cours de l'année 2011 en retenant comme fait générateur la date de livraison de ces appartements, qui est étrangère à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite en cause en l'espèce, est sans incidence à cet égard. Dès lors, l'administration, qui a fait une correcte application de l'article 207 de l'annexe II, d'une part, dans sa rédaction applicable à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite correspondant aux appartements mis en location pendant une durée supérieure à un an après la date du 31 décembre 2011 et, d'autre part, dans sa rédaction applicable à la régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite correspondant aux appartements vendus en 2015, était fondée à rappeler la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces régularisations.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".

5. La circonstance qu'à l'issue de la vérification de comptabilité mentionnée au point 3, portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, l'administration a estimé que la SCI Cinévog aurait dû collecter la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la vente, intervenue en 2011, d'une partie des appartements, ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration sur la situation de fait de l'entreprise au regard de la régularisation ultérieure de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite au titre des dépenses d'acquisition et de construction des lots correspondant aux appartements conservés par la société requérante, que cette dernière pourrait lui opposer sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la SCI Cinévog n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Cinévog est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Cinévog et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

2

N° 22MA00693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00693
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-08 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Cessation ou modification d'activité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : GAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ma00693 ?
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