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21/12/2023 | FRANCE | N°23DA00563

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 21 décembre 2023, 23DA00563


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'une année, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certi

ficat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 155 euros par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'une année, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Enfin, M. B... a demandé au tribunal la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2208137 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 septembre 2022 du préfet du Nord, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande présentée par M. B... de délivrance d'un certificat de résidence dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2023, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement, y compris en ce qu'il a condamné l'Etat au versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 28 septembre 2022, le tribunal a retenu une erreur de droit consistant à avoir motivé le refus de certificat de résidence sur le constat de l'insuffisance des moyens d'existence de M. B... ;

- l'activité exercée par M. B..., déclarée d'abord sous forme de micro-entreprise puis sous le statut d'auto-entrepreneur ne constitue ni un commerce, ni une activité salariée soumise à autorisation ;

- l'accord franco-algérien ne prévoit aucun titre de séjour permettant l'exercice d'une activité de la nature de celle déclarée par M. B... ; il ne peut se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " commerçant ou artisan ", ni celle de " salarié " ; seul un titre portant la mention " visiteur " peut lui être délivré, mais sous réserve qu'il justifie de moyens d'existence suffisants ;

- l'avis d'imposition de 2021 de M. B..., établi sur un revenu fiscal de référence de 4 648 euros en 2020, montre qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes, de sorte que c'est sans commettre d'erreur de droit que la délivrance d'un titre de séjour " visiteur " lui a été refusée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2023, M. B..., représenté par Me Navy, conclut au rejet de la requête, à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et, enfin, à ce que soit mise à la charge de l'Etat, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet du Nord ne sont pas fondés ;

- sa demande de certificat de résidence étant fondée sur l'article 5 de l'accord

franco-algérien, il est uniquement tenu de justifier du caractère effectif de son activité commerciale, sans qu'il soit nécessaire de justifier de moyens d'existence suffisants ;

- son activité de " prestation de nettoyage, livraisons de repas et de courses à domicile par vélo, préparateur de commande, prestation services hôtellerie et restauration " étant une activité commerciale qui impose son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, elle relève donc des activités professionnelles soumises à autorisation au sens des stipulations de l'article 7 c) de l'accord franco-algérien ; la circonstance que son activité soit exercée sous la forme

d'auto-entreprise, désormais micro-entreprise depuis la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, ne modifie pas sa nature commerciale ;

- en tout état de cause, ses revenus sont suffisants dans la mesure où, au titre de l'exercice fiscal portant sur la période du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022, il a perçu un revenu de 15 300 euros, supérieur au SMIC.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2023.

Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- et les observations de Me Lutran, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 7 octobre 1994, est entré sur le territoire français le 29 août 2017 muni de son passeport revêtu d'un visa long séjour portant la mention " étudiant ". Il a été mis en possession d'un certificat de résidence " étudiant ", régulièrement renouvelé jusqu'au 3 octobre 2021. Il a sollicité, le 15 septembre 2021, en préfecture du Nord, une demande de changement de statut et la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'" entrepreneur - commerçant ". Par un arrêté du 28 septembre 2022, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'une année. Par un jugement du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la demande, présentée par M. B..., tendant à la délivrance d'un certificat de résidence dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis. ". Aux termes de l'article 7 du même accord : " a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention "visiteur " ; (...) c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".

3. Il ressort du jugement attaqué, que pour annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 contesté, le tribunal a retenu que le préfet du Nord ne pouvait refuser le titre de séjour sollicité par M. B..., au motif que les moyens d'existence de l'intéressé étaient insuffisants. Les premiers juges ont estimé que cette condition ne pouvait être opposée au demandeur dès lors qu'elle n'est pas prévue par les stipulations de l'accord franco-algérien pour la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant " et qu'elle n'est pas davantage prévue par des textes de portée générale relatifs à l'exercice, par toute personne, d'une activité professionnelle.

4. Les stipulations précitées de l'accord franco-algérien ne subordonnent pas la première délivrance du certificat de résidence algérien en vue de l'exercice d'une activité professionnelle autre que salariée à la démonstration du caractère effectif de cette activité, ni à la démonstration de sa viabilité, ou à l'existence d'un lien entre cette activité et les études suivies par l'intéressé, ni davantage à celle que l'intéressé justifie de moyens d'existence suffisants.

5. Il ressort des pièces du dossier, que M. B..., qui bénéficiait d'un certificat de résidence en qualité d'étudiant, a sollicité un changement de statut en vue d'obtenir un certificat de résidence en qualité de " commerçant " pour l'exercice d'une activité ayant pour objet des " prestations de nettoyage, livraisons de repas et de courses à domicile par vélo, préparateur de commande, prestation services hôtellerie et restauration ". Il est constant qu'à la date où le préfet du Nord a rejeté la demande de M. B..., tendant à la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, celui-ci justifiait de la création de sa société immatriculée au registre du commerce depuis le 22 septembre 2021. Or, cette inscription est la seule formalité à laquelle est soumise l'activité commerciale qu'il a déclaré exercer et aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'activité en cause s'effectuerait en méconnaissance des dispositions légales. Aussi le préfet, en refusant à M. B... la délivrance d'un certificat de résident algérien en qualité de commerçant au motif tiré de l'insuffisance des moyens d'existence résultant de cette activité, a entaché sa décision d'une erreur de droit. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le préfet du Nord ne pouvait se fonder sur ce motif, pour refuser de délivrer à M. B... son premier titre de séjour en qualité de " commerçant ".

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 septembre 2022 et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la demande de M. B..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés à l'instance :

7. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme de 1 000 euros à Me Navy, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Sanjay Navy la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Sanjay Navy.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guerin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

N° 23DA00563 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00563
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : NAVY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23da00563 ?
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