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21/12/2023 | FRANCE | N°23NC01209

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 23NC01209


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100

euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de qui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2202800 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2023, Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2022 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 400 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- la décision refusant de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien est entachée d'erreur de droit, c'est à tort que le tribunal administratif a écarté ce moyen dès lors qu'elle réside en France depuis plus de sept ans ; elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale, elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour de plein droit, elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et est contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juillet 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Guidi, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissant algérienne né le 4 mai 1984, est entrée en France avec son époux et leurs deux enfants mineurs le 23 mars 2015. Elle a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 15 janvier 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile le 25 octobre 2016. Par un arrêté du 12 décembre 2016, le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. Le recours qu'elle a formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 19 avril 2017. Mme B... a sollicité son admission au séjour le 16 juin 2020. Par un arrêté du 30 octobre 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé d'y faire droit, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Les recours formés contre cet arrêté ont été, en dernier lieu, rejetés par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 3 mars 2022. Le 29 novembre 2021, la requérante a, de nouveau, sollicité son admission au séjour auprès du préfet du Haut-Rhin. Par un arrêté du 27 janvier 2022, le préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 5 juillet 2022, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa requête en annulation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. D'une part, si Mme B... soutient que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché sa décision d'erreur de droit en estimant que le bénéfice des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien est conditionné par l'existence d'une adresse propre en France, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet du Haut-Rhin a seulement relevé que " bien que l'intéressée déclare vivre en France depuis mars 2015 de manière habituelle, elle n'apporte aucun document attestant d'une adresse propre en France " sans en faire une condition de délivrance d'un titre de séjour. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

4. D'autre part, Mme B... fait essentiellement valoir qu'elle vit en France depuis le 23 mars 2015, avec son époux et ses quatre enfants scolarisés, que deux de ses enfants sont nés en France, et que son époux bénéficie d'une promesse d'embauche. Toutefois, la requérante, dont l'époux est également en situation irrégulière, se maintient sur le territoire français en dépit des mesures d'éloignement dont elle a antérieurement fait l'objet. Il n'est pas établi que la cellule familiale de Mme B..., qui a vécu la majeure partie de sa vie en Algérie, ne pourrait perdurer qu'en France, ni que ses enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité en Algérie. Mme B... n'est en outre pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet du Haut-Rhin n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Le préfet du Haut-Rhin n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme B....

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. En se prévalant de la durée de son séjour en France, de la scolarisation de ces enfants et de la promesse d'embauche dont bénéficie son époux, Mme B... ne justifie pas que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux considérations humanitaires ou aux motifs exceptionnels qu'elle a fait valoir à l'appui de sa demande de titre de séjour.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières dispositions que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions, invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

9. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet serait entachée d'erreur de droit doit être écarté.

10. En troisième lieu pour les mêmes motifs que ceux développés au point 4 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B... porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, serait contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Mme B... ne produit aucun élément pour établir qu'elle serait personnellement menacée en Algérie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 janvier 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

14. Le présent arrêt qui rejette la requête de Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : L. GuidiLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01209


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01209
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CHEBBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23nc01209 ?
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