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22/12/2023 | FRANCE | N°22MA02699

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 22 décembre 2023, 22MA02699


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel la préfète des Alpes de Haute-Provence l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2202450 du 27 avril 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribuna

l administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 par lequel la préfète des Alpes de Haute-Provence l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2202450 du 27 avril 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Bazin-Clauzade, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 27 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2022 de la préfète des Alpes de Haute-Provence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est disproportionnée.

La préfète des Alpes de Haute-Provence, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chenal-Peter a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité afghane, né le 1er janvier 1995, déclare être entré en France le 8 octobre 2019. Il a présenté une demande d'asile, laquelle a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) du 6 juillet 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 8 février 2022. Par un arrêté du 2 mars 2022, la préfète des Alpes de Haute-Provence a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. L'intéressé relève appel du jugement du 27 avril 2022 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Ainsi que l'a à bon droit jugé le tribunal, M. A..., qui se borne à se prévaloir de sa présence sur le territoire français depuis l'année 2019, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait fixé sur le territoire français le centre de ses attaches privées et familiales, alors qu'il ressort des pièces du dossier que son épouse réside toujours en Afghanistan, pays dans lequel l'intéressé a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. S'il fait également valoir qu'il souffre d'un trouble anxio-dépressif sévère en lien avec son pays d'origine, ainsi que de crises d'épilepsie, il n'établit toutefois pas que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, la préfète des Alpes de Haute-Provence n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni n'a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

4. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

5. M. A... fait valoir qu'il serait exposé à des risques en cas de retour en Afghanistan. Toutefois, sa demande d'asile et sa demande d'octroi de la protection subsidiaire ont été rejetées par une décision de l'OFPRA du 6 juillet 2021, confirmée par une décision de la CNDA du 8 février 2022. Cette dernière décision précise notamment que si l'intéressé faisait valoir qu'il craignait d'être persécuté par les talibans en raison d'un conflit foncier et de la situation prévalant en Afghanistan, ses explications, insuffisamment circonstanciées et non vraisemblables, n'ont pas permis d'établir le conflit familial allégué et les menaces dont il ferait l'objet. En première instance comme en appel, M. A... n'apporte aucun élément nouveau de nature à établir l'existence, à la date de la décision litigieuse, de risques encourus par lui personnellement et actuellement en cas de retour en Afghanistan. Par ailleurs, si l'intéressé souffre de crises d'épilepsie et d'un trouble anxio-dépressif important, il n'établit pas que ces circonstances feraient obstacle à son retour en Afghanistan, alors qu'il ressort des documents médicaux qu'il fournit, qui ont été au demeurant déjà produits devant la CNDA, qu'il bénéficiait déjà d'un traitement pour de telles crises, depuis l'âge de 17 ans. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

7. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

8. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

9. D'une part, pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de l'intéressé M. A..., la préfète a mentionné dans sa décision le caractère récent de l'entrée en France du requérant ainsi que la circonstance qu'il n'a aucune famille sur le territoire français. Ainsi, il ressort des termes de cet arrêté que la préfète des Alpes de Haute-Provence a pris en compte la durée de sa présence sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France. Ne retenant pas l'existence d'une menace à l'ordre public, elle n'était pas tenue de mentionner ce critère.

10. D'autre part, eu égard aux éléments rappelés au point 3 du présent arrêt, le requérant, entré sur le territoire français en 2019, ne justifie pas de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France. Dès lors l'interdiction de retour prononcée par la préfète ne peut être regardée, dans son principe et sa durée, comme étant disproportionnée, alors même que le requérant n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, et que sa présence n'est pas constitutive d'un trouble à l'ordre public. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2022 de la préfète des Alpes de Haute-Provence.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Bazin-Clauzade et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes de Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

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N° 22MA02699

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02699
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BAZIN-CLAUZADE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;22ma02699 ?
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