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28/12/2023 | FRANCE | N°22TL22133

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 28 décembre 2023, 22TL22133


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à t

itre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office, d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2202857 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Chninif, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 20 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 3 juin 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas examiné son moyen tiré de ce que, n'étant pas en situation irrégulière, il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué ne répond pas à l'exigence de motivation imposée par l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne constitue aucune menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un quelconque intérêt fondamental de la société ; en considérant qu'il constitue une menace à l'ordre public, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet ne pouvait faire application des dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lui refuser un délai de départ volontaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2023, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 8 mai 1997, est entré en France le 23 janvier 2011, à l'âge de treize ans, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Par un arrêté du 18 juillet 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait au titre de sa vie privée et familiale et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire français. A la suite de son interpellation par les services de la police aux frontières le 3 juin 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris à l'encontre de M. B... une nouvelle obligation de quitter le territoire français, cette fois, sans délai, par arrêté du 3 juin 2022. M. B... relève appel du jugement en date du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. S'il est exact que, dans sa requête de première instance, enregistrée le 7 juin 2022,

M. B... a contesté s'être maintenu en situation irrégulière sur le territoire français, il en ressort également que cet argument ne venait qu'à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel le tribunal a répondu. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient,

M. B... n'a pas soulevé un moyen propre tiré de ce qu'il ne pouvait, du fait de sa situation régulière, faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel le tribunal n'aurait pas répondu. Par suite, le moyen relatif à la régularité du jugement, tiré d'une omission à statuer, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. La décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2o L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) 5o Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

5. Pour prendre la décision contestée, le préfet des Pyrénées-Orientales s'est fondé sur deux motifs tirés, d'une part, de l'irrégularité du séjour en France de M. B... et, d'autre part, de la menace à l'ordre public que présente son comportement.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 18 juillet 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a confirmé la légalité du refus de séjour mais a annulé la mesure d'éloignement au motif que l'intéressé était soumis à un contrôle judiciaire lui faisant interdiction de quitter le territoire, qui n'apparaissait pas avoir été levé. Il a, en conséquence, enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen du dossier de l'intéressé et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Il ressort également des pièces du dossier qu'en exécution de ce jugement, M. B... s'est vu délivrer, par le préfet des Pyrénées-Orientales, une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente de la levée de son contrôle judiciaire valable du 21 septembre 2018 au 20 mars 2019, et renouvelée au titre de la période du 16 avril 2019 au 15 octobre 2019. Du fait du terme de ce contrôle judiciaire, aucune nouvelle autorisation provisoire de séjour ne lui a ensuite été délivrée. Si M. B... soutient que l'autorité préfectorale n'a pas procédé, ainsi qu'il lui incombait, au réexamen de son dossier, il ressort cependant des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet des Pyrénées-Orientales a relevé que l'intéressé, après avoir été mis en possession d'autorisations provisoires de séjour pour la durée de son contrôle judiciaire, n'avait pas fait valoir d'éléments complémentaires auprès de ses services, et que depuis la fin de ce contrôle, il n'avait pas déposé de nouvelle demande de titre de séjour. Ainsi, M. B..., dont la demande de titre de séjour a été légalement refusée et qui n'était plus titulaire d'une autorisation provisoire de séjour en cours de validité, se trouvait en situation irrégulière, à la date de l'arrêté contesté. Par suite, M. B... n'est pas fondé à contester le motif tiré de l'irrégularité de son séjour et le préfet pouvait, dès lors, se fonder sur les dispositions citées au point précédent pour lui faire obligation de quitter le territoire français.

7. M. B... conteste également le motif tiré de ce qu'il constituerait une menace pour l'ordre public. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a fait l'objet, entre 2015 et 2017, de nombreuses condamnations pénales, dont plusieurs ont donné lieu à des peines d'emprisonnement, pour des faits de violence en réunion, vol avec violence, vol, dégradation, détérioration d'un bien appartenant à autrui, délit de fuite et conduite d'un véhicule sans permis, recel de biens, tentative de vol avec destruction ou dégradation, récidive de vol en réunion. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une condamnation, le 17 mai 2019, par le tribunal pour enfants de C... à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis pour des faits d'agressions sexuelles commis entre janvier et avril 2015, confirmée en appel par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 11 juin 2021. Si M. B... soutient que les éducateurs et le service pénitentiaire d'insertion et de probation ont déposé des rapports satisfaisants sur le respect des mesures judiciaires de suivi mises en place, il ne produit toutefois aucun de ces éléments. S'il soutient également qu'il n'a plus commis d'infractions depuis 2016 et s'être inscrit dans un parcours de formation, de stage et de recherche d'emploi,, la cour d'appel de Montpellier, par son arrêt précité du 11 juin 2021, a cependant relevé que la prise de conscience par l'intéressé de la gravité des faits commis n'apparaissait pas acquise et qu'il était manifeste qu'il présentait un rapport à la loi défaillant, dans la mesure où il n'avait pas respecté certaines obligations mises à sa charge dans le cadre du contrôle judiciaire, s'agissant en particulier de l'obligation de soins et de formation et de l'interdiction de partir à l'étranger. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité des faits qui ont justifié ces condamnations, ainsi qu'à leur caractère répété, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas commis d'erreur de fait ou d'appréciation en estimant que la présence de M. B... sur le territoire français constituait une menace actuelle pour l'ordre public, alors même qu'il n'aurait commis aucune nouvelle infraction depuis ses dernières condamnations, et en l'obligeant, pour ce motif, à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. La décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

10. Au regard de la nature, de la gravité et du caractère répété des faits ayant donné lieu aux condamnations pénales rappelées au point 7, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point précédent, ni commis d'erreur d'appréciation ou de fait en estimant que le comportement de M. B... constituait une menace pour l'ordre public de nature à justifier que ne lui soit pas accordé un délai de départ volontaire.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 3 juin 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent également qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL22133 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22133
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CHNINIF

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;22tl22133 ?
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