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29/12/2023 | FRANCE | N°22TL22109

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 22TL22109


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à une obligation de présentation à la gendarmerie de Saint-Affrique.



Par un jugement n° 2102358 du 18 mars 2022, le tribuna

l administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à une obligation de présentation à la gendarmerie de Saint-Affrique.

Par un jugement n° 2102358 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2022, Mme C..., épouse B..., représentée par Me Brel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 18 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aveyron de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou à tout le moins de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- s'agissant de la décision portant refus de séjour, elle est entachée d'une erreur de droit ; la préfète s'étant, à tort, estimée en situation de compétence liée, n'a pas procédé à l'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ;

- en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la préfète s'est, à tort, estimée liée par l'appréciation portée par le juge de l'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, le préfet de l'Aveyron conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une décision du 23 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme C..., épouse B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B..., ressortissante géorgienne née le 19 octobre 1985, est entrée irrégulièrement en France le 14 janvier 2019 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 31 mai 2019, que par la Cour nationale du droit d'asile, le 5 août 2019. Le 18 décembre 2019, elle a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Elle a bénéficié à ce titre d'une autorisation provisoire de séjour du 6 avril 2020 au 30 juin 2020. Elle a sollicité le renouvellement de ce titre le 6 juillet 2020. Par arrêté du 27 novembre 2020, la préfète de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination et l'a astreinte à une obligation de présentation à la gendarmerie de Saint-Affrique. M. C..., épouse B... relève appel du jugement du 18 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2020.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour :

2. En premier lieu, le rappel de la teneur de l'avis rendu le 30 octobre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et la circonstance que la préfète se soit appropriée le sens de cet avis ne signifient pas qu'elle se serait crue dans un cas de compétence liée. Le moyen tiré de l'erreur de droit caractérisée par une incompétence négative ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

4. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu des pièces du dossier, si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un avis du 30 octobre 2020, a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier, à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

6. Afin de contredire cet avis, l'appelante verse à l'instance deux certificats médicaux, au demeurant postérieurs à la décision attaquée, qui se bornent à indiquer qu'elle a besoin de soins psychiatriques et d'une médication à moyen terme mais ne se prononcent pas sur les conséquences de l'interruption des soins prodigués en France sur son état de santé. Dès lors, la préfète qui n'avait pas à examiner la disponibilité des soins dans le pays d'origine de l'appelante, a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser à cette dernière le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. À la date de la décision attaquée, l'appelante résidait en France avec son époux et leurs trois enfants dont deux d'entre eux sont scolarisés au collège à Saint-Affrique, depuis seulement deux années. En outre, la décision attaquée n'a pas pour effet pour effet de séparer l'appelante et son mari qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement, de leurs enfants ou d'empêcher leur scolarisation, qui peut se poursuivre hors de France. S'agissant de son intégration en France, l'appelante, qui fait état d'activités bénévoles associatives, ne justifie cependant pas de son insertion professionnelle ou sociale. Dès lors, compte tenu de ces éléments et à supposer même que l'appelante et sa famille soient particulièrement appréciés par leur entourage, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect d'une vie familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écartés. Le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée.

9. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. La décision de refus de titre de séjour attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'appelante de ses enfants ou d'empêcher leur scolarisation. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, Mme C... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français: (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

13. L'appelante soutient que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 6 qu'elle n'établit pas que l'interruption des soins prodigués en France aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté.

14. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 8, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au droit de l'appelante au respect de sa vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

15. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance, par la mesure d'éloignement, des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, faute pour l'appelante d'avoir établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi, soulevé par voie d'exception, ne peut qu'être écarté.

17. En second lieu, si la préfète a repris la teneur des décisions rendues en dernier lieu par la cour nationale du droit d'asile, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué qu'elle se soit estimée en situation de compétence liée.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. L'appelante qui se borne à alléguer qu'elle et sa famille feraient l'objet de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans leur pays d'origine, n'établit cependant pas la réalité et l'actualité du risque auquel ils seraient exposés. De plus, elle n'établit ni qu'elle souffrirait d'un traumatisme ni son lien avec des persécutions subies dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22109


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22109
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;22tl22109 ?
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