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29/12/2023 | FRANCE | N°23NC00134

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 29 décembre 2023, 23NC00134


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... E... et Mme C... E... née B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy, chacun en ce qui le concerne, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 du préfet des Vosges portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.



Par un jugement nos 2202858 et 2202860 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.



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Procédure devant la cour :



I) Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, sous le n° 23N...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... et Mme C... E... née B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy, chacun en ce qui le concerne, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 du préfet des Vosges portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de renvoi.

Par un jugement nos 2202858 et 2202860 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, sous le n° 23NC00134, M. A... E..., représenté par Me Boulanger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges en date du 1er septembre 2022 le concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa situation en lui délivrant une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application de l'article L. 423-23 du même code, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- il n'a pas été mis en mesure d'exprimer de manière utile et effective son point de vue avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance du principe général des droits de la défense et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet a fait une inexacte application de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet lui a opposé l'absence de contrat de travail visé par l'autorité compétente pour refuser de l'admettre à titre exceptionnel au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet des Vosges a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi tant en lui refusant un titre de séjour qu'en prononçant une mesure d'éloignement, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour.

II) Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, sous le n° 23NC00135, Mme C... E... née B..., représentée par Me Boulanger, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Vosges en date du 1er septembre 2022 la concernant ;

3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de réexaminer sa situation en lui délivrant une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en application de l'article L. 423-23 du même code, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- elle n'a pas été mise en mesure d'exprimer de manière utile et effective son point de vue avant l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français, en méconnaissance du principe général des droits de la défense et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet des Vosges a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi tant en lui refusant un titre de séjour qu'en prononçant une mesure d'éloignement, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par exception d'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2023, dans les deux instances, la préfète des Vosges conclut au rejet des requêtes.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant serbe né le 15 mai 1981, a déclaré être entré en France en 2010. Il a été rejoint par son épouse, ressortissante serbe née le 6 février 1986, et leur fils le 4 juillet 2021. Par un courrier du 28 juin 2022, adressé par leur conseil, M. et Mme E... ont sollicité leur admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des arrêtés du 1er septembre 2022, le préfet des Vosges a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un même arrêt, M. et Mme E... font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. En premier lieu, les arrêtés litigieux ont été signés par Mme G... F..., directrice de cabinet du préfet des Vosges, qui lui a délégué sa signature aux fins de signer les décisions en litige par un arrêté en date du 23 novembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 24 novembre 2021, en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général de la préfecture et de la sous-préfète de Saint-Dié. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers n'auraient pas été absents ou empêchés à la date des décisions en litige, ainsi que l'a retenu à juste titre le tribunal, qui n'avait pas à faire reposer la preuve du contraire sur l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés litigieux doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu d'adopter les motifs, retenus à bon droit par le tribunal aux points 15 et 16 du jugement attaqué, pour écarter le moyen tiré de ce que les obligations de quitter le territoire français ont été édictées en violation du droit des requérants à être entendus.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Il est constant que si M. E... est arrivé en France pour la première fois en 2010, il ne justifie pas de la continuité de son séjour depuis cette date et il s'y est maintenu en se prévalant d'un titre de séjour slovène valable jusqu'en 2013, sans tenter de régulariser son séjour jusqu'à sa demande présentée en juin 2022. Son épouse et leur fils, né en 2006, ne l'y ont rejoint qu'en juillet 2021. Les requérants ne se prévalent pas d'attaches familiales sur le territoire français. Si les intéressés ont réalisé des efforts d'insertion, par le biais d'une activité professionnelle dans le secteur du bâtiment pour M. E... et sous l'angle du bénévolat et de l'apprentissage du français pour son épouse, et si leur fils est régulièrement scolarisé et bien intégré dans son établissement d'accueil, les requérants ne démontrent pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer en Serbie, pays dont ils ont la nationalité. Dès lors, au regard des conditions de séjour de M. E... et du caractère récent de l'entrée des autres membres de sa famille, ni les refus de titre de séjour ni les obligations de quitter le territoire français ne portent une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent ne sont donc pas fondés. Au regard des circonstances ainsi rappelées, les refus du préfet de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation ne sont pas davantage entachés d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans ce dernier cas, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".

7. D'une part, les circonstances de l'espèce, précédemment rappelées, ne caractérisent ni des considérations humanitaires ni des motifs exceptionnels de nature à entacher d'une erreur manifeste d'appréciation les refus de régularisation, opposés à M. et Mme E... au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des dispositions mentionnées au point précédent.

8. D'autre part, le préfet a également examiné la demande de régularisation à titre professionnel présentée par M. E... au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du même code. A cet égard, il ressort des termes mêmes de l'arrêté concernant ce dernier que le préfet n'a pas opposé le défaut de contrat de travail visé par l'autorité compétente pour statuer sur sa demande de titre de l'article L. 435-1. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au préfet d'avoir entaché sa décision d'erreur de droit au regard de ces dernières dispositions en faisant usage d'un critère qu'elles ne prévoyaient pas. En outre, alors même que M. E... produit des promesses d'embauche pour des postes de plaquiste, qu'il justifie d'une expérience dans ce domaine, et qu'il fait état de manière générale des difficultés de recrutement affectant le secteur du bâtiment, les pièces du dossier ne permettent pas de démontrer que le refus de régulariser sa situation à titre professionnel serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées au point 6.

9. Par ailleurs, le préfet a examiné, de sa propre initiative, et comme il en avait la possibilité, si M. E... pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le requérant fait valoir qu'un de ses employeurs avait déposé à son profit une demande d'autorisation de travail en 2018, il ne conteste pas les motifs retenus par l'administration pour rejeter sa demande au regard de ces dispositions, tirés de l'absence de contrat de travail visé par l'autorité compétente et du défaut de visa de long séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, aucun des moyens invoqués à l'encontre des refus de titre de séjour n'étant fondé, M. et Mme E... ne sauraient exciper de l'illégalité de ces décisions, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire français.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés du préfet des Vosges en date du 1er septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande. Les deux requêtes ne peuvent donc qu'être rejetées, dans toutes leurs conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme E... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Mme C... E... née B..., à Me Boulanger et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète des Vosges.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023

La rapporteure,

Signé : A. Samson-DyeLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. D...

2

Nos 23NC00134, 23NC00135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00134
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON-DYE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : BOULANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23nc00134 ?
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