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29/12/2023 | FRANCE | N°23TL00067

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 23TL00067


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2103811 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure de

vant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier et 19 juin 2023, M. A..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103811 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier et 19 juin 2023, M. A..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que l'erreur de nom commise par le tribunal au point 1 du jugement attaqué ne peut être considérée comme une simple erreur matérielle ;

- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence de son signataire ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été précédé d'un examen exhaustif de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de titre de séjour est illégale dès lors qu'il n'est pas entré de manière irrégulière sur le territoire français ;

- elle méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle quant à la date de son mariage avec une ressortissante française ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa situation relevait d'une décision de remise aux autorités espagnoles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 16 décembre 2022.

Par une ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

- le règlement (UE) n° 2018/1806 du parlement européen et du conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté interministériel du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, né le 30 avril 1975, déclare être entré en France le 16 novembre 2014, après être entré en Espagne sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires espagnoles en poste à Oran, valable du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015. Le 5 février 2021, il a contracté mariage avec une ressortissante française. Le 20 avril 2021, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien au titre de la vie privée et familiale en qualité de conjoint d'une ressortissante française. M. A... relève appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il est constant qu'un nom de famille différent de celui de l'appelant a été mentionné au point 1 du jugement attaqué. Eu égard aux autres mentions contenues sans aucune ambiguïté dans ses motifs et son dispositif, le jugement attaqué doit être regardé comme étant entaché d'une simple erreur de plume, sans incidence sur sa régularité, à supposer une telle cause juridique soulevée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs à l'arrêté en litige :

3. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal au point 2 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. A..., en particulier le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 sur le fondement duquel a été examinée sa demande de titre de séjour ainsi que, notamment, le 3° de l'article L. 611-1 et l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les articles L. 721-3 à L. 721-5 du même code. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressé en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, les raisons de fait et de droit pour lesquelles sa demande de certificat de résidence algérien doit être rejetée en précisant, ensuite, qu'il n'est pas dans l'impossibilité de regagner temporairement son pays d'origine en vue d'y solliciter un visa. Par ailleurs, dès lors que la décision obligeant l'appelant à quitter le territoire a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de M. A..., en précisant qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, dès lors, suffisamment motivé.

5. En troisième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige, que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. A....

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Dès lors d'une part, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces stipulations ainsi que cela ressort de la demande de titre de séjour souscrite en préfecture le 20 avril 2021 et, d'autre part, qu'il entre, en raison du mariage qu'il a contracté avec une ressortissante française, dans la catégorie des ressortissants algériens relevant du 2) de ce l'article 5 de l'accord franco-algérien, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités compétentes de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français sans se conformer aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20, et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21, de cette convention, relatifs aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". L'article R. 621-2 du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. À cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / Les modalités d'application du présent article, et notamment les mentions de la déclaration et son lieu de souscription, sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'immigration ". L'article R. 621-3 de ce code dispose que : " La production du récépissé mentionné au premier alinéa de l'article R. 621-2 permet à l'étranger soumis à l'obligation de déclaration de justifier, à toute réquisition d'une autorité compétente, qu'il a satisfait à cette obligation ". L'article R. 621-4 du même code précise que : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes : / 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; / 2° Est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; toutefois un arrêté du ministre chargé de l'immigration peut désigner les étrangers titulaires d'un tel titre qui demeurent astreints à la déclaration d'entrée ". En vertu des articles 1er et 2 de l'arrêté interministériel du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire, la déclaration d'entrée sur le territoire français est établie conformément à un modèle annexé comportant les éléments suivants : le poste de police, de gendarmerie ou de douane auprès duquel elle est effectuée, l'identité de l'étranger concerné (nom, prénom et sexe), ses date et lieu de naissance, sa nationalité, l'État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen du territoire duquel il provient directement, la nature et le numéro du document de voyage.

9. En application de ces dispositions, la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

10. Conformément à l'annexe I du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, M. A... est, en sa qualité de ressortissant algérien, soumis à l'obligation de visa Schengen pour franchir les frontières extérieures des États membres. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé déclare entré en France, le 16 novembre 2014, en possession d'un passeport délivré par les autorités algériennes revêtu d'un visa de type C délivré par les autorités consulaires espagnoles en poste à Oran valable du 1er novembre 2014 au 30 avril 2015 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour. En outre, M. A... ne justifie pas disposer du récépissé de la déclaration d'entrée sur le territoire français lequel peut prendre la forme de l'apposition d'une mention sur son document de voyage et permet seul de régulariser les conditions de son entrée en France.

11. En s'abstenant de souscrire une déclaration d'entrée sur le territoire français dans les conditions rappelées aux points 8 et 9 et en se maintenant sur le territoire français sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, M. A... doit, dès lors, être regardé comme étant entré irrégulièrement en France. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des stipulations du 2) de l'article 6 de l'accord franco-algérien en lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. M. A... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son mariage avec une ressortissante française depuis le 5 février 2021. Il indique, sans toutefois l'établir, que la relation de couple a débuté il y a quatre années. Il se prévaut, en outre, du suivi médical entrepris avec son épouse pour réaliser leur projet familial d'accueillir prochainement un autre enfant et des liens qu'il a noués avec la fille de sa conjointe née, en 2007, d'une précédente union. Toutefois, eu égard au caractère récent de sa relation de couple, de son mariage et de son projet familial, il n'existe aucun obstacle à ce que M. A... regagne temporairement l'Algérie, pays dans lequel il dispose d'attaches familiales, en vue d'y solliciter la délivrance d'un visa afin de régulariser les conditions de son entrée en France. Dès lors, en refusant à l'intéressé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

14. En quatrième et dernier lieu, il est constant que M. A... a contracté mariage le 5 février 2021 et non le 7 avril 2021 comme mentionné dans l'arrêté en litige. Dès lors que l'autorité préfectorale a, en tout état de cause, effectivement tenu compte de son mariage avec une ressortissante française pour examiner son droit au séjour, ainsi que cela ressort des mentions dépourvues d'ambigüité contenues dans les motifs de sa décision, cette erreur doit être regardée comme une simple erreur de plume qui n'est pas de nature à entacher la décision en litige d'inexactitude matérielle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 13.

16. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

17. Dès lors, d'une part, qu'il n'exerce aucune autorité parentale sur la fille de sa conjointe, ainsi que cela ressort du jugement du juge des affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulouse du 8 avril 2010, d'autre part, qu'il ne démontre pas contribuer à son entretien et à son éducation et enfin, qu'il ne devra que temporairement regagner l'Algérie en vue d'y solliciter un visa destiné à régulariser les conditions de son entrée en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français.

18. En troisième et dernier lieu, il ressort des dispositions des articles L. 611-1 et L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'obligation de quitter le territoire français, et de celles des articles L. 621-1 et suivants du même code, relatives aux procédures de remise aux États membres de l'Union européenne ou parties à la convention d'application de l'accord de Schengen, que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre État ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application des articles L. 621-3 à L. 621-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'État membre de l'Union ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un État membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel État, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet État ou de le réadmettre dans cet État.

19. À supposer qu'il relevât d'une mesure de remise, M. A..., dont le visa Schengen délivré par les autorités consulaires espagnoles était, en tout état de cause, expiré depuis de nombreuses années, n'établit pas ni même n'allègue avoir demandé à être éloigné à destination de l'Espagne. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait pas légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français au motif que sa situation relevait d'une décision de remise aux autorités espagnoles.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir partielle opposée en première instance tirée de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 4 juin 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00067


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00067
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23tl00067 ?
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