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29/12/2023 | FRANCE | N°23TL00549

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 29 décembre 2023, 23TL00549


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2203305 du 12 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023, Mme B..., représentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2203305 du 12 août 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Ducos-Mortreuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 août 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige pris dans son ensemble est insuffisamment motivé ;

- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 19 avril 2023.

Par une ordonnance du 14 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 décembre 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante géorgienne, née le 29 décembre 1993, déclare être entrée en France le 10 septembre 2021. Le 15 septembre suivant, l'intéressée a présenté une demande d'asile et, le 10 janvier 2022, elle a sollicité son admission au séjour en préfecture en se prévalant de son état de santé. Par une décision du 25 mars 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 12 août 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mai 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.

Sur le moyen commun à l'arrêté en litige :

2. L'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de Mme B..., en particulier l'article L. 425-9 sur le fondement duquel a été examinée sa demande de titre de séjour ainsi que les dispositions du 3° et du 4° de l'article L. 611-1 et celles des articles L. 721-3 à L. 721-5 du même code. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressée en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français. Il précise que sa demande d'asile, examinée en procédure accélérée en raison de sa provenance d'un pays sûr, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 mars 2022 et qu'elle ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des dispositions du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les raisons de fait pour lesquelles sa demande de titre de séjour pour raisons de santé doit être rejetée en précisant, ensuite, en s'appropriant les motifs de l'avis rendu le 21 mars 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par ailleurs, dès lors que la décision obligeant l'appelante à quitter le territoire sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de Mme B... en précisant qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte, est, dès lors, suffisamment motivé.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant lié par l'avis rendu le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 21 mars 2022.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

5. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

7. Par son avis du 21 mars 2022, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes sans s'estimer en situation de compétence liée, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Pour remettre en cause cet avis, l'appelante a versé au dossier les éléments relatifs à sa situation médicale, en particulier des certificats médicaux qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.

8. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier sur lesquelles l'intéressée a accepté de lever le secret médical, que Mme B... souffre d'une insuffisance rénale chronique traitée par hémodialyse à raison de trois séances par semaine. En se bornant à soutenir que seule une greffe rénale serait de nature à traiter sa néphropathie, Mme B..., qui n'est entrée en France que de manière très récente le 10 septembre 2021, ne démontre ni que son état de santé rendait indispensable une greffe de rein à la date de la décision en litige, le certificat médical établi, le 16 septembre 2022, par l'unité de dialyse auprès de laquelle elle se rend mentionnant, au contraire, que des examens de pré-greffe ont été programmés et qu'elle ne sera inscrite sur la liste des patients en attente de greffe rénale que l'année suivante ni qu'elle serait en mesure d'obtenir une telle greffe à courte ou moyenne échéance en France. En outre, il ressort de ce même certificat médical qu'une greffe rénale serait la meilleure mais non la seule perspective thérapeutique pour l'intéressée. S'agissant de la disponibilité de son traitement dans son pays d'origine, l'appelante ne produit, ainsi que cela lui incombe, aucun élément précis et circonstancié, à l'exception de rapports généraux, de nature à établir qu'elle ne serait pas en mesure de bénéficier de séances d'hémodialyse en cas de retour en Géorgie, pays dans lequel elle a déclaré avoir suivi des séances de dialyse avant d'entrer en France lors de son entretien devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par ailleurs, si l'appelante soutient que la transplantation rénale est faiblement pratiquée en Géorgie et que seul le don d'organes entre membres d'une même famille est possible, elle ne produit aucun élément probant, à l'appui de ses allégations, de nature à établir qu'aucun membre de sa famille ne serait un donneur compatible. Par suite, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de manière certaine qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier, en Géorgie, d'un suivi médical adapté, sans qu'il soit exigé qu'il soit en tous points équivalent à celui dont elle dispose en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B.... Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, d'une part, les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle, dans l'hypothèse où un étranger à qui a été refusée la reconnaissance de la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire, a également présenté une demande tendant à la délivrance ou au renouvellement d'un titre de séjour, à ce que l'autorité administrative assortisse le refus qu'elle est susceptible d'opposer à cette demande d'une obligation de quitter le territoire français fondée à la fois sur le 3° et sur le 4° de cet article. Dès lors que la décision en litige n'appelle aucune appréciation relative au droit au séjour de l'appelante, le moyen tiré de ce qu'elle serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour est partiellement inopérant en tant qu'il est dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français fondée sur le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 8, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence, est illégale ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions dont l'appelante doit être regardée comme se prévalant de la méconnaissance en lieu et place de celles, abrogées du 10° de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8.

11. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Mme B... soutient qu'elle n'a plus aucun lien avec sa famille en Géorgie en raison des mauvais traitements qu'elle y a subis et de l'opposition de son frère à ce qu'elle quitte son pays d'origine. Elle indique, en outre, résider auprès de sa sœur, qui bénéficie du statut de réfugiée depuis le 25 mars 2022 et l'accompagne dans ses démarches administratives et médicales. Toutefois, par ces éléments, Mme B..., qui se déclare célibataire et sans charge de famille en France, ne démontre pas, en dehors de la seule présence de sa sœur, l'intensité et la stabilité de ses liens privés et familiaux développés en France alors qu'elle a vécu en Géorgie la majeure partie de sa vie, jusqu'à l'âge de 28 ans, pays où résident ses deux parents, son autre sœur, son frère et sa grand-mère. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France en vue d'y solliciter l'asile et que sa durée de présence, au demeurant faible à la date de l'arrête en litige, est strictement liée à l'examen de sa demande d'asile qui a été instruite en procédure accélérée, en raison de sa provenance d'un pays d'origine sûr, et rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée en France, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 9 à 12, le moyen tiré de ce que la décision en litige, serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté.

14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'appelante soutient être exposée à des risques de traitements contraires à ces stipulations en cas de retour en Géorgie en raison, d'une part, de son appartenance à la communauté des Yézidis, d'autre part, de sa soustraction à un mariage forcé prenant la forme d'un rapt qu'elle indique avoir subi avec l'aval de sa famille et, enfin, de son exposition à un risque de dégradation rapide et irréversible de son état de santé en l'absence de prise en charge médicale adaptée. Toutefois, alors même que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et que son admission au séjour pour raisons de santé a été refusée, Mme B... ne fait d'aucun élément, autre que ceux qu'elle a déjà portés à la connaissance des autorités en charge de l'asile ou à la connaissance du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de nature à établir, de manière précise et circonstanciée, la réalité et l'actualité des risques qu'elle encourt personnellement en cas de retour en Géorgie. Par suite, c'est à bon droit que le magistrat désigné par la présidente du tribunal a écarté ce moyen.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00549
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;23tl00549 ?
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